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L'attribution faite aux communes, d'une portion de l'amende, sera pour les autorités de surveillance un motif de plus de stimuler le zèle des agents de répression et de proscrire sans exception ces déplorables et coupables transactions qui seraient un obstacle à la juste et salutaire application de la loi.

ART. 20.

L'article 463 du code pénal ne sera pas applicable aux délits prévus par la présente loi.

D'après les principes généraux du droit, l'article 463 du code pénal, qui permet aux tribunaux de modifier les peines lorsqu'il y a des circonstances atténuantes, ne pouvait être appliqué à la loi du 3 mai 1844, qui est tout-à-fait en dehors du code pénal. Mais en faisant la défense mentionnée en cet article 20, le législateur a voulu que nul ne pût ignorer que la propriété est placée d'une manière toute spéciale sous là sauve-garde de la loi, et qu'ici toute indulgence serait funeste, parce qu'elle tournerait au détriment des propriétaires ruraux et tendrait à perpétuer la dévastation des biens de la terre.

SECTION 3.

De la Poursuite et du Jugement.

ART. 21.

Les délits prévus par la présente loi seront prouvés. soit par procès-verbaux ou rapports, soit par témoins, à défaut de rapports et procès-verbaux, ou à leur appui.

ART. 22.

Les procès-verbaux des maires et adjoints, commissaires de police, officier, maréchal-des-logis ou brigadier de gendarmerie, gardes-forestiers, gardes-pêches, gardes-champêtres, ou gardes-assermentés des particuliers, feront foi jusqu'à preuve contraire.

La règle générale est que les procès-verbaux des gardes-forestiers font foi jusqu'à inscription de faux, des faits que ces agents ont reçu mission de constater. Mais ici une dérogation a été apportée à ce principe; et en matière de chasse les procès-verbaux de ces gardes ne font foi que jusqu'à preuve contraire, comme ceux des autres fonctionnaires et agents appelės à assurer l'exécution de la loi du 5 mai 1844. Le législateur qui a voulu une justice prompte autant que complète a écarté la nécessité de l'inscription de faux soumise à des formalités qui nécessitent de longs délais, alors que la preuve testimoniale peut éclairer de suite et convenablement la religion des magistrats.

ART. 23.

Les procès-verbaux des employés des contributions indirectes et des octrois feront également foi jusqu'à preuve contraire, lorsque dans la limite de leurs attributions respectives, ces agents rechercheront et constateront les délits prévus par le paragraphe 1er de l'article 4.

Les employés des contributions indirectes et des octrois ont qualité pour saisir le gibier présenté aux barrières et aux bureaux d'observation, et pour provoquer des poursuites contre les introducteurs, en dressant procès-verbal de la contravention.

Cet article porte que les procès-verbaux des employés des contributions indirectes et des octrois feront foi jusqu'à la preuve contraire lorsque, dans la li-mite de leurs attributions respectives, ces agents rechercheront et constateront Jes délits prévus par le paragraphe I de l'article 4, c'est-à-dire la mise en vente, la vente, l'achat, le colportage et le transport du gibier en temps prohibé. Les motifs de cette disposition sont évidents. Les infractions dont il s'agit ici ne pourront presque jamais être constatées par les gardes et les gendarmes, appelés, par la nature de leurs fonctions, à rechercher plutôt les délits de chasse proprement dits qui se commettent au milieu des champs. Mais les préposés des octrois, placés à l'entrée des villes pour surveiller les objets qu'on y veut introduire, les employés des contributions indirectes, obligés, par état, de visiter les auberges et les lieux ouverts au public, pourront, tout en remplissant leur mission, constater sans peine le transport et la vente illicites du gibier. Leur concours était nécessaire à l'exécution d'une partie importan e de la loi. Telle est la cause du nouveau pouvoir qui leur est confié.

Une remarque essentielle à faire sur cet article 23, c'est que, d'après ses termes, les fonctionnaires qu'il désigne ne pourront verbaliser valablement qu'autant qu'ils agiront dans les limites de leurs attributions ordinaires. Ainsi, les employés des contributions indirectes ne pourront faire de visite chez les aubergistes qui se sont rachetés de l'exercice par un abonnement, n'auront pas le droit de s'y transporter pour y rechercher du gibier en temps prohibé.

