Page images
PDF
EPUB

CHAPITRE LXIII.

De la Chasse aux Loups.

1. La chasse appelée, suivant la localité, battue ou traque, est le moyen le plus généralement adopté pour la destruction des loups si nuisibles à l'agriculture.

Les anciens, qui n'étaient pas moins que nous soigneux des intérêts matériels, et qui s'étaient créé des divinités protectrices à peu près de toutes les choses utiles à la vie, avaient, dans les temps les plus reculés, leur Apollon l'exoxтоvop, c'est-àdire tueur de loups.

2. Le législateur qui a protégé les animaux domestiques contre les attaques de l'homme a dû nécessairement veiller à ce qu'ils puissent être garantis des attaques des bêtes féroces ou voraces qui leur font incessamment la guerre. Les témoignages de sa sollicitude à cet égard résultent d'ordonnances et de règlements qui datent de plusieurs siècles et qui, depuis, ont été successivement renouvelés : l'on peat citer les ordonnances de janvier 1583, de mai 1597, de juin 1601, d'août 1669, ainsi qu'un arrêt du conseil du 25 février 1697, et la loi du 6 octobre 1791. Les sages mesures que ces règlements prescrivaient, ayant cessé d'être exécutées pendant notre première révolution, le conseil des Cing-Cents et celui des Anciens, considérant que des plaintes multipliées arrivaient des départements sur les dévastations commises par les loups, prirent des mesures d'urgence et promirent des récompenses à ceux qui auraient tué de ces animaux. Un arrêté du 18 pluviôse an V (7 février 1797), prescrivit de faire, tous les trois mois au moins, dans les forêts de l'état, des battues générales et particulières pour la destruction des loups, blaireaux, renards et autres animaux nuisibles.

[ocr errors]

3. La loi du 10 messidor de la même année essaya de réaliser le vœu exprimé dans celle de 1791, et l'on fixa des primes qui s'élevèrent, pour la destruction d'une louve pleine, à 18 francs, d'une louve non pleine à 15 francs, d'un

loup à 12 francs, et d'un louveteau à 6 francs. Ces primes ont été maintenues par décision du ministre de l'intérieur du 9 juillet 1818.

4. Un décret impérial du 1" germinal XII organisa la louveterie, et le 20 août 1814 intervint une ordonnance du roi qui conféra au grand veneur le droit de délivrer des commissions honorifiques à des lieutenants de louveterie qui étaient tenus d'entretenir à leurs frais un piqueur, deux valets de limier, un valet de chiens, dix chiens courants et quatre limiers, et de se procurer les piéges nécessaires pour la destruction des loups, renards, loutres et autres animaux nuisibles. La promesse de récompenses pécuniaires fut renouvelée à tous ceux qui tueraient des loups.

Néanmoins, il fut reconnu, en 1818, que le nombre des loups s'était augmenté en France dans les années précédentes: le grand veneur voulant parvenir à les détruire consulta une commission composée de plusieurs membres de l'académie des sciences, et de la société centrale d'agriculture. Cette commission insista sur les mesures générales sui

vantes :

1°. L'établissement des officiers de louveterie; 2° celui des primes à décerner à toute personne qui aura tué un loup, suivant l'âge et le sexe de l'animal détruit ; 3° les chasses générales ou battues, des piéges, traquenards et trapes, et dans quelques lieux, l'empoisonnement.

5. Le grand veneur a signalé un piége qui mérite de fixer l'attention. Voici comment il peut être établi Avec des pieux de deux mètres de long, solidement enfoncés en terre, à distance de 15 centimètres l'un de l'autre, on forme une enceinte d'environ un mètre de diamètre, au milieu de laquelle on attache une brebis vivante ayant plusieurs sonnettes au cou; on forme de même une seconde enceinte à soixante-dix centimètres environ de la première qui se trouve enveloppée par celle-ci. On pratique à cette seconde enceinte une porte qui ouvre à gauche, ce qui force le loup à entrer à droite; comme il marchera toujours en avant pour atteindre sa proie, il se trouvera trop resserré entre ces deux rangs de pieux pour pouvoir se retourner, ses mouvements feront fermer la porte et il se trouvera pris.

