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Un rapport du préfet de police du 1er mars 1807 contient des renseignements précis sur les salaires à Paris. Tout en étant à peu près en concordance avec ceux de Morisot pour le bâtiment, ce rapport présente quelques salaires montant à 7 francs, et place le niveau des salaires inférieurs dans les autres industries entre 1 fr. 15 et 2 fr. 50, et celui des salaires supérieurs entre 3 francs et 5 francs, exceptionnellement jusqu'à 7 francs. 1

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1. Extrait du rapport du préfet de police (Arch. nationales, F12 502):

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2 5

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8

13 10

Menuisiers.

Serruriers

Peintres .

Marbriers

3 à 6 et même 7

2.50 à 4
2.50 à 6
et même 7

2.50 à 6
2 à 4

Tapissiers
Menuisiers.
Passementiers.

Ebénistes.

Tourneurs

2 à 4

3 à 5

3 å 4

3 à 5

2 au plus

Tonneliers

Charrons.

ALIMENTATION

(par semaine)

Boulangers.

8 à 12 fr.

Maréchaux-ferrants.

Carrossiers et selliers.

2.50 3.50 à 4 2.50 à 3

3 à 6

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25 à 40 fr.

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Le salaire était moindre en province, excepté dans quelques professions qui exigeaient une habileté spéciale. Ainsi, un rapport adressé en 1813, année où les taux avait baissé, par un manufacturier en coton au maire de Gand, porte qu'un imprimeur à la planche gagnait 10 francs, un graveur en bois 6 francs, un fileur à la mécanique 4 fr. 50 (sur lesquels il payait près de la moitié en frais divers), mais l'imprimeur à la mécanique avait seulement 2 fr. 50, les autres ouvriers de l'impression 2 fr. 50 aussi, le tisserand 1 fr. 80, les employés au collage 1 fr. 50, les femmes employées à la carderie 1 fr. 10, les enfants rattacheurs 0 fr. 45.2 Nous ne citons pas ces chiffres comme la moyenne du taux en Belgique ni même à Gand, mais comme des faits isolés propres à fournir un indice sur la diversité des salaires.

Peuchet, au commencement de l'Empire, hasardait une moyenne générale pour « la journée de travail d'un ouvrier des arts et métiers depuis la couturière jusqu'au bijoutier » 30 sous, tandis que cette moyenne, disait-il, n'était guère que de 20 sous avant 1789. 3

3

Le salaire nominal à la journée est non seulement imparfaitement connu, à cette époque, mais il ne mesure pas le gain annuel de l'ouvrier parce que la durée moyenne du chômage est encore moins connue. Si l'on en juge d'après les renseignements de Gand, il y avait dans l'industrie cotonnière des changements brusques, par suite de la rareté de la maière première ou d'un arrêt de la consommation; car de 9,696 ouvriers occupés dans le second semestre de 1810, l'état de situation tombe à 7,725 dans le premier semestre de 1811, remonte à 7,804 dans le troisième trimestre de 1812 et retombe à 5,480 dans le premier trimestre de 1813.

4

La conscription et le mouvement de la population.

Une cause qui contribua puissamment à soutenir les salaires et même à en exagérer

IMPRIMERIE. PAPETERIE

ET CÉRAMIQUE

Tireurs (imprimerie)

Compositeurs.

(par jour)
2 à 2.50
4

Ouvriers de papeterie. .
Ouvriers (papiers peints)

(verrerie)
(porcelaine)

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1.50 à 2.50

jusqu'à 3 2.50 à 3

2.50 à 9

2 à 2.50

2.50 à 5

D'après un renseignement particulier de famille, nous pouvons dire que 3 fr. 50 à 4 francs étaient le salaire ordinaire de l'ouvrier orfèvre à Paris vers 1810. Un bon ouvrier, ayant un apprenti qui travaillait à l'établi avec lui chez son patron, gagnait 6 francs pour lui et pour son apprenti.

1. Ce chiffre, donné par M. de Smet (M. VARLEZ, Les salaires dans l'industrie gantoise, annexe 4) paraît exagéré, puisque dans un mémoire (Ibid., annexe 5) de 1815, les manufacturiers disent que le salaire de la semaine était de 20 francs sur lesquels le fileur avait 8 fr. 45 à payer pour le rattacheur, l'huile et la lumière. 2. M. VARLEZ, op. cit., annexe no 4. La durée de la journée à Gand était de treize à quatorze heures.

