Page images
PDF
EPUB

(commerce général) en 1829, dépassant le plus haut chiffre qu'il eût atteint sous l'ancien régime'.

Conflits avec les puissances étrangères États-Unis, Pays-Bas, Angleterre. Le protectionnisme devait vraisemblablement faire surgir des difficultés avec les puissances étrangères.

Les États-Unis, qui commençaient à entrer systématiquement dans la voie du protectionnisme, furent les premiers à manifester leur mécontentement contre la surtaxe de pavillon qui les écartait de nos ports.

Ils demandaient l'égalité de traitement; le conseil du commerce y était opposé parce qu'il pensait que cette égalité serait ruineuse pour la marine française qui n'exportait pas de produits encombrants comme les États-Unis. Ne pouvant rien obtenir par voie diplomatique, le gouvernement américain mit un droit de 10 dollars par tonneau sur les navires français (15 mai 1820); le gouvernement français essaya d'abord de négocier, puis riposta (26 juillet) par un droit de 90 francs sur les navires américains, à l'exception de ceux qui viendraient sur lest charger en France, et par une prime à l'importa

(1) Commerce extérieur de la France par millions de francs : (Nota. La publication annuelle régulière du commerce extérieur date de 1826.) Commerce général Commerce spécial Imp. Exp. Total

Années

Numéraire Commerce spécial Imp. Exp.

Imp. Exp. Total

[merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]

En 1822, première année qui fournisse quelques renseignements détaillés, le commerce extérieur se décomposait ainsi :

[blocks in formation]

tion des cotons par navire français: c'était une guerre de tarifs qui interrompit tout commerce régulier entre les deux pays, obligeant les importateurs de coton à faire venir cette matière par navires espagnols ou anglais, la marine française étant insuffisante. Il fallut signer la convention du 24 juillet 1822 et affranchir de toute surtaxe les produits naturels ou manufacturés des États-Unis importés par navires américains, moyennant un droit de 20 francs par tonneau, qui s'abaissait graduellement jusqu'à 5 francs en 1820, tandis que le droit général était de 60 francs; par réciprocité, un privilège analogue était concédé aux navires français introduisant aux États-Unis des marchandises françaises. Les armateurs français gémirent; ils produisirent des chiffres qui accusaient en 1823 un tonnage dans les ports français de 121,578 tonneaux américains contre 4,617 tonneaux français à destination d'Amérique et demandèrent qu'on usât de la clause qui permettait de rompre le pacte en 1824. Mais quel effet cette rupture aurait-elle sur un commerce de 40 millions qu'il ne fallait pas compromettre? La convention résista, soutenue par la nécessité et même par de singuliers arguments dans le conseil du commerce et des colonies'.

Le tarif des douanes fut la cause de conflits avec la Suède, qui répondit au droit sur les fers par un droit de 200 francs sur la barrique de vin français; avec la Prusse, avec la Russie, avec les Pays-Bas. Ce dernier État, mécontent de l'élévation du droit sur les toiles, avait en 1823 frappé d'une taxe de 100 p.100 les faïences et poteries françaises et interdit l'entrée par terre des vins français. Il voulut négocier, et pour cela, il demanda l'autorisation d'envoyer un agent en France; le conseil du commerce et des colonies, qui commençait alors à fonctionner, et qui sur la demande de treize départements effrayés de l'invasion croissante des toiles de Hollande (36 millions en 1823), proposait d'élever de 20 p. 100 le droit sur les toiles, s'opposa à l'autorisation parce que, disait-il, la France a le droit, sans rendre de comptes à personne, de faire ses lois de douanes générales, tandis que les Pays-Bas ont fait une loi d'exception contre la France seule. « Nous recourrons contre vous-mêmes, répondait-il, aux mesures dont vous

1. Un pair de France dit qu'il ne fallait pas sacrifier cette branche de commerce parce qu'en général le commerce extérieur était déjà menacé de diminution par les nouvelles conditions économiques. « Il établit, dit le procès-verbal (Arch. nationales, versement du ministère du commerce en 1899, no 5), que de jour en jour le commerce d'échange va en diminuant par suite des progrès rapides qui s'opèrent dans les arts industriels et des mesures que prennent les gouvernements pour protéger leur propre industrie et repousser celle de l'étranger, de sorte que chaque peuple qui précédemment ne se livrait qu'à un certain nombre de fabrications, les embrasse toutes maintenant et s'affranchit ainsi de l'obligation de recourir au dehors, si ce n'est pour les produits que son climat ou ses possessions lui refu sent. >

nous donnez l'exemple, et nous essayerons de vous contraindre par des mesures qui n'atteindront que vous seuls 1. »

L'Angleterre, sentant que son industrie était devenue assez forte pour lutter victorieusement avec les industries étrangères et qu'il lui importait maintenant surtout d'élargir ses débouchés, commençait, depuis 1822, sous l'inspiration du ministre Huskisson, à réformer son tarif des douanes en réduisant un certain nombre de droits. Huskisson vint alors en France pour essayer de négocier un traité de commerce; il ne réussit pas 2. Mais il obtint quelque temps après un traité de commerce et de navigation 3 qui accordait à la marine anglaise le privilège qu'avait obtenu la marine américaine, celui de la suppression de la surtaxe de pavillon. Le mouvement de la navigation augmenta dans les ports de France, mais ce fut surtout par l'augmentation du pavillon étranger.

