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fondées; la fabrication s'améliora et le prix des qualités ordinaires abaissa. « Il n'y a pas, disait Blanqui en 1827, un chétif ouvrier qui ne puisse aujourd'hui décorer sa demeure avec du papier à 0 fr. 50 le rouleau. » Mais déjà on reprochait aux fabricants de viser maladroitement à l'imitation de la peinture et on se plaignait que les prix restassent encore trop élevés.

Le carton-pierre dont la fabrication, remontant à l'exposition de 1806, était restée longtemps imparfaite, commençait à fournir à la décoration des appartements une matière économique dont les architecles ne tardèrent pas à abuser.

L'anatomie clastique d'Auzou,' qui devait rendre des services aux études médicales, a paru d'abord dans les expositions de la Restauration.

Dans la céramique, le jury de 1819 faisait remarquer que si le mode de fabrication de la porcelaine avait peu changé, l'habileté des ouvriers avait permis d'abaisser les prix; celui des assiettes avait diminué des deux cinquièmes. On faisait de la porcelaine dure et de la porcelaine tendre. La quantité de combustible que consomme cette fabrication avait été la cause de l'établissement des nouveaux fours dans le voisinage des forêts et de l'extinction de ceux de Paris qui ne faisait plus que le décor.

Après la manufacture de Sèvres, les villes de Paris, de Bayeux, de Limoges se distinguaient dans l'industrie de la porcelaine dure. Honoré et Gonord continuaient à la servir en employant pour le décor les procédés de la gravure et ceux, tout récents encore, de la lithographie. 3

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La faïence était depuis longtemps reléguée au second plan. L'ancienne faïence italienne dont la couverte opaque se couvrait autrefois de délicieuses peintures, ne servait plus qu'à des usages communs. On lui préférait la faïence fine, connue sous le nom de « terre de pipe avec son vernis transparent d'oxyde de plomb. Mais ce vernis était facilement attaqué par les acides, et à la terre de pipe commençaient à succéder les nouvelles poteries anglaises, moins altérables, du genre ironstone perfectionnées par Wegdwood et désignées sous le nom de porcelaine opaque ; on en fabriquait à Paris, à Creil, à Montereau, etc., etc. La manufacture de Sarreguemines, fondée par Utzschneider, produisait des poteries de grès artistiques imitant le marbre de porphyre et le jaspe.

1. Rapport des délégués des ouvriers parisiens à l'Exposition de Londres, p. 409. 2. BLANQUI, op. cit., p. 288.

3. Voir les rapports de la Société d'encouragement, entre autres celui de 1816. Moniteur de 1816, p. 13, 19 et 412.

4. Les procédés de fabrication de la porcelaine opaque avaient été rapportés d'Angleterre par le chevalier de Saint-Amand, qui en avait fait des essais à Sèvres sous la surveillance de Brongniart.

L'industrie du verre, la dernière que nous citerons parmi les industries diverses, n'est pas la moins importante. Saint-Gobain avait eu sous l'Empire, comme sous l'ancien régime, le monopole des glaces coulées. Dès les premières années de la Restauration, une riche compagnie remonta les ateliers de Saint-Quirin et lui fit concurrence; les produits y gagnèrent. Les fabriques de Commentry et de Prémontré firent aussi des glaces. «Nos glaces acquièrent chaque jour de plus grandes dimensions, écrit Blanqui en 1827, qui les font rechercher avec empressement dans toute l'Europe; elles sont aujourd'hui à la portée des plus médiocres fortunes, et tandis qu'il n'est pas un ménage en France qui n'en possède au moins une ou deux (Blanqui parlait en Parisien), rien n'est plus rare en Angleterre que d'en rencontrer, même dans les châteaux. Des propriétaires fort riches, des manufacturiers opulents se contentent d'un simple miroir pour l'ornement de leurs appartements c'est un fait que je puis attester comme témoin oculaire. » La manufacture de Saint-Gobain exposait en 1827 une glace de plus de 4 mètres sur 2 mètres et demi.

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La cristallerie doubla sa production lorsque la méthode du soufflage, inventée par Robinet, eut permis de varier les modèles de cristaux moulés. Ce Robinet était un simple ouvrier de Baccarat ; les directeurs de la manufacture lui firent une pension et l'Académie lui décerna le prix Montyon, juste récompense d'une découverte pour laquelle l'auteur n'avait pas pris de brevet d'invention. Baccarat, Saint-Louis, MontCenis (le Creusol), Choisy-le-Roi qui faisait tailler ses cristaux à Paris étaient alors les exposants notables. La France, longtemps attardée de ce côté, était parvenue à fabriquer le cristal aussi bien que l'Angleterre et ne redoutait pas de rivaux pour la taille. Le jury de 1827, rappelant les progrès accomplis depuis 1819, disait : « Désormais l'art de la cristallerie peut se passer de la protection des douanes, parce que les produits qui en résultent ne craignent aucune concurrence, soit pour la qualité, soit pour les prix. >>

Classiques et romantiques.- Avant de parler des industries relevant de l'art, il est utile de donner une idée du mouvement littéraire et artistique. La liberté politique, quelque limité qu'en fût alors l'exercice, portait ses fruits: la littérature, languissante sous l'Empire, commença dès

1. Saint-Quirin, profitant de la suppression des privilèges, avait fait des glaces coulées dès 1804. Voir la Manufacture des glaces de Saint-Gobain, par A. COCHIN. Cependant en 1836 les deux compagnies rivales convinrent de vendre à Paris leurs glaces dans un entrepôt commun; elles ont fusionné en 1857.