3. PEUCHET, Statist. élém. de la France, p. 391.

4. M. VARLEZ, op. cit., annexe 3.

le taux, ce fut la conscription. Elle faisait aux ateliers une rude concurrence, enlevant la jeunesse qu'elle enrégimentait, et que, depuis 1808, elle ne rendit plus au travail. Elle prit d'abord la population de vingt á vingt-cinq ans, puis elle plongea dans les générations nouvelles jusqu'à dix-huit ans et au delà. La guerre consomma en vingt-cinq ans des millions d'hommes valides, qu'elle sema sur les champs de bataille, de Cadix à Moscou, pendant qu'une partie de ceux qu'elle avait épargnés étaient employés à lui préparer des armes, des munitions, des équipements.1 Aussi les jeunes gens possédant quelque instruction, les ouvriers doués de quelque habileté étaient-ils fort recherchés; il n'était pas rare de voir des contremaîtres de dix-sept ans, des employés plus jeunes encore chargés d'un service important, des artisans gagnant de bonnes journées à l'âge où d'ordinaire on est apprenti.

L'aisance facilita les mariages; le nombre des naissances s'accrut et la mortalité sembla fléchir un peu de 1808 à 1810. On peut se fier d'autant mieux aux indications fournies par ce thermomètre démographique, qu'il se montra pendant cette période très sensible aux causes de perturbation. Trois fois le mouvement d'expansion s'arrêta et sembla se contracter tout à coup devant la crainte de la misère : une première fois pendant la disette de 1802, suivie de la rupture avec l'Angleterre; une seconde fois à l'époque de la campagne d'Austerlitz ; une troisième durant la crise de 1807. L'année 1809 marque à peu près l'apogée de la prospérité; on enregistra 933,000 naissances, c'est-à-dire quinze à vingt mille de plus que sous le Consulat, et 267,000 mariages; l'excédent des naissances sur les décès enregistrés fut cette année de 185.000. Lorsque vinrent la disette, les terribles guerres de Russie et d'Allemagne, l'invasion du sol français, la population se replia sur elle-même. Cependant, lorsque les jeunes gens furent, dès l'âge de dix-huit ans, menacés de partir en masse pour une guerre meurtrière d'où peu devaient revenir, ils cherchèrent à éluder cette nécessité en se mariant: l'année 1813 compta 165,000 mariages de plus que l'année précédente. Il n'y en a jamais eu autant en France; mais l'aisance n'avait plus aucune part dans ces unions inspirées par la peur du service militaire. 3

1. Les registres de l'état civil constatent en moyenne, pendant la période 18011820, un excédent annuel de 23,000 décès masculins sur les décès féminins, tandis que l'excédent en temps ordinaire n'était guère que de 3,000. Et pourtant les reg istres sont loin de constater toute la réalité, beaucoup de morts ou de prisonniers qu'on n'a jamais revus n'ayant pas été portés sur les registres pendant le Consulat et l'Empire et surtout pendant les années 1812 et 1813. (Voir La Population française, par E. LEVASSEUR, t. II.)

2. Cet excédent n'est pas rigoureusement exact, parce qu'il est vraisemblable qu'une partie des décès militaires en Espagne et en Autriche n'a pas été portée sur les registres. Voir La Population française, par E. LEVASSEUR, t. II.

3. Voici le détail année par année; pour simplifier la lecture, nous n'avons pas

Cette peur étendit une ombre sinistre sur la classe ouvrière. Sous la République, à l'époque des enrôlements volontaires, beaucoup d'ouvriers étaient partis gaiement; l'enthousiasme patriotique les soutenait et l'absence de travail ne leur laissait pas de regret. Sous l'Empire, il en était autrement. Arrivés au régiment, ils ne tardaient pas à prendre l'esprit de corps, et devenaient (c'était toujours des Français) braves devant l'ennemi et prompts à adopter les mœurs insouciantes de la vie militaire. Mais au moment de partir, les conscrits quittaient avec d'autant plus de chagrin les ateliers que les salaires y étaient plus forts, et ils cherchaient à se soustraire à la loi. Dès la première levée, en 1804, le nombre des réfractaires et des déserteurs s'éleva au tiers du contingent. Il augmenta à mesure que les guerres devinrent plus meurtrières. Parents, amis, patrons cachèrent à l'envi de jeunes ouvriers que le sort appelait et semblait vouer à la mort. Le gouvernement impérial se raidit contre cette résistance, et usa de rigueurs qui le firent maudire dans les familles et qui lui aliénèrent, dans les dernières années, l'esprit de la classe ouvrière. L'invasion du sol français exprimé les centaines :