ART. 24.

Dans les vingt-quatre heures du délit, les procès-verbaux des gardes seront, à peine de nullité, affirmés par les rédacteurs, devant le juge de paix ou l'un de ses suppléants, ou devant le maire ou l'adjoint, soit de la commune de leur résidence, soit de celle où le délit aura été commis.

La loi, en parlant des procès-verbaux des gardes, n'a point eu en vue les gardes généraux forestiers. Ces officiers sont dispensés de l'affirmation de leurs procès-verbaux par la loi qui les a institués. Celle du 3 mai 1844, ne les privant point nommément de cette juste prérogative, il y a lieu de la comprendre comme elle doit l'être d'après le droit commun qui dispense les gardes généraux de l'affirmation de leurs actes, comme n'étant pas seulement des préposés, mais des agents supérieurs de l'administration.

Les procès verbaux des membres de la gendarmerie ne sont pas soum's à l'affirmation en matière de chasse. Aucune disposition de loi ne les y astreint ; et comme la loi du 3 mai 1844 ne l'éxige que pour les procès-verbaux des gardes, on ne peut en étendre la nécessité à ceux des gendarmes. Il a été de la volonté du législateur de les en dispenser: on doit induire de ce fait, que dans le projet de la loi dont il s'agit, voté d'abord par la chambre des pairs en 1843, les gendarmes étaient mis au nombre des agents à qui la formalité de l'affirmation était imposée, et qu'en 1844, lors de la discussion nouvelle à la chambre des députés et à celle des pairs, la rédaction a été changée et l'affirmation imposée aux seuls gardes, d'où il suit qu'elle n'a pas été reconnue nécessaire à la validité des procès-verbaux de la gendarmerie.

ART. 25.

Les délinquants ne pourront être saisis ni désarmés; néanmoins, s'ils sont déguisés ou masqués, s'ils refusent de faire connaître leurs noms, ou s'ils n'ont pas de domicile connu, ils seront conduits immédiatement devant le maire ou le juge de paix, lequel s'assurera de leur identité.

Ici sont reproduites les dispositions de l'article 7 de la loi du 30 avril 1790,

avec quelques modifications qui en rendent l'application plus compatible avec le principe de la liberté individuelle. L'on prescrit aux gardes et aux membres de la gendarmerie de s'abstenir de saisir et de désarmer les chasseurs dont l'individualité n'est pas douteuse. L'on pressent aisément les accidents qu'une résistance naturelle pourrait occasionner chaque jour, si les gardes et les gendarmes étaient tenus de désarmer les chasseurs. Aussi la loi, non-seulement ne les oblige point à cette voie de fait, mais leur en intime la défense.

ART. 26.

Tous les délits prévus par la présente loi seront poursuivis d'office par le ministère public, sans préjudice du droit conféré aux parties lésées, par l'article 182 du code d'instruction criminelle.

Néanmoins, dans le cas de chasse sur le terrain d'autrui, sans le consentement du propriétaire, la poursuite d'office ne pourra être exercée par le ministère public, sans une plainte de la partie intéressée, qu'autant que le délit aura été commis dans un terrain clos suivant les termes de l'article deux, et attenant à une habitation, ou sur des terres non encore dépouillées de leur fruits.

Le principe général est, qu'en matière de délits de chasse, le ministère public est investi du droit de poursuivre d'office.

Le propriétaire des héritages où la chasse a été pratiquée a également le droit de faire citer les délinquants pour avoir réparation du préjudice qu'il a éprouvé

Cependant le droit de poursuite d'office du ministère public est suspendu dans le cas de chasse sur le terrain d'autrui sans le consentement du propriétaire, tant que ce propriétaire ne se plaint pas. L'absence de plainte de sa part est une présomption de consentement, et alors le ministère public ne peut demander la répression d'un fait toléré par celui à qui seul il pourrait préjudicier. Ce que la loi entend par plainte de la partie intéressée n'est pas une citation donnée à la requête du propriétaire ou du maire de la commune; une lettre de leur part portant invitation au procureur du roi de faire citer le délinquant, suffit pour autoriser la poursuite du ministère public, sans que dans ce cas le plaignant puisse être réputé partie civile et par suite obligé de consigner les frais du procès, ou de les supporter en fin de cause.

