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Alors les abus les plus graves s'introduisirent dans l'administration anglaise. L'on y commit, dit Blancktone, des actes de tyrannie et d'oppression sous prétexte de faire exécuter les lois forestières pour la conservation du gibier. Tuer un de ces animaux, dans les limites de la forêt, c'était encourir la même peine que pour le meurtre d'un citoyen. L'on défendit la chasse aux oiseaux comme celle aux quadrupèdes, et il était plus facile d'obtenir des lettres de grâce pour avoir tué un homme que pour avoir forcé un sanglier.

Il faut encore, même de nos jours, avoir un revenu de 100 livres sterlings (environ 2,400 francs de notre monnaie) ou être esquire, c'est-à-dire noble, licencié ou docteur dans la faculté des sciences ou des lettres, pour être en droit d'obtenir un port d'armes et de chasser chez soi.

Ces lois sont bizarres, rigoureuses avec excès, et le tiers peut-être des individus détenus dans les prisons d'Angleterre, le sont pour avoir contrevenu aux règlements sur la chasse.

Le législateur avait décidé que le gibier était une propriété réelle; le tuer, c'était voler. La prison, le carcan, les solitudes de Botany-Bay faisaient justice de ceux qui attentaient à cette propriété.

Maintenant encore, le minimum de l'amende, pour délit de chasse, est de 500 fr. ; et l'on ne peut avoir même chez soi un chien ou un fusil, sans avoir obtenu un permis de port-d'armes qu'on nomme licence et dont le coût est de 65 fr.

Celui qui vend du gibier sans avoir préalablement obtenu un port-d'armes, est condamné à l'emprisonnement. Il y a présomption légale que le gibier a été tué en délit.

Il y a bien peu d'années que les lois rigoureuses dont nous venons de parler ont été abrogées. Aujourd'hui l'excès contraire a prévalu; l'impunité est presque assurée aux braconniers qui, fréquemment, se réunissent en troupe, envahissent les domaines et résistent à main-armée aux gardeschasses.

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L'Irlande surtout a souffert de ce système d'excessive tolérance. Les cultivateurs ont négligé le travail pour s'adonner à la chasse, et le paupérisme y a trouvé l'une des plus funestes causes de son accroissement.

Les hommes ne font rien que par degrés; ils n'arrivent à aucune espèce de connaissance que par une progression plus ou moins lente, et l'art de la chasse porté aujourd'hui à un si haut point de perfection, eut, comme toutes les choses humaines, de faibles commencemens.

Avant l'invention de la poudre à canon, en 1343, par un religieux nommé Bertholde Schwart, autrement dit Constantin Ancklitzen, laborieux chimiste, les anciens se servaient, dans leurs chasses, comme le font encore les peuples sauvages, de dards, d'épieux, d'arcs, de flèches et d'arbalètes. Ce ne fut que sous le règne de François Ier que l'on commença à y ajouter les armes à feu inventées aussi par Schwart.

Le premier usage que l'on fit de la poudre à tirer date du 28 mars 1380, par les Vénitiens en guerre contre les Génois. Plus tard on l'appliqua à la destruction du gibier.

Pour la première fois il est parlé d'armes à feu, sous le titre d'arquebuses et d'éscopettes, dans l'ordonnance de 1515. Celle de Henri II, en 1548, fait encore mention de l'arc et de l'arba lête, concurremment avec les armes à feu. Dans l'ordonnance de 1601, il est encore parlé de l'escopette qui était une espèce de carabine. Ce ne fut que depuis le commencement du règne de Louis XIII que l'on ne fit plus usage que du fusil, qui, plus léger que l'arquebuse, porte beaucoup plus loin que l'escopette.

Nous venons de dire avec les historiens, que la poudre à feu a été inventée seulement en 1343. Toutefois on est porté à croire qu'elle n'avait pas été inconnue avant cette époque; car Pétrarque, dialogue 99, de remedio utriusque fortunæ, et quelques écrivains avant 1343, semblent en parler dans leurs ouvrages. Scaliger, Forcatulus, Argolus et autres nous ont laissé des épigrammes fort ingénieuses contre l'auteur de cette

pernicieuse découverte. Un d'eux, dans Pamphilius Saxus, fait dire à une arme :

Vis, sonitus, rabies, motus, furor, impetus, ardor

Sunt mecum. Mars hæc ferreus arma timet.

Chytrous rapporte encore, dans son itinéraire, ces deux vers qu'il trouva à Venise :

Cerberus evomit triplici de gutture flammas,

Sulphura, sal, nitrum, fulmina, bella, globos.

Dans le moyen-âge, la chasse était devenue le partage des classes élevées de la société, bien que pendant longues années les lois l'eussent autorisée pour tous ceux qui possédaient. Le temps, qui innove en toute matière, introduisit successivement des modifications dans l'état des hommes et de la propriété, ainsi que dans la forme du gouvernement, et amena, par suite, de notables changemens dans les dispositions qui réglementaient la chasse. Empreintes du caractère de chaque siècle, nos lois sur cette matière ont varié avec les mœurs et les progrès de la civilisation moderne.