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a. Cette année ne comprenait que 109 jours. En calculant sur 365, on aurait : 960,000, 817,000, 193,000.

b. Mariages dus à la crainte de la levée en masse.

c. Conséquence des nombreux mariages de l'année précédente.

d. Si les décès sont presque toujours au-dessous de la réalité, c'est parce que très probablement, beaucoup de décès militaires à l'étranger n'étaient pas reportés sur les registres des communes; en 1814, la guerre ayant eu lieu en France, tous les décès y ont été enregistrés.

1. « Nous ne pouvons nous dissimuler que les règlements actuels de la conscription sont loin de remplir notre but. Sur quatre-vingt-dix mille conscrits, il n'en est arrivé que soixante-quatre mille, sur lesquels il faut compter plus de quatorze mille désertés. » — Corresp. de Napoléon, t. X, p. 28. Lettre de Napoléon, Saint-Cloud, 20 octobre 1804.

2. Décret du 5 avril 1811. << Toutes les fois que le nombre des conscrits réfractaires ou des déserteurs aura nécessité dans un département l'envoi d'une co

ranima seule, mais tardivement, les sympathies du peuple pour Napoléon dont la cause se confondit alors avec celle de la patrie.

1

La crise, le chômage et la mutualité. - Une autre cause de mécontentement et de souffrance fut la longue crise qui termina la période impériale. La violence s'en fit sentir particulièrement dans la capitale. Paris avait vu sa population s'accroître de plus de 100,000 ames en dix ans ; 1 les recrues se composaient surtout d'ouvriers, attirés par son industrie variée. Le luxe entretenait en grande partie cette industrie qui manqua d'aliments en 1812 et en 1813, au moment où le pain de quatre livres valait 16 et 18 sous. «Sur les 66,850 ouvriers de la capitale, dit Pasquier, on en compta alors 21,950 sans ouvrage; les deux tiers des ébénistes, les trois quarts des bijoutiers et des orfèvres erraient sur le pavé. 3 L'administration s'empressa de leur procurer quelques secours et ouvrit de grands ateliers de terrassement pour la construction du canal SaintMartin. Mais des ateliers de charité ne sont jamais qu'un palliatif, et des mains habituées à un travail délicat manient mal la pelle et la pioche. Le mécontentement fut grand; au faubourg Saint-Antoine, les ouvriers firent irruption dans les boutiques, demandant du travail ou du pain, et affichèrent sur les murs des placards contre l'empereur. La police dut agir avec rigueur et fit cesser le désordre sans faire cesser le mal.

lonne mobile, il pourra être établi des garnisaires selon le mode fixé par l'avis du Conseil d'Etat, approuvé le 1er juin 1807, et le décret impérial du 24 juin 1808, chez les pères et mères, non seulement des réfractaires, mais encore des déserteurs, et à défaut des pères et mères, chez ceux qui les représentent selon la loi, aussi longtemps que ladite colonne sera employée dans le département... »

1. 547,700 habitants au recensement de 1801; 688,000 en 1811 d'après l'excédent des naissances sur les décès; 713,900 au recensement de 1817. Le rapport de PasQUIER accuse 650,000 habitants.

2. Ce chiffre est très inférieur à celui qu'avait donné le préfet de police dans son rapport du 1er mars 1807 (91,946 ouvriers); mais il ne comprend pas les garçons d'hôtel, de restaurant, etc.

3. Le rapport de PASQUIER donne le nombre de ceux qui chômaient. Les chiffres de ce rapport ne concordent que très imparfaitement avec ceux du rapport du préfet de police en date du 1er mars 1807.

Nombre total
des
ouvriers

Nombre de ceux
qui n'avaient pas
d'ouvrage

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4. Note de PASQUIER, du 4 avril 1813. Voir De la condition des ouvriers de 1789

à 1841, p. 107.

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