Toutefois, pour que, même dans le cas ci-dessus, le ministère public soit sans action, il faut que l'auteur du fait de chasse ait préalablement obtenu de l'autorité préfectorale le permis de chasse sans lequel personne ne peut chasser, même sur ses propres terres.

Lors même que le propriétaire ne se plaindrait pas ou qu'il exprimerait le désir qu'aucune poursuite ne fût intentée, le procureur du roi aurait le droit de faire citer d'office le délinquant, si le fait de chasse avait eu lieu dans un terrain clos suivant les termes de l'article 2, et attenant à une habitation ou sur des terres ensemencées et non encore dépouillées de leurs fruits. Dans le premier cas, il y a violation de la propriété et, en quelque sorte du domicile, rar un terrain attenant à la maison en est une dépendance, un accessoire naturel; il en fait pour ainsi dire partie, et il est de l'intérêt général de ne point tolérer la violation du domicile. Dans le second cas, et alors qu'il y à eu chasse sur un terrain chargé de récoltes en terre ou sur pied, la société toute entière est intéressée à ce que les produits nécessaires et destinés à l'alimentation de tous, ne puissent être endommagés. C'est cet intérêt général qui donne au ministère public le droit de poursuite d'office.

L'article 26 contient une dérogation à l'ancienne législation d'après laquelle les faits de chasse sur le terrain d'autrui ne pouvaient pas être poursuivis

d'office par le ministère public, sans une plainte formelle du propriétaire. En vertu de la loi de 1844, ils peuvent l'être dans deux cas. Lorsque le délit aura été commis dans un terrain clos suivant les termes de l'article 2, et attenant à une maison d'habitation, ou sur des terres non encore dépouillées de leurs fruits.

ART. 27.

Ceux qui auront commis conjointement les délits de chasse, seront condamnés solidairement aux amendes, dommages-intė– rêts et frais.

Cet article est la reproduction de l'article 55 du code pénal.

ART. 28.

Le père, la mère, le tuteur, les maîtres et commettants, sont civilement responsables des délits de chasse commis par leurs enfants mineurs non mariés, pupilles demeurant ave eux, domestiques ou préposés, sauf tout recours de droit.

Cette responsabilité sera réglée conformément à l'article 1384 du code civil, et ne s'appliquera qu'aux dommages intérêts et frais, sans pouvoir toutefois donner lieu à la contrainte par corps.

L'article 6 du décret du 30 avril 1790 limitait la responsabilité aux pères et mères. La loi nouvelle l'étend aux tuteurs, maîtres et commettants à l'égard de leurs pupilles demeurant avec eux, domestiques et préposés, sauf tout recours de droit : c'est-à-dire que si ces tuteurs, maîtres et commettants, sont obligés de payer des dommages intérêts et de frais, ils ont le droit de s'en faire rembourser par leurs pupilles, apprentis, serviteurs et autres subordonnés par qui le délit a été commis.

Mais, aux termes de l'article 4384 du code civil, cette responsabilité cesse, si les père, mère, tuteur, maîtres et commeltants prouvent qu'ils n'ont pu empêcher le fait qui a donné lieu à la responsabilité.

ART. 29.

Toute action relative aux délits prévus par la présente loi sera prescrite par le laps de trois mois, à compter du jour du délit.

L'article 12 de la loi du 30 avil 1790 déclarait la prescription acquise par le laps d'un mois, à compter du jour où le délit avait été cominis. Il a été reconnu que, dans nombre de circonstances, ce délai n'était pas suffisant pour assurer une répression efficace, et le législateur a fixé à trois mois le temps durant lequel les poursuites peuvent être utilement commencées.

SECTION 4.
Dispositions Générales.
ART. 30.

