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les circonstances seulement où cette sortie ne sera pas reconnue pouvoir être nuisible au développement de notre industrie, de notre agriculture et à la sûreté publique.

«6 Enfin la sortie, libre toujours et quelquefois encouragée par des primes, de tous les produits de l'industrie française.

« Dans la 1r et la 6 division de nos relations commerciales ainsi classées, se rangent le coton en laine, comme matière première, et les produits manufacturés de toutes espèces auxquels il sert d'aliment. C'est de cet article que nous avons principalement à nous occuper.

DU COTON, Considérée coMME MATIÈRE PREMIÈRE

« L'emploi du coton dans nos manufactures a pris un accroissement considérable, depuis que les mécaniques à filer ont été introduites en France et que la mode de s'habiller de toiles blanches, de percales et mousselines, s'y est généralement établie.

<«<< Les cotons en laine étant une matière première nécessaire à nos fabriques, avaient toujours été admis en franchise ; si la loi du 31 avril 1806 les imposa au droit de 60 francs par quintal métrique net, ce fut pour indemniser le Trésor public d'une partie de la perte annuelle de 9 à 10 millions, résultant de la prohibition des toiles de coton.

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Ce droit sur les cotons en laine qui rendit en 1806 4,700,000 francs, en1807 environ 8 millions de francs fut sans inconvénient, tant qu'il n'eut pas à craindre la concurrence de tissus étrangers; aussi les manufactures qui employaient le coton firent-elles des progrès rapides, et elles auraient enfin recueilli le prix de leurs efforts et seraient parvenues au plus haut degré de prospérité, si le génie de fiscalité, qui distingua particulièrement le règne de Buonaparte, n'avait successivement élevé le droit mis à l'entrée des cotons, au taux excessif de 8 fr. 80 par kilogramme de longue soie, celle précisément qui convient le mieux à nos manufactures, pour l'emploi des teintures et des étoffes connues sous le nom de rouenneries, dont l'usage est le plus généralement répandu. Le droit de 8 fr. 80 par kilogramme de coton 1 produisit en 1813 un revenu pour le fisc de 40 millions de francs; aussi les manufactures, qui depuis 1811 languissaient et ne se traînaient qu'à l'aide de lois prohibitives des fils et tissus étrangers, succombèrent-elles en 1813 et furent-elles réduites à la dure nécessité de fermer leurs ateliers. Six cent mille individus qui vivaient de ce travail furent réduits à mendier leur pain, ou bien à aller finir leur misère sur un champ de bataille. Trois cents millions de capitaux versés dans les manufactures pour l'achat des machines, la construction des bâtiments et usines de toutes espèces, furent paralysés, et la France vit accroître ses maux de la perte d'un revenu de main-d'œuvre de 230 millions, résultat clairement exprimé dans les mémoires que les fabricants ont publié à ce sujet.

« Prévenir de pareils malheurs à l'avenir, rendre à nos ateliers de filature une pertoute l'activité dont ils sont susceptibles, diriger leurs efforts vers

1. Le droit était de 8 fr. 80 pour les longues soies d'Amérique, de 4 fr. 40 pour les courtes soies du Levant arrivant par mer, de 6 fr. 60 pour les courtes soies de tout autre pays, sauf ceux de Naples.

fection de travail qui les mette un jour en état de soutenir la concurrence étrangère, et de rivaliser avec nos maîtres en mécaniques et en industrie manufacturière. Tel est le but qu'on se propose, tel est le vœu du commerce français, et c'est aussi dans ces vues que le gouvernement a daigné nous consulter.

«En cherchant les moyens d'atteindre ce but, nous les trouvons tous dans un code de douanes bien coordonné dans ses rapports avec les lois commerciales que les puissances étrangères adopteront, et d'abord dans une administration sage et éclairée de ces mêmes douanes, qui ne doivent jamais oublier que le but de leur institution est, ainsi qu'on l'a dit plus haut, de protéger le commerce et l'industrie, et non de créer aux dépens de ceux-ci un revenu pour le Trésor public. Le fisc ne doit point puiser de ressources que pour le superflu de ces mêmes revenus, dont le premier emploi doit être l'encouragement à donner à l'industrie tant manufacturière que commerciale. << Les moyens que nous indiquons se réduisent à deux, savoir :

« 1° L'admission des cotons en laine, au simple droit de balance de 50 centimes par quintal métrique.

