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Cet article établit en principe que nul ne pourra chasser, même sur sa propriété, si la chasse n'est pas ouverte, et s'il ne lui a pas été délivré de permis de chasse par l'autorité compétente. Il modifie l'ancienne législation, en ce qu'il exige, pour tous les procédés et moyens de chasse, le permis de l'autorité, qui n'était exigé par le décret du 4 mai 1812, que pour la chasse au fusil; et afin de qualifier ce permis d'une manière qui en indique la portée, il lui donne le nom de permis de chasse, au lieu de celui de permis de port d'armes de chasse, sous lequel le décret de 1812 le désignait.

Pour être fidèle à la pensée de la loi, il faut entendre le mot chasse dans le sens le plus général, et l'appliquer sans distinction à la recherche et à la poursuite de tout animal sauvage ou de tout oiseau C'est ainsi, au surplus, que ce mot a été entendu par la Cour de Cassation, même sous l'empire de la législation de 1790 et de 1812. Il en résulte que, quelque soit l'animal saurage ou l'oiseau que l'on chasse, et s'il s'agit d'animaux de passage, quels que soient le moyen et le procédé de chasse dont on soit autorisé à se servir, un permis de chasse est nécessaire.

ART. 2.

Le propriétaire ou possesseur peut chasser ou faire chasser en tout temps, sans permis de chasse, dans ses possessions attenant à une habitation et entourées d'une clôture continue faisant obstacle à toute communication avec les héritages voisins.

Le permis de chasse est obligatoire partout ailleurs que dans les possessions attenant à une habitation et entourées d'une clôture continue.

La chasse en tout temps, dans les terres closes et dans les bois, permise avant la loi nouvelle, n'est autorisée par la loi de 1844 que dans les terres closes tenant à une habitation. Cette exception était commandée par le respect dû au domicile, et aussi parce que, dans ce cas, le gibier appartient évidemment au propriétaire du sol où il vît constamment à ses dépens, et où il devient incontestablement sa chose.

Le projet de loi du gouvernement contenait le mot dépendant d'une habitation; la commission y a substitué le mot attenant qui fut adopté après discussion. D'où il résulte que, si l'enclos dépend d'une habitation, mais s'en trouve séparé, la chasse ne peut y étre prâtiquée en tout temps ni sans permis de l'autorité préfectorale. Si on l'eût autorisée dans des terrains clos non-attenants à une habitation, on eût provoqué la rapide destruction du gibier, dans les pays où tous les terrains sont clos par des haies vives, et où, par conséquent, les agents de l'autorité ne pourraient jamais poursuivre les chasseurs. C'est aux tribunaux à décider, suivant les circonstances, si tel terrain doit être réputé clos el attenant à une habitation, et si tel autre est du domaine public.

L'exception au principe général posé dans l'article premier, introduite par cet article 2, est beaucoup plus restreinte qu'elle ne l'était sous l'empire de la loi du 30 avril 1790. Cette dernière loi permettait au propriétaire ou possesseur de chasser en tout temps dans ses bois et dans celles de ses possessions qui étaient séparées des héritages voisins par des murs ou des haies vives, lors même qu'elles étaient éloignées des habitations. Dans certains départements, où presque tous les champs sont clos de haies, l'exception détruisait la règle; d'un autre côté, on a reconnu que la chasse dans les bois à l'époque de la réproduction du gibier était aussi nuisible que la chasse en plaine. On a senti la nécessité de limiter l'exception autant que possible; elle n'est donc accordée que pour les possessions attenant à une habitation, et il faudra encore que ces possessions soient entourées d'une clôture continue formant obstacle à toute communication avec les héritages voisins.

Les termes employés pour désigner la clôture doivent appeler et fixer l'attention. Les expressions les plus fortes ont été choisies à dessein pour bien

faire comprendre qu'il ne s'agit pas ici d'une de ces clôtures incomplètes comme on en rencontre beaucoup dans les campagnes, mais d'une clôture non interrompue et tellement parfaite, qu'il soit impossible de s'introduire, par un moyen ordinaire. dans la propriété qui en est entourée.

