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dépopulation des animaux non malfaisants qui constituaient une véritable ressource pour l'alimentation.

Le lièvre et la perdrix, seuls gibiers qui nous restent de tant d'autres, cherchent en vain des lieux tranquilles, l'obscurité d'un bois touffu, et voient chaque jour détruire les genêts, l'aubépine, les genevriers, la bruyère et les coudriers hospitaliers qui leur offraient un refuge contre leurs nombreux et formidables ennemis. Il ne leur reste dans nos maigres campagnes que des végétaux agrestes, sans verdure et sans accroissement, qu'une nature hideuse et mourante; que de vastes champs, solitude absolue où le vent souffle avec fureur, où l'humble arbrisseau se tourmente sur sa tige flexible, et où ils demeurent sans abri contre les ardeurs brûlantes de la canicule, les rigueurs austères de l'hiver, les neiges et les frimats; ils ne trouvent plus enfin qu'une terre morte et pour ainsi dire écorchée par les

vents.

La loi des Chinois, qui ne permet de tuer une bête que lorsqu'elle est parvenue à la grosseur ordinaire de son espèce, est tout-à-fait conforme aux intérêts de la reproduction du gibier et au droit naturel. On doit en dire autant de celle qui, en France, défend la pêche avec des filets dont les mailles seraient trop étroites pour laisser échapper les petits poissons.

En Allemagne, il est seulement permis de tuer les mâles de certaines espèces d'animaux, et celui qui tue, notamment, la femelle du faisan est condamné à des peines sévères.

Le gibier non malfaisant pour les récoltes est une richesse pour le pays, un accessoire souvent important de la propriété ; et la faculté de chasser se loue comme la terre elle-même, quelquefois même à des prix proportionnellement supérieurs à la ferme.

L'économiste prévoyant et politique ne peut donc que regretter profondément les funestes dévastations qui furent imposées à nos forêts jadis si belles, si vastes, si riches pour le présent, si rassurantes pour l'avenir.

Les grandes classes se sont établies, d'abord, dans les vastes forêts et les terres incultes des pays froids. Les fourrures furent le premier costume de tous les peuples d'origine celtique, voilà pourquoi le trop crédule Hérodote, en parlant des Sythes, qui prenaient des peaux d'ours et de marthe durant l'hiver et s'en dépouillaient au printemps, a écrit sérieusement qu'ils se changeaient en bêtes une fois par an.

Les Francs et les autres peuples germaniques ont fait un grand cas de la chasse, et l'ont poussée jusques aux dernières finesses, n'épargnant ni la peine ni la dépense. C'était l'exercice habituel et presque l'unique occupation de la noblesse, quand elle n'était pas à la guerre. Souvent les seigneurs allaient passer dans les forêts des semaines entières avec leurs feudataires et les officiers de leur maison, chassant tout le jour, et la nuit dormant sous la tente ou sous la ramée.

Eustache Deschamps ne voyait que quatre objets dignes d'occuper la vie des nobles jaloux d'acquérir de l'honneur : la guerre, les tournois, la chasse, et les voyages. L'on croyait même que la chasse était agréable à Dieu, suivant ces vers

Que Dieu lui pardoint ses deffaux,

Car Moult aima chiens et oiseaux.

La fauconnerie, qui est une invention de nos pères, était l'art de gouverner certains oiseaux, et de leur apprendre à saisir dans les airs la proie du chasseur. Le faucon était le plus habile de ces oiseaux; il devint cher à la noblesse qui considérait le droit de le posséder comme une prérogative. Souvent le poing sur lequel il reposait était couvert d'un gant brodé de perles et de pierreries. Les seigneurs n'épargnaient rien et se privaient même des choses les plus nécessaires afin de satisfaire leur goût immodéré pour ce genre d'exercice. Louis XI, qui était très-avare, devenait prodigue quand il s'agissait des dépenses de sa chasse: Il ne refusait rien à ses braconniers et à ses fauconniers qui faisaient son déduit.