Avant la révolution de 1789, la chasse qui de tout temps a été le principal amusement des princes et des gens de la première condition, alors qu'ils ne vaquent point aux devoirs plus périlleux de la guerre, ne pouvait, par suite de réglements qu'on regardait en quelque sorte, comme d'ordre public, être pratiquée que par certaines classes de la société à qui la fortune permet, sans inconvéniens comme sans dommage, de disposer d'un temps qui n'est réclamé par les besoins de leurs familles ni absorbé par les labeurs d'une profession nécessaire et qui condamne le désœuvrement.

L'ordonnance de 1669, dont les dispositions étaient alors en vigueur, ne permettait la chasse qu'aux seigneurs, c'est-àdire aux propriétaires de fiefs ou aux nobles. Depuis, dans les temps où nous sommes arrivés et par un contraste naturellement contagieux, elle est tombée du domaine de la riche bourgeoisie

dans celui du prolétaire et du braconnier. Les extrêmes se touchent. C'est de la chasse de plus et du travail de moins.

Suivant la diversité des temps, les lois humaines changent. Les decrets du 11 août 1789 ayant donné au pays des mœurs, des habitudes, une constitution nouvelle et fait prévaloir d'autres intérêts, ont fait surgir aussi une législation différente, proclamé que le droit de chasse est inhérent au sol, et attribué à tout possesseur indistinctement le droit de détruire ou faire détruire sur son fond toute espèce de gibier, sauf à se conformer aux lois de police qui pourraient être faites relativement à la sûreté publique. De là le goût de la chasse s'est tellement répandu en France, qu'il y est devenu passion générale, impérieuse, et en quelque sorte dominante. Depuis le sceptre jusqu'à la houlette, depuis le grand seigneur jusqu'au plus humble artisan, tous la recherchent, tous y prennent part avec un infatigable empressement, parce qu'on y trouve gloire, plaisir et utilité. Le dernier de ces avantages est pourtant le moindre..

Quand la chasse se fait avec équipage et meute de chiens courants, on l'appelle chasse à bruit ou chasse royale. On y force le gibier tel que cerf, daim, chevreuil, sanglier.

Moins fructueuse et plus accessible à la petite propriété, on l'appelle chasse à courre.

On distingue les grosses bêtes en fauves, en noires, en rousses (carnassières ou puantes).

Les fauves sont les cerfs, daims, chevreuils ainsi que leurs femelles et faons.

Les noires sont les sangliers et marcassins.

Les rousses sont les loups, renards, blaireaux, putois, fouines, etc.

Les bêtes fauves et noires composent la grande venaison.
Les lièvres et lapins sont le menu gibier à poil.

L'occupation est une manière d'acquérir la propriété en vertu du droit naturel et des gens, par la prise de possession d'une chose qui n'appartient à personne, dans l'intention d'en deve

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nir propriétaire. Dans l'ordre des idées, ce mode d'acquisition est le premier de tous la chasse est libre à tous les hommes ; mais successivement les priviléges de la propriété et le droit civil de chaque nation ont apporté à cette liberté primitive et indéfinie des restrictions que le temps a consacrées, parce qu'elles étaient commandées par l'intérêt général de la société. Aussi, dès le commencement de la monarchie, nos souverains éprouvant le besoin de donner une attention particulière à la conservation des forêts qui leur étaient propres, ou dont la jouissance leur avait été concédée comme biens de l'état, établirent un maître veneur, appelé depuis GRAND VENEUR. Il était choisi parmi les principaux officiers de la maison du roi. Sous sa direction et ses ordres furent placés divers agents forestiers préposés à la conservation des bois et à la garde du gibier. Ce mode d'administration s'est perpétué jusqu'à nos jours sous différentes qualifications et modifications.

Les animaux sauvages vivant et se reproduisant dans leur état de liberté naturelle et illimitée, n'appartiennent évidemment à personne, n'étant nullement en la possession ni à la disposition du propriétaire de la terre sur laquelle ils se trouvent ; car il ne les possède en aucune façon pendant le temps qu'ils s'y trouvent, à la différence des pigeons de colombier, qui, ne jouissant que d'une liberté restreinte, et conservant l'habitude d'aller et de venir, appartiennent au maitre du lieu où ils ont coutume de gîter. La possession n'a lieu à leur égard qu'alors qu'étant passés définitivement dans un autre colombier, ils ont perdu l'esprit de retour.

Ainsi les animaux sauvages sont rangés parmi les choses qui appartiennent au premier occupant; et la chasse, qui comprend tous les moyens de s'en emparer par force, par ruse, ou par adresse, est le titre d'occupation en vertu duquel le chasseur en acquiert la propriété.

Celui donc qui prohibe la chasse sur son terrain, n'étant pas propriétaire du gibier qu'il défend d'y poursuivre, le chasseur qui s'en empare, malgré la défense, acquiert le droit de

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