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étaient situés leurs champs ou leurs vignes. Privés alors du droit de détruire les animaux sauvages qui dévastaient leurs propriétés, il fallait bien qu'ils eussent un recours contre celui qui exerçait ce droit à leur exclusion. Mais les lois nouvelles, en abolissant le droit exclusif de chasse qué l'ancienne jurisprudence réservait aux seigneurs, ont affranchi ces derniers de cette obligation.

14. La circonstance constatée par un procès-verbal régulier, qu'un individu a été aperçu tenant un fusil abattu dans la main gauche, le long d'une propriété, n'est pas suffisante pour le faire déclarer coupable d'un délit de chasse. (Cass., 5 août et 5 décembre 1839.)

Cette attitude peut s'entendre tout aussi bien d'une position de repos, que d'une attitude de chasse. (Cour royale de Douai, novembre 1839.)

15. Les animaux sauvages sont ceux dont l'homme n'est le maître qu'autant qu'il les tient en son pouvoir, qui sont nés pour la liberté, qui en ont conservé l'instinct, et que ni la nature ni l'habitude n'ont encore façonnés au joug ou à la société de l'homme. Il faut mettre dans cette catégorie tous les animaux de la terre et de l'air qui mènent une vie errante et libre, et ceux qui n'ont cessé d'être libres que parce qu'ils sont actuellement au pouvoir de l'homme, et par conséquent ceux qui s'échappent dès qu'ils peuvent forcer la barrière qui les retient, et qui n'annoncent pas le dessein de retourner à l'esclavage. Cette classe d'animaux est la seule qui puisse être l'objet de la chasse. Ceux qui s'emparent des animaux sédentaires ou domestiques ne commettent point un fait de chasse, mais un vol.

16. Lorsqu'une propriété est indivise, le droit de chasse appartient à tous les co-propriétaires. Mais les habitants d'une commune ayant droit de chasse, ne peuvent pas l'exercer ut singuli.

17. Par l'article cinq de la loi du 3 mai 1844 les préfets sont chargés de délivrer des permis de chasse. Ils doivent ne les accorder qu'après une espèce d'instruction administrative dont cet article règle la forme, c'est-à-dire sur l'avis du maire et du sous-préfet.

Le permis de chasse est valable pour un an et pour tout le royaume. C'est au maire que la demande doit en être faite sur papier timbré. Le maire l'adresse avec son avis au sous-préfet qui la transmet avec le sien au préfet.

Quelques personnes auraient désiré que ce permis cessât d'avoir son effet hors des limites du département où il a été délivré, ou qu'il fût du moins soumis au visa des préfets des autres départements où l'on voudrait s'en servir. Lorsqu'un propriétaire possède dans plusieurs parties de la France des terres sur lesquelles il veut chasser, l'on a pensé qu'il serait

injuste d'exiger de lui autant de permis de chasse qu'il a de propriétés situées dans des départements différents. Le permis de chasse, de même que le passeport, doit valoir pour tout le

royaume.

Quant au visa, il a paru que cette formalité serait souvent une gêne, une entrave fâcheuse pour celui qui aurait obtenu un permis de chasse, et que son utilité ne serait pas en rapport avec les inconvénients qu'elle entraînerait.

18. Le prix du permis de chasse est fixé à 25 fiancs dans la loi. Jusqu'à 1844 celui du port-d'armes avait été réglé par les lois de finances. La rétribution attachée à sa délivrance avait été considérée uniquement comme un impôt, et figurait comme telle dans le budget. L'on a pensé, avec la loi du 3 mai, que la principale condition exigée pour l'obtention du permis de chasse était convenablement placée dans la loi sur la police de la

chasse.

Par une disposition nouvelle, la loi attribue aux communes dix francs sur le prix de chaque permis. Par là, elles sont intéressées à l'exécution de la loi. Cette mesure aura l'avantage de leur créer quelques ressources, et de leur fournir les moyens de mieux rétribuer les gardes champêtres dont le salaire est, presque partout, insuffisant.

19. Quelques personnes désiraient qu'il ne pût être accordé de permis qu'à ceux qui paieraient une certaine quantité de contributions foncières, ou qui seraient propriétaires d'une étendue déterminée de terrain, ou du moins qui justifieraient de l'autorisation de chasser sur des propriétés de la même étendue.