2. BLANQUI, op. cit., p. 130.

3. Le Creusot, qui doit son nom, dit-on, au premier trou d'où l'on a extrait la houille, avait été sous l'Empire surtout une fonderie de canons; sous la Restauration on y avait transporté une manufacture de cristaux de la reine, établie d'abord à Sèvres. Moniteur de 1818, p. 1170.

les premières années de la Restauration à intéresser les esprits à Paris et dans quelques grands centres, et bientôt elle les passionna. Chateaubriand, que la politique avait presque ravi aux lettres, groupait autour de lui dans le Conservateur de jeunes disciples qui s'inspiraient du Génie du christianisme, et qui, enthousiastes du passé, rejetaient, par haine du voltairianisme autant que par amour du moyen âge, les formes du xvIIe siècle dans lesquelles s'était cristallisée l'école classique. C'est l'époque où on lisait les romans de Walter Scott, l'époque des Méditations poétiques de Lamartine, des Odes et ballades de Victor Hugo, de la Notre-Dame de Paris, puis bientôt l'époque du Cénacle et de la grande campagne des romantiques, qui s'ils furent impuissants à détrôner les maîtres de la langue française, du moins revendiquèrent justement contre la servitude de la tradition les droits de la pensée et la liberté du génie.

L'architecture sous la Restauration n'a pas eu de caractère propre. L'administration des beaux-arts resta telle que l'avait constituée l'Empire Percier et Fontaine continuèrent à y dominer. Percier, chargé d'élever la Chapelle expiatoire, produisit une œuvre remarquable par l'appropriation du dessin général à un sujet qui convenait bien à son talent. Parmi les architectes que nous avons cités à l'époque impériale, Rondelet (1734-1829), Peyre jeune (1739-1823), Peyre neveu (1770-1843), Ballard (1764-1846) étaient encore au travail. Quelques églises furent bâties dans le style classique: Notre-Dame-de-Lorette (1824) par Lebas, Saint-Vincent-de-Paul par Lepère et Hittorff; la Bourse, conçue comme la Madeleine sur le plan d'un temple antique, fut inaugurée en 1826.

Dans la sculpture, Lemot (1771-1827), Cartellier (1757-1831), Chaudet (1763-1840), Houdon (1741-1828), Bosio (1768-1846) étaient connus. du public avant le retour des Bourbons. David d'Angers (1788-1856), qui avait commencé à exposer dès 1817, était déjà célèbre à la fin de la Restauration. D'autres s'étaient révélés dont plusieurs occupaient maintenant le devant de la scène; c'étaient surtout des indépendants ou des romantiques: Rude (1784-1855), intrépide et vigoureux romantique, remarquable par la pureté de ses premières œuvres, telles que Mercure rattachant ses talonnières (1827); Cortot (1787-1843), qui se distingua dans les expositions par son Soldat de Marathon (1822) et sa Daphnis et Chloé (1829); Pradier (1790-1852), qui entrait à l'Institut dès l'année 1827.

Dans la peinture, David, exilé par les Bourbons, avait transmis son atelier à Gros et son influence persistait. Regnault qui mourut en 1829, continuait à enseigner malgré son grand age; Guérin (1774-1833), son élève, enseignait aussi et avait de nombreux élèves.

Ingres s'était formé sous la direction de David. Admirateur de Raphaël, il fut éminemment classique, quoique novateur à sa manière,

idéaliste qui a peut-être trop négligé la couleur pour le dessin, méprisant à l'égard du romantisme, ancien aussi bien que moderne. Bien qu'il ait passé une partie de sa vie (1806 à 1824) à Rome ou à Florence dans une très médiocre fortune, vivant principalement de portraits à la mine de plomb, il est bien français par ses œuvres ; la Mort de Léonard de Vinci (1818), Roger et Angélique (1819) et surtout l'Apothéose d'Homère (1827) donnent une idée de sa manière, que caractérise la pureté du trait.

Gros était par nature plus réaliste que classique, et de fait c'était un romantique, quoiqu'en théorie il se défendit de l'être. Après avoir été agréable à l'Empire, il le fut au gouvernement de la Restauration. Au Salon de 1817, il se fit remarquer par un tableau qui représentait le roi quittant le château des Tuileries et par les portraits de Louis XVIII et de la duchesse d'Angoulême; en 1826, il acheva la grande et ingrate composition de la coupole du Panthéon dont il avait été chargé sous l'Empire, et le roi le fit baron; ces compositions froides ne sont pas dignes du peintre de la bataille d'Eylau.