3

[ocr errors]

Quelques principes économiques. La France, qui avait eu au xvme siècle le mérite de poser avec Quesnay les premiers fondements de la science économique, la retrouvait transformée par Adam Smith, et en rassemblait, avec J.-B. Say, les éléments en un corps de doctrine méthodique. Le Traité d'économie politique, publié pour la première fois sous le Consulat ", remanié et amélioré dans les éditions

1. Arch. nationales, versement de 1899, no 5. Deuxième séance du conseil supérieur du commerce et des colonies, 7 mai 1824.

2. Les protectionnistes en France estimaient que le Parlement anglais avait fait la réforme non dans un but humanitaire, mais dans un intérêt anglais : en quoi ils avaient raison. Ils en concluaient, avec moins de raison, qu'une modération des droits serait contraire à l'intérêt français. « Quel est le but des fortes taxes? disait M. de Saint-Cricq dans la discussion de 1826. De réserver au producteur national le marché national. Pourquoi les conserver alors que de faibles taxes ne sont plus elles-mêmes qu'une défense à peu près surabondante ? L'Angleterre en est arrivée là, messieurs. Voilà le secret de ses voies nouvelles. Par quels moyens y est-elle arrivée ? Cent cinquante ans d'un tarif puissamment protecteur vous l'apprennent. » Voici la déclaration que fit à ce sujet le directeur général du conseil du commerce et des colonies (Arrêt du 23 novembre 1825): « Il a été jugé par Sa Majesté et son conseil que par des motifs analogues à ceux qui autrefois avaient entraîné la Grande-Bretagne vers les restrictions dont maintenant il lui est permis de s'é carter, il nous convenait de ne point sortir, quant à présent, des voies dans lesquelles nous nous sommes beaucoup plus récemment engagés ».— Arch. nationales, versement du ministère du commerce en 1899, no 5.

3. Traité du 8 février 1826.

4. En 1822, l'importation s'était faite par 8,825 navires français jaugeant 287,942 tonneaux et par 4,518 navires étrangers jaugeant 420,816 tonneaux; l'exportation par 3,479 navires français jaugeant 282,538 tonneaux et 655 navires étrangers jaujeant 360,571 tonneaux (Arch. nationales, F1 "251).

5. La première édition est de 1803. Quatre autres éditions ont été publiées à un grand nombre d'exemplaires pendant la Restauration, en 1814, 1817, 1819 et

successives 1, répandait des idées correctes sur les lois de la production et de la distribution des richesses, étroites sur le rôle de l'Etat ; l'auteur les avait lui-même depuis 1819 propagées par l'enseignement du Conservatoire des arts et métiers dont l'avait chargé le comte De

cazes.

Non seulement il montrait, comme Adam Smith, que la source première des richesses était le travail; mais par une théorie neuve 2 et simple, il faisait apercevoir les liens de solidarité qui unissent les différentes industries dans une même nation et entre les nations. «< De toute manière, disait-il avec bon sens, l'achat d'un produit ne peut être fait qu'avec la valeur d un autre. La première conséquence qu'on peut tirer de cette importante vérité, c'est que, dans tout État, plus les producteurs sont nombreux et les produits multipliés, et plus les débouchés sont faciles, variés et vastes. - Une seconde conséquence du même principe, c'est que chacun est intéressé à la prospérité de tous, et que la prospérité d'un genre d'industrie est favorable à la prospérité de tous les autres. Une troisième conséquence de ce principe fécond, c'est que l'importation des produits étrangers est favorable à la vente des produits indigènes; car nous ne pouvons acheter les marchandises étrangères qu'avec des produits de notre industrie, de nos terres et de nos capitaux, auxquels ce commerce, par conséquent, procure un débouché. Il aurait pu ajouter ou avec nos capitaux.

