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côtés : vive la République ! et La Fayette étant allé le recevoir sur le perron, en l'embrassant, ce fut pour le peuple unc excitation nouvelle d'enthousiasme. La Fayette, c'était toute la République; ainsi, la révolution des rues était satisfaite; restait la révolution politique, où l'ambition allait s'exercer par ses hypocrisies accoutumées.

Tandis que, sur la place, les foules criaient Plus de Bourbons! vive La Fayette! le duc d'Orléans jetait aux politiques de l'Hôtel-de-Ville de ces mots qui suffisent à toutes les séditions lorsqu'elles touchent au pouvoir. <«< Messieurs, dit-il, en montrant La Fayette, c'est un ancien garde national qui vient rendre visite à son ancien général. » Mais de sombres figures se remarquaient, qui attestaient la défiance et la colère; il y avait ça et là des hommes armés de tromblons, disposés à tirer sur le prince. L'émotion générale des multitudes, curieuses d'un dénouement pour l'applaudir, contint ces instincts isolés d'assassinat. Le duc d'Orléans, pénétrant, parmi d'autres foules, celles des ambitieux et des politiques, dans l'Hôtel-de-Ville, s'avança jusqu'à la salle du trône; là fut lue la proclamation de la chambre des députés, le prince y répondit en quelques mots, et alors le parti de la République commença à soupçonner sa déception. Il en fut réduit à se donner des allures de menace. Il y avait là un homme qui s'était fait général de la révolte; on l'appelait le général Dubourg. Sa barbe longue, sa figure pâle, sə forte voix faisaient son autorité. Il s'approcha du prince, et lui montrant la place de Grève toute couverte de multitudes souillées de sang et de poussière : « On assure, lui dit-il, que vous êtes un honnête homme, et, comme tel, incapable de manquer à vos engagements; songez à les tenir, car si vous les oubliez, le peuple qui est là saura bien vous les rappeler. » A ces paroles dites par un inconnu, le prince fit effort pour ne point trahir son émotion, et, pour réponse, il prit par la main La Fayette, le mena au balcon et l'embrassa avec effusion, en agitant dans ses mains un drapeau tricolore. C'était tout ce qu'il fallait alors à la multitude; elle remplit l'air de ses cris, et

le duc d'Orléans put reprendre sa sérénité en retournant à son palais parmi ces hommages de l'émeute; mais la parole du général Dubourg était sinistre, et il put l'emporter dans son souvenir comme un présage.

CHAPITRE X.

Départ du roi de Saint-Cloud. Il défère au duc d'Orléans le titre de lieutenant-général du royaume. Abdication du roi. Le duc

d'Orléans ouvre la session des Chambres. Discours. La populace à Rambouillet.

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Appareil royal.
Le roi ne fait point

usage de ses moyens de défense. Il s'achemine vers l'exil. Commissaires du Gouvernement nouveau auprès du roi. Scènes attendrissantes. Adieux du roi à sa garde.

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Discours de Château

A Paris, scènes politiques. La Charte est corrigée. L'hérédité est conservée. Vote des députés. Rôle de la pairie. briand. Dipositions des divers partis. Parti de l'Empire. — Le duc d'Orléans roi. Serment du roi nouveau. Contradictions. -Actes de Bourmont à Alger. Contrastes. -Marche de Charles X vers Cherbourg. Touchantes scènes à Valognes. Proclamation des magistrats de Cherbourg. — Dernier adieu du roi aux gardes et à l'armée. - Le roi quitte la France. Hospitalité douteuse de l'Angleterre. Le parti tory.-Sympathies anglaises pour la Révolution de Paris. Conduite de l'Europe. Procès des ministres de Charles X. Bourmont quitte Alger. Ingratitude des partis; justice de l'histoire. Jugements sur le règne de

Charles X.

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Cependant le roi avait quitté St-Cloud, et il s'était acheminé vers Rambouillet, accompagné de sa maison fidèle, de la garde royale, de quelques régiments de cavalerie et d'infanterie et de sept batteries d'artillerie; force redoutable encore si on avait eu la volonté de ravir la victoire à la sédition.

Mais de Rambouillet, il adressa au duc d'Orléans une déclaration, par laquelle il lui déférait ce même titre de lieutenant-général du royaume, que la révolution maîtresse venait de lui conférer.