6. L'emprisonnement du loup a présenté à la commission plus d'avantage que les autres moyens de destruction. Il ne dérange ni les personnes ni les travaux; il est peu dispendieux; il peut être employé simultanément dans tout le royaume; enfin il est praticable dans toutes les saisons.

[ocr errors]

Lémétique et l'arsénic n'occasionnent aux loups que des vomissements; le verre pilé n'est pas d'un effet plus certain; la

noix-vomique est la substance qui opère le plus sûrement. Voici comment il faut l'employer:

On pratique, à l'aide d'un couteau, aux râbles, aux cuisses, aux épaules d'un chien qu'on a fait étrangler des trous très-profonds on y introduit un quart d'once ou une demi-once de noix-vomique râpée fraîchement, puis on rapproche, par une couture, les deux bords de la plaie, et l'animal lié par les quatre pattes avec un osier (une corde garde trop long-temps l'odeur de l'homme), est enterré dans un fumier qui travaille, et il y reste vingt-quatre heures en été, trois jours et trois nuits en hiver. Après ce délai, on attache une corde à l'osier qui lie les quatre pattes, et l'on traîne l'animal par de très-longs circuits, à l'endroit le plus fréquenté par les loups. On suspend le chien à une branche d'arbre et assez haut pour que le loup soit obligé de l'attaquer par le râble; il mâche peu le morceau qu'il arrache, il l'avale ensuite, le poison opère promptement; le lendemain on trouve le loup mort.

Le chien doit être préféré à une chèvre, ou à une brebis parce qu'il ne mange pas la chair du chien, et qu'on n'a pas à craindre que ceux du voisinage dévorent l'appåt. Le temps le plus favorable est l'hiver, quand il gèle fort.

7. Pour obtenir le paiement des primes qui, suivant l'âge et le sexe des animaux détruits, sont fixées à 18, 15, 12 et 3 fr. par les instructions du ministre des finances des 25 septembre 1807 et 26 août 1816, celui qui y a droit fait constater par le maire de la commune la mort de l'animal, son âge, son sexe, et lorsqu'il s'agit d'une louve, si elle est pleine ou non pleine.

Le procès-verbal du maire est transmis au sous-préfet de l'arrondissement avec la tête de l'animal, et, sur le rapport du sous-préfet, le préfet délivre, pour le paiement de la prime due, un mandat qui est payé sur les fonds des dépenses imprévues.

ARRÊTÉ DU 7 FÉVRIER 1797.

8. Art. 1er. Il sera fait dans les campagnes, tous les trois mois et plus souvent s'il est nécessaire, des chasses et baltues générales ou particulières, aux loups, renards, blaireaux et autres animaux nutsibles.

Art. 2. Les chasses et battues seront ordonnées par les préfets, de concert avec les agens forestiers, sur la demande de ces derniers et sur celle des maires.

Art. 3. Les battues ordonnées seront exécutées sous la direction et surveillance des agens forestiers qui régleront, de con

cert avec les maires de canton, les jours où elles se feront et le nombre d'hommes qui y seront appelés.

Art. 4. Les préfets sont autorisés à permettre aux particuliers de leur arrondissement qui ont des équipages et autres moyens pour les chasses de s'y livrer sous l'inspection et la surveillance des agens forestiers.

Art. 5. Il sera dressé procès-verbal de chaque battue, du nombre et de l'espèce des autres animaux qui auront été détruits : un extrait sera envoyé au ministre des fi

nances.

Art. 6. Il lui sera également envoyé un état des animaux détruits par les chasses particulières mentionnées en l'article 5 et même par les piéges tendus dans les campagnes par les habitants, à l'effet d'être pourvu, s'il y a lieu sur son rapport, au paiement des récompenses promises par l'article 10, section 4 du code rural, et par le décret du 11 ventôse

an III.

[ocr errors]

Art. 7. Lorsqu'il sera constaté qu'un loup enragé ou non s'est jeté sur des hommes ou enfants, celui qui le tuera recevrą 150 fr.

Cette récompense est accordée par un mandat délivré par le préfet sur le receveur général du département, d'après la représentation du procès-verbal du maire de la commune et de la tête de l'animal.