Les dispositions de la présente loi relatives à l'exercice du droit de chasse ne sont pas applicables aux propriétés de la couronne. Ceux qui commettraient des délits de chasse dans ces propriétés seront poursuivis et punis conformément aux sections 2 et 3.

Cet article introduit deux dispositions importantes et distinctes.

Par la première, il déclare que la loi du 3 mai 1844 n'est pas applicable aux

propriétés de la couronne en ce qui touche l'exercice du droit de chasse qui se trouve réglementé par les dix premiers articles de cette loi. Le principe qu'il consacre, l'exception qu'il admet, remontent à la loi du 3 avril 1790. Alors, comme aujourd'hui, ils ont eté inspirés au législateur par des raisons de l'ordre le plus élevé

Il n'eût pas été dans les convenances d'interdire à la couronne le simple plaisir de la chasse dans ses domaines. Ainsi, dans les propriétés de la liste civile, la chasse est permise en tout temps et par tous moyens, au roi ainsi qu'à ceux à qui en a été accordé des autorisations; et il n'y a lieu de la part d'aucun fonctionnaire ou agent, de rechercher si les personnes qui s y livrent dans ces conditions ont préalablement obtenu un permis de chasse de l'autorité préfectorale.

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Par la seconde disposition, il déclare que ceux qui commettraient des délits de chasse dans les propriétés de la couronne, seront punis, non plus, comme précédemment, des peines portées par l'ordonnance de 1669, mais conformément aux dispositions des sections 3 et 4 de la présente loi. C'est déclarer implicitement que, excepté sa section première, cette loi est applicable, même aux délits commis dans les propriétés de la couronne.

Il ne faut pas induire de là que le titre 30 de l'ordonnance de 1669 demeure entièrement abrogé ; il est toujours en vigueur, mais avec les modifications qu'y apporte la loi nouvelle. Toute absence d'abrogation, à cet égard, est constatée par ce fait, que MM. Luneau et Cremieux, députés, ayant proposé un amendement tendant à ce qué dans l'article 31 de la présente loi, on plaçat l'ordonnance de 1669 parmi les lois et décrets abrogés, cet amendement fût rejeté par la chambre. Ainsi l'ordonnance de 1669 reste en vigueur, en ce qui touche les faits constitutifs des délits de chasse qui y sont énoncés: seulement, ces faits, quant aux peines qui doivent y être appliquées, sont régis par la loi nouvelle.

Ils sont maintenant soumis aux règles du droit commun introduites par la loi du 3 mai 1844.

ART. 31.

Le décret du 4 mai 1812, et la loi du 30 avril 1790, sont abrogés

Sont et demeurent également abrogés, les lois, arrêtés, décrets et ordonnances intervenus sur les matières réglées par Ja présente loi, en tout ce qui est contraire à ses dispositions.

Cet article apporte de fort notables changements à la législation antérieure. Le projet adopté par la chambre des pairs en 1843 ne prononçait pas virtuellement l'abrogation de la loi du 30 avril 1790, et, par le fait, elle restait en vigueur relativement aux délits de chasse commis dans les bois de l'état, des communes, des établissements publics et des particuliers. La rédaction définitive de cet article 31, qui aujourd'hui a force de loi, abroge de la manière la plus explicite et en entier la loi de 1790. Il en résulte que les fails de chasse dans les bois et forêts sont soumis aux mêmes règles que s'ils avaient lieu en plaine et dans des héritages livrés à l'agriculture, et dès los, que les propriétaires ne peuvent plus chasser dans les bois et forêts, en temps prohibé, ainsi que le permettait l'article 14 de la loi de 1790.

Il faut regarder comme constant, que sous l'empire de la loi du 3 mai 1844, la chasse dans les bois est soumise aux mêmes règles et aux mêmes pénalités que celle qui est pratiquée dans les autres propriétés.

Les ordonnances de 1601, 1669 et autres spéciales aux délits de chasse commis dans les propriétés de la liste civile, sont produites au chapitre 29 qui traite des faits de chasse sur les biens de la cou

ronne.

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