Cet acte jeta l'indécision dans les esprits; l'armée ellemême en fut troublée; elle comprit qu'elle n'allait plus avoir à trancher les questions abandonnées de la sorte à

la politique; et c'est alors qu'un premier régiment remit ses drapeaux.

Bientôt parut un acte plus décisif encore. Le roi, dans une lettre au duc d'Orléans, déclara abdiquer la couronne en faveur de son petit-fils le duc de Bordeaux, et, par le même acte, le dauphin renonçait à ses droits en faveur de son neveu. « Vous aurez, disait le roi, en votre qualité de lieutenant-général du royaume, à faire proclamer l'avénement de Henri V à la couronne.

C'était en France une nouveauté historique qu'une abdication de la royauté. Dans sa durée de neuf cents ans, la race royale n'en avait pas offert un exemple; et le droit même d'abdiquer était de soi contraire au principe fondamental de la monarchie française, où le roi n'était pas libre de sa personne, ni de ses actes, mais était assujetti à la couronne, comme avait dit François I" en sa prison, c'est-à-dire, appartenait à la Nation, et ne se pouvait détacher d'elle par sa volonté.

Mais, quoi qu'il en soit, même par cet acte extrême d'abdication, tout allait se concentrer aux mains du duc d'Orléans; et les résolutions de l'armée n'en devinrent que plus incertaines. Quatre régiments quittèrent leurs positions, et reprirent la route des garnisons d'où on les avait appelés. La garde royale et les gardes du corps restèrent seuls auprès du roi.

3 août. Pendant ce temps, le duc d'Orléans doublement revêtu des pouvoirs de la souveraineté par la royauté et par la révolte, ouvrait la session des Chambres; la Révolution entrait en possession de l'empire, et aussi la France baissait d'avance la tête sous le pouvoir qui apparaîtrait, quel que dût être ce pouvoir. Il est remarquable que dans cette rapidité d'événements accomplis parmi des vœux si contraires, la pensée de la monarchie restait la plus générale et la plus enracinée dans les opinions. Aisément la royauté se fut transmise sur la tête de l'héritier naturel du trône, si la probité et le courage avaient réglé la conduite de ceux qui maîtrisaient la révolution. Il n'y eut pas jusqu'à l'appareil de cette ouverture des Cham

bres qui n'indiquât la disposition des âmes. La salle du Palais-Bourbon était décorée comme aux solennités de la restauration; les fleurs de lys d'or brillaient sur le velours cramoisi qui couvrait l'estrade du trône; seulement, la couronne royale était surmontée d'un drapeau tricolore. Le prince évita d'occuper le trône, un tabouret était disposé au-dessous, selon les lois d'étiquette; de là, il fit son discours. Il commença par déplorer la violation de la Charte et les luttes qui l'avaient suivie; tout menaçait de périr dans ces sanglants conflits, et, dans cette absence de tout pouvoir public, il était accouru à la voix de ser concitoyens, et il venait se dévouer à la défense des lois et de la liberté. Il annonçait quelques vagues projets de loi, et à la fin, comme par un ressouvenir indifférent, il ajoutait quelques mots de l'abdication du roi et du dauphin : « Cet acte, disait-il, a été remis entre mes mains hier, 2 août, à onze heures du soir. J'en ai ordonné, ce matin, le dépôt dans les archives de la chambre des Pairs, et je le fais insérer dans la partie officielle du Moniteur. »

Dans cette mention presque fortuite de l'abdication, le nom d'Henri V n'était pas prononcé; cette omission excita le murmure des royalistes présents, et elle suffit, dans l'histoire, pour caractériser le dessein qui s'allait accomplir.

Cependant la sécurité des vainqueurs restait troublée, tant que Charles X était à Rambouillet, entouré de ses restes de troupes fidèles et vaillantes. Le nom de la Vendée était dans la pensée de quelques-uns; on parlait de gouverneurs de provinces qui pouvaient marcher avec des forces nouvelles; Paris enfin était ouvert aux attaques, et on avait hâte de mettre fin à une situation pleine d'angoisses.

On imagina de faire éloigner le roi en déployant devant lui tout ce que la révolution parisienne avait de hideux ; on fit appel aux bandes abjectes que vomissent quelques faubourgs dans les jours d'orgie, et on les lança sur Rambouillet. Ce fut d'abord pour le duc d'Orléans l'occasion de conférer du péril du roi avec M. de Mortemart, et des commissaires furent désignés en commun pour aller veil

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