Le gouvernement a repoussé l'idée d'imposer une semblable condition qui aurait établi, en faveur de la propriété, une espèce de privilége contraire à l'état actuel de nos mœurs et de nos opinions. Il a d'ailleurs reconnu la difficulté de régler par une loi tous les cas où la délivrance d'un permis de chasse pourra être refusée. La loi détermine seulement les classes de personnes qui ne pourront pas en obtenir. Parmi elles se trouvent 1° celles qui, par suite d'une condamnation, seront privées du droit de port d'armes; 2o celles qui n'auront pas exécuté les condamnations par elles encourues pour un délit de chasse. On sait que d'après le code pénal, les peines afflictives et infamantes entraînent la dégradation civique à laquelle est attachée la privation du droit de port d'armes. Ceux qui ont subi l'une de ces peines se trouvent donc compris dans la catégorie des individus auxquels un permis de chasse devra nécessairement être refusé. Outre les cas prévus spécialement par la loi, il existe un grand nombre de circonstances où il serait dangereux d'accorder un permis de chasse, pour des raisons d'une autre nature; il a donc paru nécessaire d'armer les préfets d'un pouvoir d'appré

ciation qui leur permît de refuser le permis. Le pouvoir qui leur est conféré n'est pas sans limites, il est controlé par le ministre de l'intérieur auquel les impétrants peuvent s'adresser en cas de refus du préfet.

CHAPITRE XXVI.

Chasse en Temps non Prohibé.

Celui qui se livre au plaisir de la chasse ne doit pas oublier qu'il convient qu'il n'use de son droit qu'avec une sage modération, avec une nécessaire réserve, dans les termes de ses besoins et d'un agrément raisonnable, qu'il évite le détriment et la perte entière des espèces, et de porter à autrui aucun préjudice. C'est un grave abus que de ravager sans scrupule les campagnes et les fruits de la terre, pour chasser plus commodément et plus fructueusement.

1. Chasser sur le terrain d'autrui, et sans le consentement du propriétaire, c'est commettre un délit de la compétence des tribunaux correctionnels, alors même que celui qui chasse serait muni d'un permis délivré par l'autorité compétente, et qu'il chasserait en temps non prohibé. ( Art. 11 de la loi du 3 mai 1844, et arrêt de cass. du 13 octobre 1808. )

2. En temps non prohibé, le ministère public ne peut poursuivre un délit de chasse avec permis de l'autorité compétente, sur le terrain d'un particulier, qu'autant que le propriétaire a porté plainte. En effet, l'article 26 de la loi du 3 mai 1844 porte, par exception à la règle générale, suivant laquelle tout délit peut être poursuivi par l'autorité publique, « Néanmoins, » dans le cas de chasse sur le terrain d'autrui, sans le consen»tement du propriétaire, la poursuite d'office ne pourra être » exercée par le ministère public, sans la plainte de la partie » intéressée, qu'autant que le délit aura été commis dans un » terrain clos suivant les termes de l'art. 2, et attenant à une » habitation, ou sur des terres non encore dépouillées de leurs >> fruits. »>

L'action de chasser sur le terrain d'autrui, en temps non prohibé, ct avec permis de chasse de l'autorité compétente, ne prend le caractère de délit que lorsqu'elle a lieu sans le consentement du propriétaire; et le silence de ce dernier sur le fait de chasse commis sur son terrain, emporte de sa part présomption d'un consentement ou d'une ratification tacite. Pour que le ministère public soit en droit de poursuivre correctionnellement un délit de chasse sur le terrain d'autrui, avec permis de chasse de l'autorité compétente, et en temps non prohibé, il n'est pas nécessaire que le propriétaire se constitue partie civile au procès, il suffit qu'il rende plainte, ou, ce qui est la même chose, qu'il en fasse la dénonciation. Par cela seul qu'il porte plainte, ne fût-ce que par simple lettre adressée au procureur du roi, il manifeste clairement qu'il ne tolère pas le délit alors, la présomption qu'admet l'art. 16 de la loi précitée cesse, l'action du ministère public contre les auteurs du délit est provoquée, et il a le droit d'agir pour demander l'application de la peine.

