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7. L'article 1er de la loi du 3 mai 1814 pose d'abord en principe que nul n'aura la faculté de chasser, si la chasse n'est pas ouverte, et s'il ne lui a pas été délivré un permis de chasse. Le permis dont il s'agit ici remplace celui qui était connu anciennement sous le nom de permis de port d'armes de chasse, et qui était réglé par les décrets des 11 juillet 1810 et 4 mai 1812. En empruntant à ces décrets quelques-unes de leurs dispositions, la loi nouvelle les a modifiées. Ces décrets n'exigeaient le permis que pour la chasse au fusil; la loi du 3 mai 1814 l'exige pour toute espèce de chasse. Voilà pourquoi l'on a substitué aux mots permis de port d'armes de chasse, les expressions plus générales permis de chasse. Ces expressions seules font connaître l'intention du projet qui a été de ne pas borner au cas de la chasse au fusil, l'obligation d'obtenir un permis de l'autorité compétente.

Le second paragraphe le l'article 1" de ladite loi déclare, en termes formels, que nul ne pourra chasser sur la propriété d'autrui, sans le consentement du propriétaire ou de ses ayantdroit. Il a paru utile de consacrer, par une disposition spéciale, le droit du propriétaire.

Le territoire de la France est si étendu, les provinces du Nord et du Midi présentent une si grande diversité de température, qu'il a fallu renoncer à l'avantage de régler, par une loi, d'une manière générale et uniforme, l'époque où la chasse sera ouverte et celle où elle devra être fermée. L'article 3 de la loi de 1844 charge les préfets de déterminer chacune de ces deux époques, par un arrêté spécial publié dix jours à l'avance. Cette attribution dont ils jouissaient déjà, n'a jamais paru entraîner aucun inconvénient.

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S. Sous l'empire de la législation antérieure à 1841, la chasse en temps prohibé ou sans permis de port d'armes était la seule qui fût considérée comme un délit d'ordre public, et poursuivie d'office par le procureur du roi. Tous les autres délits de chasse étaient rangés parmi les délits privés qui ne peuvent être poursuivis que par la partie lésée, ou par le ministère public, lorsqu'elle porte une plainte formelle. C'était là une des grandes causes de l'impunité de la plupart des braconniers, parce que tous les propriétaires répugnent à poursuivre les délits de chasse commis sur leurs propriétés, et même à les dénoncer par une plainte; les braconniers en profitaient pour chasser en toute sécurité par tous les moyens qui ne constituaient pas l'un des deux délits pour lesquels le ministère public pouvait agir d'office.

L'on a senti le besoin de diminuer, les chances d'impunité qui encourageaient leur audace. L'un des moyens les plus efficaces pour parvenir à ce but était, sans contredit, d'élargir le cercle des délits d'ordre public en matière de chasse, que les procureurs

du roi peuvent poursuivre d'office. Tel est l'objet de l'article 26 de la loi du 3 mai 1844.

Cet article range implicitement parmi les délits que le ministère public pourra poursuivre d'office, sans la plainte de la partie intéressée, les infractions aux arrêtés pris par les préfets, pour prévenir la destruction des oiseaux, le port des nappes, filets, piéges, collets et autres engins ou instruments de chasse prohibés; l'enlèvement sur le terrain d'autrui des œufs de faisans, de perdrix, de cailles; la chasse, sur le terrain d'autrui, sans son consentement, si ce terrain est attenant à une maison d'habitation.

9. La chasse à courre est celle qui consiste à poursuivre et à forcer le gibier à l'aide de chiens courants. Les chasseurs qui s'y livrent ne sont pas toujours armés, et il est fort difficile de distinguer celui qui chasse de celui qui assiste à la chasse comme simple spectateur. Cette distinction a été laissée à l'appréciation des magistrats qui, seuls, peuvent, d'après les circonstances, reconnaître la part plus ou moins active qui doit être attribuée à chacun de ceux que le ministère public a compris dans les poursuites.

CHAPITRE XXVII.

Chasse en Temps Prohibé.

1. L'agriculture est la base de la prospérité des états, et la chasse qui n'est qu'un divertissement, doit cesser lorsquelle peut lui devenir préjudiciable.

