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bientôt le souvenir au milieu des premières fêtes de l'Empire. 1 et en l'an XIII, le chiffre des escomptes de la Banque de France au commerce atteignit 847 millions, La déclaration de guerre par l'Autriche et la reprise des luttes continentales amenèrent, il est vrai, une nouvelle crise. L'argent disparut; le crédit se resserra; les porteurs de billets se précipitèrent vers la Banque, qui un moment limita à 500,000 francs par jour ses remboursements. Mais la victoire d'Austerlitz ramena encore une fois la confiance, et nous avons vu comment Napoléon mit dès lors la Banque de France sous la main de l'administration. 2

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La quatrième coalition produisit des effets à peu près semblables: la guerre, lors même qu'elle est conduite par un favori de la victoire, épouvante le commerce. Cette fois, Napoléon, tout en dirigeant ses opérations militaires, surveillait la Banque; de Berlin, il écrivit au gouverneur d'escompter à 5 p. 100, et la Banque escompta à 5. Il autorisa, ou pour mieux dire, il contraignit, malgré les représentations de ses conseillers, la Caisse d'amortissement à employer 6 millions en prêts sur nantissement afin d'assister les manufacturiers qui ne pouvaient vendre leurs marchandises, et il ne leur prit que 2 p. 100 d'intérêt. Quoi qu'il en pensât, de pareilles mesures ne suffisent pas à rétablir le crédit; les escomptes de la Banque au commerce ne furent que de 418 millions en 1807, et il fallut aller jusqu'en 1810, après la paix de Vienne, pour retrouver et dépasser le chiffre obtenu. en l'an XIII. 5

Toutefois ce n'étaient encore, jusqu'en 1811 où l'escompte tomba au-dessous de 500 millions, que des ombres légères. Après la paix de Presbourg, l'empereur qui venait de faire sentir au continent le poids de ses armes, voulut lui montrer aussi la puissance de l'industrie nationale et porter un double défi à l'orgueilleuse Angleterre. Il donna des ordres pour qu'une exposition fit « partie des fêtes consacrées à célébrer les triomphes des armées françaises ». L'intention de Sa Majesté est qu'elle puisse offrir un tableau complet et une sorte de carte géographique industrielle de toute la France. De longs

1. Voir le Moniteur de l'an XIII, p. 97.

2. Voir plus haut, ch. III, p. 360 et ch. V, p. 408.

3. Corresp. de Napoléon, t. XIII, p. 652.

4. Décrets du 11 mars et du 27 mars 1807. « J'ai pris, il y a quinze jours, un décret pour prêter aux fabricants sur nantissement. Toutes ces prétendues délicatesses que l'on met en avant sont des bêtises et des sophismes. A quel cri d'alarme cela donnerait-il lieu, qu'un fabricant dise: Je suis riche, j'ai pour un million de marchandises, je ne puis les vendre, et je n'ai pas un sou. Le gouvernement me prête 100,000 écus je lui donne pour sûreté 100,000 écus de marchandises. Au lieu d'être un objet de discrédit, cela est au contraire un moyen de crédit. » (A Cambacérés, 5 avril 1807, Corresp. de Napoléon, t. XV, p. 34.)

5. En 1810, l'escompte fut de 843 millions. Voici, du reste, le tableau des prin

portiques furent construits entre les Invalides et la Seine, et 1,422 exposants y apportèrent leurs produits. Cette exposition, ordonnée par décret du 15 février 1806, devait s'ouvrir le 25 mai. Le 22 février une circulaire du ministre en fit connaître aux préfets les conditions. Le jury était composé de six membres de l'Institut (Darcet, Molard, Chaptal, etc.), d'un associé de l'Institut, d'un membre de la Société d'agriculture du département de la Seine, d'un industriel. Sur la demande du public, l'exposition fut prolongée jusqu'au 10 vendémiaire. Les 1,422 exposants appartenaient à 104 départements, dont 81 dans l'ancien territoire de la France. Cette solennité de l'année 1806, la seule de ce genre qui ait eu lieu sous l'Empire, éclipsa les précédentes et fournit à l'industrie l'occasion d'étaler ses richesses: les glaces de Saint-Gobain; les fontes du Creusot, les premières qui, en France, aient été fabriquées au coke ; la tréfilerie d'acier, les machines à filer le coton et la laine; les mousselines de Saint-Quentin et de Tarare, industrie récente qui ne s'alimentait qu'avec des fils de contrebande. 54 médailles d'or, 197 médailles d'argent, 80 médailles de bronze (ou d'argent de seconde classe). Napoléon, à la pensée des progrès accomplis, put s'écrier avec une confiance qui était sincère : « Le mo

cipales opérations de la Banque de France jusqu'en 1814; il donne une idée du mouvement général des affaires, quoique cette statistique ne représente guère, même après 1806, que des opérations faites à Paris.