3. Celui qui chasse en temps non prohibé, sur le terrain d'autrui, sans le consentement du propriétaire, peut être poursuivi d'office par le ministère public, s'il n'était pas muni d'un permis de chasse délivré par l'autorité compétente. ( Art. 26 de la loi du 3 mai 1844, et arrêt de cass. du 12 février 1808. ) 4. Il y a temps prohibé partout où il peut y avoir dom

mage.

Le fait de chasse sur un terrain non clos conformément à la loi, encore chargé de ses récoltes, constitue un délit punissable, aussi bien lorsqu'il a été commis par le propriétaire du terrain, que par tous autres, et même alors que le fait a eu lieu en un temps où la chasse était déclarée ouverte. La loi sur la police de la chasse a été rendue pour la conservation des récoltes, et bien que le fait de chasse ait eu lieu hors du temps prohibé par l'arrêté du préfet, les dispositions de cet arreté ne doivent être entendues qu'en ce sens que la liberté de la chasse n'existera qu'après que les terres seront dépouillées de leurs récoltes. Quelque puisse être la période où finira la prohibition de l'autorité administrative, le préfet ne peut ni implicitement, ni explicitement autoriser la chasse, en quelque temps que ce soit, dans les terres non dépouillées de leurs récoltes. A cet égard, les dispositions prohibitives de la loi sont d'ordre public et non pas purement transitoires. (Cass.', 16 novembre 1837, et 9 juin 1838.)

5. Le fait de chasse sur un terrain chargé de fruits ou récoltes, alors même que la chasse est ouverte, peut être poursuivi d'office par le ministère public, sans qu'il soit besoin d'une plainte du propriétaire.

La loi fait défense à toutes personnes de chasser sur le ter

rain d'autrui, en quelque temps que ce soit, sans le consentement du propriétaire, et interdit formellement aux propriétaires et possesseurs, de chasser sur leurs terres, mêmes en jachères, non closes et non attenant à une habitation, jusqu'au temps de l'ouverture de la chasse fixé par le préfet, pour les terres qui seraient dépouillées de leurs récoltes, et pour les autres jusqu'à la dépouille entière des fruits. L'interdiction faite aux propriétaires et possesseurs s'applique à plus forte raison à la chasse sur un terrain dont ils ne seraient ni propriétaires ni possesseurs, lorsque ce terrain est non clos et ne serait pas dépouillé de ses fruits. Ce fait est un délit, alors même qu'il a lieu dans la période de temps où la chasse n'est pas défendue par l'arrêté du préfet, puisque l'existence des fruits sur terre suffit pour constituer un dommage, non seulement au propriétaire ou possesseur, mais encore à la société intéressée à la conservation des récoltes.

L'article 26 de la loi du 3 mai 1844 qui exige, comme condition préliminaire de la poursuite, la plainte du propriétaire ou autre partie intéressée, ne peut s'appliquer à un délit commis par le propriétaire, le possesseur ou tous autres, par le fait de chasse sur un terrain chargé de fruits.

Une terre ensemencée en froment, au mois de janvier, est sinon chargée de fruits en maturité, du moins chargée de fruits en croissance, et la société toute entière est intéressée à la conservation des récoltes. Dans ce cas, le ministère public a droit de poursuivre d'office. (Cass., 4 février 1830, 13 mai 1834, et 16 novembre 1837.)

6. Le dommage causé sur les terrains d'autrui, par l'effet de la chasse, ne peut point être considéré comme délit, si la chasse a eu lieu en temps non prohibé, et du consentement exprès du propriétaire. Celui-ci n'a pas d'action correctionnelle contre l'auteur du dommage, et le tribunal correctionnel est incompétent pour prononcer, soit sur le dommage, soit sur l'amende.

Si l'auteur du fait de chasse a endommagé les propriétés sur lesquelles il lui avait été permis de chasser, le propriétaire ne peut le traduire que devant les tribunaux civils pour obtenir la réparation du préjudice qui lui a été fait.

Il n'y a pas de délit quand on chasse avec permis de l'autorité, en temps non prohibé, sur des propriétés où la permission de chasse avait été donnée. Alors les tribunaux correctionnels ne peuvent être saisis de la cause; les juges civils sont seuls compétents pour accorder des dommages-intérêts par suite d'un fait qui n'est pas un délit. Les tribunaux correctionnels ne peuvent prononcer qu'accessoirement, sur les dommages-intérêts demandés, et lorsqu'il y a un délit dont ils ont été légalement saisis. (Cass., 17 juillet 1810).

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