« 2o Le transit à travers le territoire français, de ces mêmes cotons en laine; mais afin d'assurer aux manufactures nationales le choix et le bon marché des matières premières, nous proposons, à la sortie des cotons en laine, un droit de 30 francs par quintal décimal, équivalant à trois sous la livre de marc ou 5 0/0 de la valeur sur les cotons du Brésil. Cette prime en faveur de l'industrie nationale n'est pas assez forte pour écarter de nos marchés l'acheteur étranger, qui viendrait y chercher de longues soies, et elle nous assurera la préférence pour les courtes soies d'Amérique, dont nous sommes le moins abondamment pourvus en ce moment, et dont en tous les temps il sera utile d'attirer chez nous la plus grande affluence possible. Cet article est en effet le seul qui souffre aujourd'hui de la mesure du libre transit. L'effet en est sensible sur les cotons de Géorgie et de la Louisiane, dont le prix en France est hors de toute proportion avec la valeur de ce lainage sur les lieux où il se récolte.

DES PRODUITS DE NOS MANUFACTURES FABRIQUÉS AVEC LE COTON EN LAINE.

« Sous cette dénomination sont compris :

« Les tissus de coton blancs, teints et imprimés.

<«< La rouennerie, les madras et autres mouchoirs en imitation de ceux des Indes.

<«<Les siamoises, dont la chaîne est en fil et la trame en coton.

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«On tirait des Indes les toiles de coton avant d'en fabriquer en France, où l'introduction de celles étrangères était prohibée, sauf celles qui pouvaient venir par notre commerce de l'Inde et le port de Lorient. Quelques villes seulement, telles que Rouen, Troyes et Villefranche-en-Beaujolais, s'occupaient de cette fabrication, soit en employant le coton seul, soit en le mêlant avec le fil; mais en 1759, l'entrée des toiles étrangères fut permise. Elles

payèrent un droit de 10 p. 100 de la valeur. Il fut bientôt porté à 15 p. 100, et fixé le 19 juillet 1760 à 90 livres le quintal, ce qui, avec les deux sous pour livre additionnels, élevait le droit à 99 livres le cent pesant.

<< Divers règlements se sont succédé depuis cette époque, modifiés alternativement, suivant l'intérêt de la Compagnie des Indes et celui des négociants, qui, fournissant les toiles pour les fabriques d'impression, étaient intéressés à la vente de ces tissus. On parvint, en l'an VII, à une modération du droit, telle que l'introduction des toiles de coton blanches étrangères en fut considérablement accrue.

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<< L'importation de ces toiles qui, pendant l'an VI, n'avait produit en droits de douane que 1,391,933 francs, prit un tel accroissement pendant les huit années suivantes, qu'elle nous enlevait annuellement 60 millions de numéraire, payant au fisc une contribution de 9 millions ou 15 p. 100 de la valeur. Quoique les droits que payaient ces toiles fussent presque prohibitifs, les Anglais ne nous en envoyaient pas moins de toiles, notamment de celles provenant de leur Compagnie de l'Inde. Cette Compagnie, pour en assurer le débit, baissait le prix de ces toiles, à mesure de l'augmentation des droits imposés à leur entrée en France, certaine d'être dédommagée de ses sacrifices, si elle parvenait à nous faire abandonner ce genre de fabrication, qui, déjà chez nous, prenait un grand essor. On ne pouvait déjouer cette mancuvre qu'en prohibant l'entrée de ces toiles; c'est ce qui fut fait par la loi du 30 avril 1806, loi comprenant dans ses dispositions les toiles de coton, ou de fil et de coton, teintes, peintes ou imprimées.