[ocr errors]

Ces principes étaient bien différents de ceux que professait la majorité à la Chambre des députés. Ils constituaient un progrès philosophique dans la manière de comprendre les questions commerciales, et même d'envisager la politique générale. L'opposition apparente des intérêts avait rendu nationale la haine de l'étranger et placé les peuples vis-à-vis les uns des autres dans un état permanent d'hostilité secrète ou avouée; des philosophes le proclamaient. « Telle est la condition humaine, écrivait au siècle précédent Voltaire, que souhaiter la grandeur de son pays, c'est souhaiter du mal à ses voisins..... Il est clair qu'un pays ne peut gagner sans qu'un autre perde. » De celte opinion dérivait naturellement la théorie de la balance du commerce et l'esprit du système mercantile. La théorie des débouchés de J.-B. Say ouvrait au contraire un horizon plus large au commerce et à la philosophie politique. Mais quoique produite à la tribune, avec beaucoup de réserve,

1. Les matières professées dans ce cours se trouvent dans l'ouvrage intitulé: Cours complet d'économie politique pratique.

2. Autant que peuvent être neuves les observations du bon sens. Un doge de Venise parlait au xve siècle comme J.-B. Say au XIX. Voir la leçon d'ouverture de Baudrillart au Collège de France, année 1866.

3. Traité d'économie politique, édition de 1841, p. 141, 144, 245,

4. VOLTAIRE, Dictionn. philosophique, 5o partie.

par quelques orateurs de la gauche, elle ne pouvait avoir l'agrément de la majorité : les intérêts n'admettent guère les théories qui les gênent.

[ocr errors]

Tentative de modération. Cependant le ministère Villèle, devant l'hostilité manifeste de la bourgeoisie parisienne, avait fait appel à l'opinion de la France; les élections lui ayant été contraires, il se retira pour faire place au cabinet le plus libéral qui ait dirigé les affaires sous la Restauration, celui de Martignac. Celui-ci créa un ministère du commerce et y appela le baron de Saint-Cricq auquel le ministère Villèle avait retiré la direction générale des douanes, sans lui enlever cependant, dans sa nouvelle position de président du bureau du commerce et des colonies, la préparation du tarif des douanes.

Le moment parut opportun pour tenter une réforme; la gauche appuyait le cabinet, et, dans son adresse, la Chambre proclama « que le premier besoin de l'industrie et du commerce était la liberté ». Une commission d'enquête fut nommée par le gouvernement en 18281. La conclusion, qui ne donnait pas entière satisfaction au vœu de l'adresse, fut que « dans l'état de l'industrie en France, en présence des intérêts qui s'y trouvent engagés, on doit s'en tenir à un système raisonné de protection, c'est-à-dire, d'une part, protéger efficacement le travail du pays, et, de l'autre, étudier soigneusement, pour chaque industrie, la quotité de la protection nécessaire en présence des dommages que pouvait créer une protection excessive 2 ».

Le baron de Saint-Cricq pouvait, comme toute l'administration, l'accepter sans renoncer à ses propres idées; il déclara à la tribune

1. Déjà en 1824, Chabrol, devenu ministre, avait provoqué une enquête sur la marine marchande qui avait été faite dans une dizaine de ports (cette enquête n'a été imprimée qn'en 1840, date à laquelle elle fut distribuée aux Chambres). Il y eut en 1828 des commissaires nommés dans la plupart des grandes villes, à Rouen, à Saint-Quentin, à Bordeaux, à Lille et au Havre et pour les grandes industries, cotons, fers, papeterie, etc. Voir, passim, le Moniteur de 1828.

2. Moniteur de 1829, p. 810. Exposé des motifs par le baron de Saint-Cricq. Cependant deux enquêtes seulement furent faites méthodiquement et publiée . L'Enquête sur les fers, 1828, 1 vol. in-4°, et l'Enquête sur les sucres, 1828, 1: J. in-4°. Le rapport sur les fers fut rédigé par Pasquier. Il établissait que le droit de 15 francs qui existait depuis 1814 sur les fers au charbon de bois et au marteau et celui de 25 francs voté en 1822 sur les fers à la houille et au laminoir étaient provisoirement nécessaires, mais qu'il convenait de les réduire peu à peu ; il admettait la supposition que les Anglais, pour ruiner la fabrique francaise, faisaient communément « des sacrifices énormes en vendant 17 fr. 50 le fer qui leur en coûtait 30; il combattait l'opinion des viticulteurs qui affirmaient que les obstacles mis à l'importation du fer anglais avaient leur répercussion sur l'importation des vins français en Angleterre. Le rapport sur les sucres fut rédigé par le comte d'Argout, et eut pour principal objet sur la querelle des planteurs qui voulaient la surtaxe la plus forte sur l'importation des sucres étrangers, et des raffineurs et armateurs qui voulaient la moins forte; il conclut qu'il fallait protéger le sucre, mais atténuer la surtaxe qui avait causé le renchérissement.

« PreviousContinue »