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1. Parmi les noms nouveaux se trouvent ceux de Biennais (orfèvre), de Calla (machines pour le coton), de Japy (horlogerie), de Thomire (bronze).

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ment de la prospérité est venu; qui oserait en fixer les limites? >> L'industrie présentait en effet alors, et présenta encore pendant les quatre années suivantes, un spectacle animé et brillant. Napoléon pouvait, à juste titre, s'en glorifier quand il comparait ce qu'elle était au 18 brumaire et ce qu'elle était devenue sous son gouvernement. Les nuages qui de temps à autre obscurcissaient l'horizon n'étaient pas assez sombres pour faire douter de l'avenir un génie qui avait foi en lui-même. Il songeait à embellir sa capitale ; il érigeait, sur le modèle de la colonne Trajane, la colonne Vendôme qu'il faisait couler avec le bronze des canons d'Austerlitz; devant l'entrée des Tuileries, il plaçait un arc de triomphe, d'un type antique aussi ; il projetait d'édifier un arc plus grandiose à l'entrée des Champs-Elysées; il faisait commencer sur un dessin uniforme, à arcades, la rue impériale (rue de Rivoli); il voulait doter Paris d'une quinzaine de fontaines monumentales; il jetait sur la Seine les ponts d'Austerlitz et d'Iéna.

En même temps, pour faciliter la circulation, il construisait des routes, il poussait activement la construction de canaux entrepris vers la fin de l'ancien régime, canal de l'Ourcq, canal de Saint-Quentin, canal de Bourgogne, canal du Rhône au Rhin.

Exposé de la situation de l'Empire en 1806. - Ce sentiment de confiance était alors très répandu dans la bourgeoisie comme dans l'administration. Voici, entre autres témoignages, une note qui paraît dater de la fin de 1806 2:

« La situation des manufactures est dans ce moment aussi heureuse qu'on peut le désirer; celles qui travaillent dans les lainages et la draperie sont dans une activité constante; les produits qui en résultent obtiennent toujours le succès. Quelques-unes ont fait de grands progrès... surtout les étoffes rases, les casimirs (Belgique, Amiens, Abbeville, ci-devant Languedoc). La rivalité de nos ennemis est aujourd'hui sans effet... Les temps sont passés où ces ennemis implacables, pour ruiner notre commerce et toutes les forces de notre industrie, contrefaisaient nos étoffes les plus communes; nos succès ruinent à jamais leurs efforts vains et impuissants.

«... Les filatures et fabrication d'étoffes de coton et de bonneterie prennent un tel accroissement que bientôt on signalera avec la plus grande surprise le peu de temps qui s'est écoulé depuis l'institution des premiers établissements en ce genre. »

Il y eut cependant des voix dissidentes et des ombres au tableau ; le blocus continental et le malaise qu'il commençait à causer dans.

1. Exposé de la situation de l'Empire en 1806.

2. Elle se trouve dans le dossier des arts et manufactures (Arch. nationales, F12 506).

certaines industries en furent la principale cause. Dans une note du même dossier (septembre 1807), on se plaint que le mouvement du commerce extérieur devienne de jour en jour plus restreint, que l'exportation des vins par Bordeaux et des grains par la Bretagne ait cessé et amené une baisse de prix. « Les manufactures de coton qui devaient leur renaissance ou plutôt leur création au bienfaisant décret de Sa Majesté prohibant les tissus étrangers éprouvent, disait-on, les plus vives inquiétudes et craignent d'être obligées de cesser bientôt leurs travaux si la rupture de la neutralité des Portugais et des Américains vient empêcher les arrivages de coton. >>

D'ailleurs, une révolution sociale et économique telle que celle que la France avait subie depuis 1789 ne pouvait pas s'être produite sans avoir déplacé des intérêts et restreint certains foyers d'activité pendant que d'autres se développaient. Orléans en est un exemple. Cette ville avait joui jusqu'à la seconde moitié du xvII° siècle d'une prospérité qu'elle devait à sa position au point de la Loire le plus septentrional et le plus voisin de Paris. Mais Paris devenait absorbant, et depuis 1789 surtout, les Orléanais se plaignaient de la centralisation des affaires dans la capitale. Néanmoins, quoique la raffinerie de sucre fût languissante à Orléans faute de matière première, et que la bonneterie de laine, qui avait occupé jusqu'à 1,600 métiers et 10,500 personnes en 1760, fût réduite à 200 métiers et à 1,400 personnes parce que la clientèle du Canada était perdue et que celle des basses classes en France avait baissé, le peuple trouvant la toile et le coton plus confortables, il y avait encore en 1805 des industries actives: la manufacture d'indiennes, la filature du coton, la fabrique de bonnets tunisiens et de couvertures de laine. 2

Union de la science el de l'industrie pour le perfectionnement des moyens de production par la chimie. L'industrie puise ses inspirations à deux sources très diverses, la science et l'art; l'une dirigeant la production économique qu'elle rend plus rapide et plus variée ; l'autre inspirant la production de luxe qui tire de lui, avec l'élégance et le bon goût, sa principale valeur.