« L'article 25 de cette loi accorde une prime de 50 francs par quintal métrique à l'exportation des toiles et autres ouvrages de pur coton, provenant des fabriques françaises.

«Nous n'avons fait cet historique, extrait de l'ouvrage de M. Magnien, qu'afin de démontrer la fluctuation de notre système de douanes, motivée, d'une part, par les progrès de notre industrie en coton, et, de l'autre, par les effets opiniâtres que l'Angleterre nous a constamment opposés dans le dessein d'arrêter nos progrès et de nous faire abandonner ce genre de fabrication.

« Le parti de la prohibition qui fut adopté en 1806 est encore le seul qui convienne aujourd'hui ; toute autre mesure manquera son but, et si la prohibition laisse encore infiltrer quelques introductions frauduleuses, il reste des mesures de répression à exercer à l'intérieur, qui atteindront tôt ou tard les contrevenants aux lois. On peut adopter à cet égard le projet de décret que le Conseil a proposé, sauf les modifications indiquées par M. le directeur général.

« L'expérience a prouvé que les droits les plus modérés n'empêchent pas, ne diminuent même pas la fraude, et qu'un article prohibé s'approche bien moins de la frontière que lorsqu'il peut y entrer en acquittant les droits. Dans ce dernier cas, le contrebandier, s'il se voit en danger d'être pris, échappe à la saisie, en déclarant à la douane la marchandise qu'il voulait frauder ; tandis que la prohibition absolue prive le fraudeur de cette ressource, les objets de contrebande trouvés à la frontière étant confisqués sans retour. «Toute marchandise admise, en payant un droit, peut circuler librement, dès qu'elle a touché le sol français; nulle recherche ne peut être exercée, les marques, les plombs ou autres points de reconnaissance sont imités et de

viennent une égide qui rend inattaquable la marchandise introduite en France. <«<La marchandise prohibée, au contraire, peut toujours être reprise et attirer sur le propriétaire et ses agents toute la rigueur des lois.

<< Ainsi tout milite en faveur de la prohibition sur les tissus de cotons étrangers. Cette mesure, véritable palladium de notre industrie, est la seule que doive adopter le gouvernement, si, comme il l'a proclamé hautement,son intention est de soutenir les établissements manufacturiers, qui déjà ont atteint un degré de prospérité assez grand pour nous faire espérer qu'avec de la persévérance ils parviendront à rivaliser avec les manufactures étrangères.

« Ce que nous avons dit des toiles de coton blanches et imprimées s'applique aux fils de coton, à la bonneterie, et à toutes les étoffes dans lesquelles le coton est employé comme matière première.

DE LA BONNETERIE.

« La supériorité que la bonneterie anglaise avait sur la nôtre en avait fait défendre l'entrée en France; mais le traité de commerce du 26 septembre 1786 l'admit, même à des droits modiques, et il en résulta un grand préjudice pour nos fabriques. Ainsi tous les articles d'importation nous fournissent la preuve du mal que nous a fait le traité de 1786. Gardons-nous donc de retomber dans la même faute, et défions-nous des pièges que ne manquera pas de nous tendre l'administration anglaise, toujours prête à saisir ce qui peut être favorable à ses manufactures et lui fournir l'occasion d'écraser une industrie rivale.

<< C'est un principe tellement reconnu aujourd'hui qu'il est devenu un axiome que :

<«< Tout ce que l'Angleterre désire, comme le jugeant utile aux intérêts de son commerce, doit, par ce seul motif, être rejeté par la France.

DU DRAW-BACK, OU PRIME D'EXPORTATION.

« Le mot draw-back signifie restitution d'une avance; c'est un des plus puissants véhicules de l'industrie anglaise, et en France il n'existe pas même un mot pour rendre cette pensée.

«Toute restitution supposant une avance, il pourra paraître téméraire d'en réclamer une en faveur de marchandises qui n'ont rien payé à leur entrée, et c'est cependant ce que nous avons l'honneur de présenter au Conseil.