Le faucon fut tellement en honneur dans les temps anciens, que la loi qui permettait au seigneur fait prisonnier de donner

rablement plus grands que les nôtres. Si l'on en croit Sélincourt, auteur du Parfait Chasseur, on les entendait à plus de deux lieues à la ronde. Les corneurs devaient entremêler les sons de ce bruyant instrument de langages plaisants propres à animer les chiens, et à diriger leur instinct sur les traces des bêtes.

Ces chasses déjà si magnifiques par l'appareil et la dépense des seigneurs, le devinrent davantage encore par quelques institutions et usages de chevalerie. Telle était, par exemple, la chasse au cerf blanc, fête célèbre donnée par les rois et les grands princes qui, seuls, pouvaient subvenir aux frais de pareils amusements. Lorsqu'après des recherches pénibles on avait trouvé un cerf blanc, dont l'espèce est très-rare, on le lançait dans une forêt, au lever du soleil; les chevaliers montaient sur leurs palefrois aux douces allures; après eux venaient les dames, montées sur belles haquenées, portant sur le poing mignonnement engantelé, un épervier, ou un laneret, ou un émérillon. Celui qui frappait le premier le cerf blanc, avait le droit de choisir une dame ou demoiselle entre toutes celles de la cour, et de lui donner un baiser.

Cette chasse au cerf blanc eut lieu plusieurs fois en France et en Angleterre. Elle eut lieu même encore dans le siècle dernier, en Allemagne. En 1748, le duc de Bavière donna ce divertissement à sa cour.

Le comte de Sancerre consacra sa passion pour la chasse dans l'institution de l'Ordre du Lévrier.

L'on croira sans peine, d'après ce que nous venons de dire des plaisirs de la chasse, que les anciens seigneurs se soient montrés singulièrement jaloux de s'en réserver exclusivement la jouissance.

Evidemment, ceux qui ont le droit de chasser ne peuvent en user que conformément aux lois, et ils n'y sont maintenus qu'avec les restrictions que le législateur a jugé convenable d'y mettre, dans un intérêt de conservation et de sûreté publique. Vainement aurait-il le pouvoir de commander et de défendre,

s'il n'avait également celui de faire exécuter ce qu'il prescrit. Il faut donc à toute disposition prohibitive ou restrictive une sanction pénale.

Les lois principales qui régissent actuellement la police de la chasse sont:

Les ordonnances des mois de juin 1601 et juillet 1607; le titre 30 de l'ordonnance des eaux et forêts de 1669, et la loi du 3 mai 1844.

Les décrets des 30 avril 1790, 11 juillet 1810 et 4 mai 1812 sont abrogés.

Les divers réglements aujourd'hui en vigueur, savoir :

1o. Les ordonnances de 1601, 1607 et 1669, modifiées par la loi du 3 mai 1844, réglementent seulement les propriétés de la couronne;

2o. La loi du 3 mai 1844 est applicable aux délits de chasse commis sur quelques propriétés que ce soit, et même sur celles de la couronne, en ce qui touche les poursuites et les peines. Quant à l'exercice du droit de chasse, les dispositions de cette dernière loi ne sont pas applicables aux propriétés de la couronne; c'est-à-dire que toute personne ayant droit ou permission de chasser dans les propriétés qui forment la dotation de la liste civile, peut s'y livrer, en tout temps, sur tout gibier et sans permis délivré par le préfet ; les propriétés de la couronne étant assimilées à un terrain attenant à une maison habitée ou servant à l'habitation et entourée d'une clôture continue faisant obstacle à toute communication avec les héritages voisins; terrain dans lequel, aux termes de l'article 2 de la loi du 3 mai 1844, tout propriétaire ou possesseur, quel qu'il soit, peut chasser ou faire chasser en tout temps sans permis de chasse.

Il est convenable de produire ces ordonnances et ces lois, puisqu'elles ont pour objet et doivent avoir pour résultat d'éclairer les particuliers sur leurs droits, les jurisconsultes sur les intérêts de leurs clients, et les magistrats sur leurs décisions.

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