Dans l'origine des sociétés, le droit de chasse en tout temps appartenait à ceux qui voulaient l'exercer chacun en vivait. Mais les progrès de la culture signalèrent bientôt le grave inconvénient qu'il y avait à laisser ainsi parcourir les terrains de toute nature, et l'on dût y apporter de nécessaires restrictions, dans l'intérêt de la conservation des fruits de la terre et des propriétés rurales.

Depuis cinquante ou soixante ans, l'agriculture est devenue pour beaucoup d'esprits judicieux l'objet d'une sérieuse altention, et l'on a fait de nombreux essais pour l'améliorer.

A l'époque de l'année où la terre, couverte de riches récoltes, va récompenser de longs et pénibles travaux et rendre la condition des cultivateurs plus douce, il était de la sagesse du législateur de leur assurer la jouissance de leurs moissons et des autres produits de leur industrie. C'est dans ce but qu'a été rendue la loi du 3 mai 1844, dont les articles 1 et 11 sont ainsi conçus : Art. 1er. Nul ne pourra chasser, sauf les exceptions ci-après, si la chasse n'est pas ouverte et s'il ne lui a pas été délivré un permis de chasse par l'autorité compétente.

Nul n'aura la faculté de chasser sur la propriété d'autrui, sans le consentement du propriétaire ou de ses ayant-droit.

Art. 11. Seront punis d'une amende de seize à cent francs, 1° ceux qui auront chassé sans permis de chasse; 2a ceux qui auront chassé sur le terrain d'autrui, sans le consentement du propriétaire.

L'amende pourra être portée au double, si le délit a été commis sur des terres non dépouillées de leurs fruits, etc.

L'intérêt général a donc fait donner à l'autorité civile le droit et la possibilité de tracer les limites de l'époque durant laquelle la chasse peut être permise sans notable inconvénient. Ces principes sont trop simples, trop vrais pour pouvoir être contredits. Sans doute ils établissent des restrictions à la liberté naturelle, mais il ne faut pas oublier que l'homme entrant en société, a du faire l'abandon d'une partie de la liberté illimitée qu'il peut posséder comme être abstrait et isolé.

La faculté de chasser, dominée par ce principe qu'il ne faut pas faire à autrui ce que nous ne voudrions pas qu'il nous fût fait à nous-mêmes, doit donc être exercée avec ménagement, avec retenue, et sans faire tort au propriétaire, au fermier ou à tout autre qui doit récolter les fruits.

2. Le printemps est une saison morte pour la chasse, parce que les bêtes à poil s'accouplent et que les oiseaux font leur ponte : ceux d'eau se cachent dans les forêts des grands marais et des étangs.

L'automne est la vraie saison de la chasse. Toute la terre n'a plus de grains, les oiseaux sont en abondance, et les jeunes n'ont point encore été battus ni au fusil, ni par les tendeurs de lacs.

La défense de chasser sur les terres couvertes de blés en tuyau, ou dans les vignes chargées de raisins, étant équitable et légale, le droit naturel exige qu'on se conforme aux lois particulières du territoire où l'on se trouve, et par conséquent qu'on ne s'y livre point à la chasse, lorsqu'elle y est défendue.

Le temps prohibé est celui pendant lequel la terre est couverte de grains, de fruits ou de récoltes, et où la chasse n'est pas encore déclarée permise par un arrêté exprès et formel de l'autorité départementale.

3. Il y a toujours temps prohibé, partout où il y a dommage à faire, et l'autorité administrative a le droit de défendre la chasse dans certains temps et certains lieux, par des réglements dont l'infraction est punie par la loi, ainsi que l'a reconnu et proclamé la cour de cassation, notamment dans son arrêt du 27 novembre 1823.

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4. Lorsque la terre est couverte de récoltes, ils est défendu, même au propriétaire, de chasser quand le terrain n'est pas attenant à une habitation et entouré d'une clôture continue faisant obstacle à toute communication avec les héritages voisins. (Art. 2 de la loi du 3 mai 1844.)

5. En défendant aux propriétaires et possesseurs de chasser dans leurs terres non parfaitement closes et dépendant d'une habitation, avant la dépouille entière des fruits, la loi a voulu parler des terres capables de porter encore des fruits récoltables; et l'on ne peut considérer comme telle une prairie dont la seconde herbe est coupée, et qui n'est plus destinée à être fauchée de l'année. (Cass., 31 janvier 1840.)