Gérard (1770-1837), dont la touche avait de la grâce et de l'harmonie, resta, comme il avait été sous l'Empire, un portraitiste à la mode. Son tableau de l'entrée de Henri IV à Paris le désigna à l'attention des Bourbons de qui il reçut aussi, en 1819, le titre de baron.

Isabey (1767-1855), peintre d'une touche naturelle et libre qui peut être considéré comme ayant été, avant Delacroix, un initiateur du romantisme, conserva la direction de l'atelier de peinture à Sèvres qu'il tenait de l'Empire.

L'œuvre de Géricault (1791-1824), mort à la fleur de l'âge, appartient à la Restauration : le Cuirassier blessé (qui ne valait pas l'Officier de chasseurs à cheval de 1812) parut au Salon de 1814. De retour en France après un séjour en Italie consacré à l'étude, il prit pour thème le Naufrage de la Méduse, qui était alors le sujet de toutes les conversations; il sut exprimer l'horreur de ce lugubre drame dont il alla étudier les souffrances dans les hôpitaux ; mais la Restauration n'aimait guère qu'on évoquât ce drame lugubre, et Géricault n'eut pas de récompense. L'Angleterre où il alla chercher une compensation l'accueillit mieux et il en rapporta son tableau le plus achevé, le Grand Derby d'Epsom. La phtisie mit prématurément fin à la vie d'un grand artiste. La majorité des architectes, sculpteurs, peintres, graveurs qui avaient été en vue sous l'Empire se trouvaient encore en ligne sous la Restauration et plusieurs continuèrent à produire par delà 1830, ou du moins à jouir de leur renommée et de la situation acquise. De ce nombre sont Prudhon (1758-1823) qui achevait sa carrière, Carle Vernet (1758-1836), Lemonnier (1743-1824), les miniaturistes Aubry (17671851), Augustin (1759-1832), Dutertre (1753-1842), Berlin (1775-1842), élève de Valenciennes, Granet (1775-1849), le peintre des monastères,

les paysagistes Demarne (1744-1829) et Marmottan (1789-1830) qui, s'inspirant des Hollandais, fit école.

Une nouvelle génération se levait à côté d'eux et contre eux : celle des romantiques dont Géricault avait été le précurseur. Eugène Delacroix (1799-1863) était à leur tête; malgré son extrême pauvreté qui l'obligeait à faire des travaux de pacotillle, il émergea par le Dante et Virgile en 1822, par le Massacre de Scio en 1824, par le Sardanaple en 1828. Préoccupé de l'effet général et du mouvement, il avait des incorrections de dessin et des témérités de coloris qui faisaient traiter ses compositions de confuses et de ridicules par les critiques classiques; mais parmi les jeunes il trouvait des admirateurs et des disciples. Avec des qualités diverses, Louis Boulanger, Robert Fleury, Ary Scheffer étaient après Delacroix les coryphées du romantisme dans la peinture historique; dans le paysage, c'était Paul Huet; en architecture, Antonin Moyne et Auguste Préault. Peu nombreux, en somme, mais ardents à la lutte, ils conquirent une large place dans la faveur publique.

Industries relevant de l'art. L'industrie ne ressentit guère d'abord l'influence romantique. La littérature n'exerça sur elle aucune influence directe, et dans les arts la tradition impériale régnait encore. La Restauration a duré trop peu pour avoir véritablement un style à elle; le goût du public flottait entre le classique représentant ou croyant représenter l'art antique, et le romantisme appliqué à faire revivre le gothique. Mais les artisans vivaient en général trop loin des artistes pour s'associer au mouvement rénovateur; ils restèrent fidèles pour la plupart à l'éducation qu'ils avaient reçue antérieurement, et l'on peut dire que sous ce rapport la Restauration ne fut guère que la continuation de l'Empire.

Meubles, bronze, orfévrerie, bijoux. L'ébénisterie tenta cependant de s'écarter de la raideur du style ultra-classique et de substituer dans l'ameublement le gracieux au sévère. Les filets en cuivre poli, les cariatides en bronze antique furent moins prodigués dans les pièces de luxe. Mais les formes restèrent sèches et parfois même s'alourdirent. L'allusion politique fournit un motif nouveau: des dauphins de cuivre, remplaçant les sphynx, supportèrent les guéridons ou se courbèrent en bras de fauteuil. Le cygne, déjà en usage sous l'Empire, devint fort à la mode; on en mit partout, aux lits, aux sièges, aux berceaux d'enfant. De grosses colonnes polies, terminées par un chapiteau de cuivre doré, formèrent les montants des lits ou les supports des commodes et des secrétaires. Malgré les tentatives de quelques fabricants pour faire adopter le merisier dans les articles communs,

1. Entres autres,Werner à l'exposition de 1819.

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