La science, si l'on pouvait dans les temps passés l'appeler de ce nom, avait longtemps consisté dans la dextérité personnelle de l'ouvrier ou

1. « La marche que le commerce a pris en général depuis la Révolution s'oppose à l'activité des négocians non seulement d'Orléans, mais de ceux de toutes les villes des départemens... Ce mal est la centralisation à Paris de toutes les branches de commerce, de spéculation et d'industrie.» — La chambre de commerce, en 1843, répétait que la décadence de l'industrie était due à la centralisation qui depuis un siẻcle accumulait tout à Paris. - Le Commerce et l'industrie à Orléans en l'an XIII (Arch. du dép. du Loiret, communiqué par M. BLOCH, archiviste).

2. Voir le Commerce et l'industrie à Orléans en l'an XIII, dans le Bulletin de la chambre de commerce d'Orléans, 1898.

dans la tradition de certains outils et procédés. C'était seulement,comme nous l'avons vu, dans la seconde moitié du xvme siècle, que la science véritable, c'est-à-dire la chimie, la physique et la mécanique, fortifiée elle-même et transformée par des méthodes plus rigoureuses, s'était hasardée sur le terrain de la manufacture. Mais avant la Révolution, les corps de métiers, et depuis la Révolution, les troubles politiques avaient paralysé sa bienfaisante influence. En 1787, Leblanc avait créé la première fabrique de soude artificielle. En 1799, un ouvrier d'Essonne avait fait des essais pour fabriquer le papier à la mécanique, mais il avait dû porter sa découverte en Angleterre. A cette même époque, il n'y avait encore en France qu'un fort petit nombre de métiers filant le coton à l'instar des mull-jennies de nos voisins. La paix intérieure, premier bienfait du Consulat, rendait possible cette pacifique révolution du travail, et allait enfin sceller l'union féconde de la science et de l'industrie, qui avait eu pour parrains Watt en Angleterre et Lavoisier en France: c'est la pensée qui avait donné naissance à la Société d'encouragement.

En 1806, la science pouvait déjà s'applaudir des résultats obtenus par l'industrie francaise. La chimie et la mécanique commençaient à opérer des prodiges.

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La carrière avait été, comme nous venons de le dire, ouverte à la veille de la Révolution par Leblanc, qui avait trouvé le moyen de fabriquer de toutes pièces la soude, et qui avait fondé une usine. L'opposition des importateurs de soude étrangère et la difficulté des temps l'avaient ruiné et, dit Chaptal, « le malheureux auteur de cette importante découverte s'est vu réduit à la misère ». Leblanc n'en doit pas moins être considéré comme un des créateurs de la grande industrie des produits chimiques.

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Pendant la période consulaire et impériale, la chimie améliora la fabrication de l'acide nitrique grâce surtout à Berthollet et à Chaptal,"

1. Par la décomposition, à l'aide de la craie et du charbon, du sulfate de soude que Leblanc obtenait en traitant le sel marin par l'acide sulfurique.

2. LEBLANC (1742-1806), élève de Darcet, avait, à la suite d'un concours ouvert en 1787 pour la fabrication de la soude avec le sel marin, découvert en 1789 le procédé qui l'a rendu célèbre. Il avait fondé en 1787, à Saint-Denis, avec l'appui du duc d'Orléans, une usine qui fut mise sous séquestre à l'époque de la mort du duc; Leblanc ne la recouvra que plus tard sous la Convention et ne fit que languir jusqu'à sa mort (1806).

3. BERTHOLLET (1749-1822), collaborateur de Levasseur, professeur à l'Ecole polytechnique, jouissant de la faveur de Napoléon, avait, avant la Révolution, analysé l'ammoniaque, fabriqué le chlorate de potasse, appliqué le chlore au blanchiment des étoffes. Son Essai de statistique chimique (1803) a été à cette époque le manuel de la chimie pratique. Au nom de Berthollet, s'associe celui de PROUST, son contradicteur, qui a beaucoup contribué à établir la loi des proportions définies en chimie et à créer l'analyse par la voie humide; on lui doit la théorie du sucre de raisin. 4. CHAPTAL (1756-1832), fabricant de produits chimiques et professeur à Mont

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