Les modes de clôtures ne sont pas les mêmes dans toute la France; ils sont très-nombreux et varient à l'infini suivant les localités. C'est pour ce motif qu'il a paru nécessaire de ne pas indiquér dans la loi un genre de clôture plutôt qu'un autre, et de se contenter d'une définition qui serve de règle aux tribunaux.

ART. 3.

Les préfets détermineront, par des arrêtés publiés au moins dix jours à l'avance, l'époque de l'ouverture et celle de la clôture de la chasse, dans chaque département.

La détermination des époques d'ouverture et de clôture de la chasse est subordonnée aux époques des récoltes, et, par conséquent, aux diverses phâses de la végétation. Il a fallu conserver aux préfets le droit de régler définitivement et sous leur responsabilité, l'époque d'ouverture et de clôture de la chasse, afin qu'elles fussent convenablement appropriées aux exigences de l'agriculture.

Il peut y avoir inconvénient à ouvrir la chasse trop tard. Les contraventions se multiplient et les poursuites ne paraissent plus basées sur les intérêts de l'a-' griculture. Bien que la loi porte que les époques d'ouverture et de clôture seront fixées dans chaque département, le préfet n'en conserve pas moins le droit de fixer des époques différentes pour les divers arrondissements du dépar tement; mais il faut n'user de cette faculté qu'avec réserve; car il arrive que les chasseurs se portent en grand nombre dans l'arrondissement ou l'ouverture de la chasse est la plus précoce et que tout le gibier est promptement détruit.

ART. 4.

Dans chaque département il est interdit de mettre en vente, de vendre, d'acheter, de transporter et de colporter du gibier, pendant le temps où la chasse n'est pas permise.

En cas d'infraction à cette disposition, le gibier sera saisi, et immédiatement livré à l'établissement de bienfaisance le plus voisin, en vertu, soit d'une ordonnance du juge de paix, si la saisie a eu lieu au chef-lieu de canton, soit d'une permission du maire, si le juge de paix est absent, ou si la saisie a été faite dans une commune autre que celle du chef-lieu. Cette ordonnance ou cette autorisation sera délivrée sur la requête des agents ou gardes qui auront opéré la saisie, et sur la représentation du procès-verbal régulièrement dressé.

La recherche du gibier ne pourra être faite que chez les aubergistes, chez les marchands de comestibles, et dans les lieux ouverts au public.

Il est interdit de prendre ou de détruire, sur le terrain d'autrui, des œufs et des couvées de faisans, de perdrix et de cailles.

C'était vers la répression de la chasse, ou pour mieux dire du braconnage, en temps prohibé, que devaient principalement se diriger les efforts du législateur pour arriver à son but qui est de veiller à la conservation du gibier et de défendre l'agriculture en respectant les droits de tous.

LOIS

:

Les braconniers ne tuent le gibier que pour le vendre le moyen le plus efficace pour arrêter leur ardeur, est de les empêcher de tirer profit du gibier qu'ils détruisent. Il est défendu à toute personne d'en acheter sous peine d'amende et d'emprisonnement. Cette prohibition de la vente et de l'achat du gibier est tirée des ordonnances de 1515 et 1669: elle avait été confirmée depuis, par plusieurs réglements. La mise en vente, la vente, le colportage et le transport du gibier en temps prohibé, témoignent évidemment qu'il y a eu infraction à la loi. Le vendeur ou colporteur, s'il n'est pas auteur du délit, s'en rend sciemment complice et dès-lors devient passible des mêmes peines. L'efficacité de cette mesure est évidente. Si l'on n'achete pas, les braconniers ne vendront plus, et par conséquent ne tueront plus.

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La loi ne punit pas seulement le colportage ou vente du gibier au domicile de l'acheteur; elle punit encore le transport du gibier, parce que le transport est, le plus souvent, une tentative de vente. Le mot transporter ne se trouvait pas dans le projet ; il y a été ajouté par amendement et après discussion, pour étendre la prohibition. M. le Garde-des-Sceaux combattit cette proposition, par la raison que la loi permettant au propriétaire de chasser dans les enclos tenant à son habitation, elle ne peut pas lui interdire le droit de transporter le gibier qu'il aura tué, et de le faire porter chez ses amis. Mais M de Mornay répondit : Le privilége accordé au propriétaire de terrains clos et attenants à une habitation, ne l'a été que par nécessité. La chambre n'a adopté la disposition » qui le consacre, que par respect pour le domicile et, en quelque sorte, > parce qu'elle ne pouvait faire autrement; pour être conséquente, elle doit » le restreindre autant que possible, et prévenir tout moyen d'éluder la loi. ■ Sur ces observations, la défense de transporter le gibier a été jointe à celle de le colporter.