6. Dans un arrêté du préfet portant défense de chasser à compter de tel jour, ces expressions, à compter de...... doivent être entendues en ce sens que la prohibition commencera le jour même indiqué. Ici ne s'appliquent pas les règles sur la supputation des délais en matière de procédure. Rien dans l'arrêté ne donne à penser que l'on ait voulu exclure de la prohibition, le jour à compter duquel il est dit que la clôture de la chassse aura lieu; au contraire, le sens littéral et usuel de ces expressions emporte l'idée qu'elles désignent le premier jour où doit avoir lieu la prohibition.

Si en matière de procédure civile ou criminelle, des règles spéciales ont été posées pour la supputation de certains délais, ces dispositions particulières ne sauraient, en l'absence d'un texte précis, être appliquées à d'autres matières, telles que les arrêtés administratifs. (Arrêt de la cour de cassation du 7 septembre 1833.)

7. Un individu qui, en temps non prohibé, chasse sur un terrain non attenant à une habitation et non entouré d'une clôture continue faisant obstacle à toute communication avec les héritages voisins, pendant qu'il est chargé de fruits, se rend coupable d'un fait punissable, alors même qu'il serait propriétaire ou possesseur de ce terrain.

On doit considérer comme chargées de fruits, les terres emblavées au mois de janvier. (Cass., 16 novembre 1837.)

8. La loi regarde comme temps prohibé, même après l'ouverture de la chasse, celui pendant lequel le terrain sur lequel la chasse a eu lieu, est couvert de récoltes.

Le fait de chasse dans un champ couvert de récoltes est un délit, alors même que ce fait a eu lieu avec le consentement

du propriétaire. (Arrêt de la cour royale de Grenoble du 10 novembre 1841.)

9. Un délit de chasse sur un terrain chargé de récoltes peut être également poursuivi par le propriétaire du terrain et par le propriétaire des fruits. Dans cette circonstance, le ministère public peut intervenir en appel, comme partie jointe, pour faire confirmer les condamnations prononcées en première instance. (Cass., 17 mai 1834.)

10. Le fait de chasse sur un terrain encore chargé de récoltes, non attenant à une habitation et non entouré de clôtures continues faisant obstacle à toute communication avec les héritages voisins, constitue un délit punissable, aussi bien quand il a été commis par le propriétaire du terrain que par tous autres, et alors même que ce fait a eu lieu dans la période de temps où la chasse n'est pas prohibée par arrêté du préfet.

Les articles 1er et 2 de la loi du 3 mai 1844 interdisent formellement aux propriétaires et possesseurs de chasser sur leurs terres, même en jachères, qui ne sont pas attenantes à une habitation et entourées d'une clôture continue faisant obstacle à toute communication avec les héritages voisins. La liberté de chasse n'y existe qu'après que les terres ont été dépouillées de leurs récoltes, quelle que puisse être la période où finit la prohibition de l'autorité administrative. Le préfet ne peut ni explicitement, ni implicitement autoriser la chasse en quelque temps que ce soit, dans les terres non dépouillées de leurs récoltes, la société tout entière étant intéressée à la conservation des biens de la terre ; et l'article 11 de la loi du 3 mai 1844, soucieuse des intérêts de l'agriculture, a déclaré que l'amende pour délit de chasse pourra être portée au double si ce délit a été commis sur des terres non dépouillées de leurs fruits. (Cass., 4 février 1830, 17 mai 1834, 9 juin 1838, et art. 11 de la loi du 3 mai 1844.)

11. Le fait de chasse sur des terres non encore dépouillées de leurs récoltes, lorsque ces terres ne sont pas attenantes à une habitation et entourées d'une clôture continue faisant obstacle à toute communication avec les héritages voisins, alors même que la chasse est ouverte, est assimilé à la chasse en temps prohibé et peut être poursuivi d'office par le ministère public, encore qu'il n'y ait pas de plainte du propriétaire. De l'article 26 de la loi du 3 mai 1844, il résulte formellement que tout fait de chasse sur des terres non encore dépouillées de leurs fruits peut et doit, sur la poursuite du ministère public, être puni des peines prononcées par cette loi, sans qu'il soit besoin de plainte d'aucune partie civile.

L'article 12 du code d'instruction criminelle charge le procureur du roi de la poursuite de tous les délits dont la connaissance appartient aux tribunaux correctionnels. (Cass., 12 janvier 1829, et 4 février 1830.)

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