ARRÊT DU CONSEIL PORTANT QU'IL SERA FAIT DES HUÉES ET CHASSES AUX LOUPS EN BERRY PAR LES OFFICIERS DES EAUX ET FORÊTS, DU 26 FÉVRIER 1697.

9. Le roi s'étant fait représenter, en son conseil, le règlement général des eaux et forêts par le roi Henri III au mois de janvier 1583, par lequel il est enjoint aux grands maîtres et maîtres particuliers des eaux et forêts, de faire assembler un homme par feu de chaque paroisse de leur ressort, avec armes et chiens propres pour la chasse aux loups, trois fois l'année, aux temps qu'ils jugeront les plas propres et commodes, comme aussi ceux faits par le roi Henri IV pour les eaux et forêts et la chasse au mois de mai 1597 et juin 1601, portant injonction aux maîtres particuliers et capitaines de chasses, de faire, de trois mois en trois mois, la chasse aux loups; et étant informé qu'il y a quantité de loups dans les bois de la province du Berry, qui mangent les bestiaux des habitants et causent des pertes et dommages considérables, et qu'il n'y a point d'officiers de louveterie pour y faire des huées et chasses, et voulant y pourvoir: Oui le rapport du sieur Phelipeaux, etc., Sa Ma

jesté, en son conseil, a ordonné qu'il sera incessamment fait des huées et chasses aux loups en lieux et endroits de ladite province de Berry qui seront jugés nécessaires par le sieur Begon, grand-maître des eaux et forêts du département du Berry, ou, en son absence, par les officiers des maîtrises particulières de ladite province, et qu'à cet effet, les habitants des villes et villages situés aux environs desdits lieux, seront tenus d'y assister et de se trouver aux jours, lieux et heures qui leur seront indiqués par ledit sieur Begon, ou ses dits officiers, à peine de dix livres d'amende contre chacun des défaillants, sans qu'aucuns des habitants puissent porter des armes aux jours qui ne leur seront pas indiqués, ni tirer sur aucun gibier de poil ou de plume, sur les peines portées par l'ordonnance;

Enjoint Sa Majesté, audit sieur Begon, de tenir la main à l'exécution du présent arrêt, qui sera lu, publié et affiché partout où besoin sera.

Fait au conseil d'état du roi tenu à Versailles le 26 février 1697. Signé Goujon.

Cet arrêt de 1697 donna lieu à des difficultés. Il ordonnait que par le sieur Begon, grand-maître des eaux et forêts du département de Berry, ou, en son absence, par les officiers des maîtres particuliers de cette province, il serait fait des huées et chasses aux loups ès endroits qui seraient nécessaires, et qu'à cet effet, les habitants des villes et villages, situés ès environs desdits lieux, seraient tenus d'y assister et de se trouver aux jours et heures qui seraient indiqués par ledit sicur Begon, à peine de dix livres d'amende contre chacun des défaillants. Le sieur Pegon ayant rendu ses ordonnances pour l'exécution de l'arrêt, et par lesquelles il commettait les maîtres particuliers de Bourges, Vierzon et Issoudun, pour faire faire la chasse aux loups dans l'étendue de leurs maîtrises, le sieur de Seraucourt, commissaire départi en ladite province, rendit, de son côté une ordonnance par laquelle il enjoignit, sous peine de trois livres d'amende, à tous les habitants de la paroisse de SaintPrivé, de se trouver le 23 novembre, même année, armés de fusils et de bâtons, dans les lieux qui seraient indiqués par le sieur Monsoye, qu'il avait commis pour commander les huées et chasses aux loups qui seraient faites dans le bois de Contremoret.

Le sieur Begon se pourvut contre l'ordonnance du sieur Seraucourt. Ce dernier ayant fourni défenses aux moyens du sieur Begon, il est intervenu, le 15 janvier 1698, arrêt par lequel le roi, sans avoir égard à l'ordonnance rendue par le sieur de Seraucourt, a ordonné que l'arrêt du conseil du 25 février 1697 serait exécuté selon sa forme et teneur. Ainsi, M. de Seraucourt, commissaire du roi en la province de Berry avait prétendu avoir seul le droit d'ordonner une battue aux

[ocr errors]
« PreviousContinue »