<< Pourquoi restreindre en effet les primes d'exportation aux seuls articles sur lesquels on a fait l'avance d'un droit d'entrée ? N'avons-nous pas précédemment établi en principe que les revenus des douanes appartiennent au commerce, et que si le Trésor éprouve le besoin de puiser quelques ressources dans leur caisse, il ne doit se permettre d'y toucher que dans le cas seulement où elle présenterait un superflu que les besoins du commerce ne réclameraient pas ? Tous les revenus versés dans la caisse commune doivent y attendre que le gouvernement, dépositaire de ce trésor, en reverse les bienfaits dans tous les canaux de l'industrie, et si quelques-uns de ces canaux menacent de se tarir, c'est à la sagesse du prince à arrêter le mal et à en prévenir un plus grand, en disposant à propos de quelques portions de sa ré

serve.

<< Cela posé, la prime d'exportation, ou draw-back, peut et doit se prendre sur les revenus des douanes, sans qu'il soit besoin de prouver que la branche d'industrie qui en profite ait payé des contributions, ou une rétribution proportionnelle à l'entrée sur les matières premières qu'elle emploie.

« Les Anglais nous en fournissent un exemple en rendant par chaque verge de toile peinte, ou toute autre étoffe imprimée qu'on exporte à l'étranger, quatre pence équivalant à deux shellings par livre de coton environ, tandis que la matière première qui fait la base de cette fabrication n'a payé que deux pence à l'entrée, ou un sixième seulement du montant du draw-back. Ainsi l'on pourrait, adoptant une mesure semblable en France, accorder à cette branche d'industrie nationale une prime à la sortie, et chercher ainsi à procurer à nos fabriques sinon la préférence, au moins la concurrence des acheteurs étrangers. Cette mesure pourrait être un moyen d'indemnité pour les fabricants qui ont éprouvé la perte de 40 millions de droits de douane récemment laissés à leur charge. On accorderait pour un temps limité une prime à la sortie des fils, tissus et autres ouvrages en coton, égale au draw-back dont les toiles peintes et autres ouvrages imprimés jouissent à la sortie d'Angleterre, soit 2 francs par livre, ou 4 francs par kilogramme.

«Le gouvernement, toujours maître de retirer ou d'étendre le bienfait des primes, suspendrait l'effet de cette mesure, lorsque, par l'état florissant des manufactures en coton, il jugerait qu'elles ont pu se récupérer de leurs pertes, et il les reverserait sur quelque autre branche de notre industrie.

<< Nous terminerons ce rapport en rappelant les conclusions et le vœu émis par la chambre de commerce de Rouen :

«< 1. Pour que la prohibition des cotons filés et tissus étrangers soit maintenue et qu'on révoque la déclaration du 23 avril dernier touchant les nankins de l'Inde ;

« 2° Qu'on écarte toute stipulation ou traité de commerce avec l'Angleterre qui imposerait à la France l'obligation d'admettre les produits de ses manufactures et porterait un préjudice notable à notre industrie;

«< 3o Enfin, que dans les actes qui régleront nos rapports commerciaux avec les autres puisssances, Sa Majesté veuille bien employer toute son influence pour que les produits de nos fabriques soient admis partout sur le même pied que ceux des nations les plus favorisées; qu'à cet égard nos relations avec l'Espagne et l'Italie soient prises en très grande considération, afin de leur donner la direction la plus utile et la plus avantageuse à nos nombreuses manufactures.

« Nous avons l'honneur d'être avec respect,

«Monsieur le directeur général,

<< Messieurs du Conseil général des manufactures, etc.

«Les Membres de votre commission,

« Signé L. FÉRAY, Richard Lenoir, DufresnE, TERNAUX aîné.

« Paris, 14 juillet 1814. »

M. Ternaux lit le rapport de la commission des laines.

M. Decrétot lit ensuite son opinion personnelle sur la question de l'importation de cette matière première. Le rapport de M. Ternaux est ainsi exprimé:

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