Pour assurer la conservation du gibier de plume, il est défendu de détruire ou d'enlever les nids et couvées d'oiseaux, de quelque espèce que ce soit, et de prendre les œufs de caille, de perdrix ou de faisans. Prendre les œufs de ces oiseaux, enlever ou détruire leur nids, c'est, évidemment, une manière de détruire ce gibier.

Le projet de loi portait, outre l'interdiction de prendre ou de détruire les œufs et les couvées de faisans, de perdrix et de cailles, la défense de les vendre et colporter; mais ces deux mots ont été retranchés par la chambre des députés. Ainsi, il est défendu de prendre, sur le terrain d'autrui, des œufs et couvées, mais il n'est pas défendu d'en colporter et d'en vendre. En effet, l'on sait qu'il en est introduit en France, beaucoup venant de l'étranger: interdire de les colporter et de les vendre eût été contre le but de la loi qui tend à la multiplication du gibier en France.

Cet article mérite une attention particulière à cause des innovations graves qu'il introduit dans la législation, et des mesures efficaces qu'il prescrit pour prévenir et réprimer le braconnage:

Sous la législation antérieure, quoique la chasse fût interdite pendant une partie de l'année, le commerce du gibier était permis en tout temps; les braconniers, trouvant toujours à se défaire du produit de leurs délits, exercaient leur coupable industrie dans toutes les saisons. Le paragraphe premier de cet article 4 détruira leur industrie. Il défend la mise en vente, la vente, l'achat, le transport et le colportage du gibier, dans chaque département, pendant le temps où la chasse n'y est pas permise. Ses termes sont impératifs, absolus. Ils s'appliquent au gibier vendu, acheté, transporté, quelle qu'en soit l'origine. Celui qui usera du droit exceptionnel de chasser en temps prohibé, sur son terrain, attenant à une habitation et entouré d'une clôture continue, n'aura, pas plus que tout autre, la faculté de vendre ou de transporter du gibier. On a pensé que lui accorder cette faculté, c'eût été donner à d'autres le moyen d'éluder la loi ; c'eût été rendre illusoires toutes les prohibitions contenues dans l'article 4.

Le gibier d'eau et les oiseaux de passage pourront être vendus et transportés

pendant le temps où la chasse en sera permise par les arrêtés des préfets, lors même que cette chasse et conséquemment la vente et le transport du gibier ordinaire seraient interdits.

La saisie du gibier mis en vente, vendu, acheté, colporié ou transporté en temps prohibé, ne présentera ni difficultés, ni inconvénients dans son exé. cution. Pendant le temps où la chasse n'est pas permise, ils constituent toujours nécessairement une infraction à la loi. L'excuse, même celle qui serait fondée sur la provenance légitime du gibier, né sera jamais admissible.

Le paragraphe trois de cet article a limité les lieux où le gibier pourra être recherché, aux maisons des aubergistes, des marchands de comestibles, et aux lieux ouverts au public.

Le droit de recherche, ainsi limité, a pu être accordé sans danger aux fonctionnaires chargés de constater les infractions à cet article 4. En effet, le gibier qui sera découvert en temps prohibé, dans les auberges, chez les marchands de comestibles, dans les lieux ouverts au public, ne pourra jamais s'y trouver que par suite d'un délit.

ART. 5.

Les permis de chasse seront délivrés, sur l'avis du maire et du sous-préfet, par le préfet du département dans le,uel celui qui en fera la demande aura sa résidence on son domici e.

La délivrance des permis de chasse donnera lieu au paiement d'un droit de quinze francs au profit de l'état, et de dix francs au profit de la commune dont le maire aura donné l'avis énoncé au paragraphe précédent.

Les permis de chasse seront personnels; ils seront valables pour tout le royaume, et pour un an seulement.

Le permis de chasse est délivré par le préfet qui peut le refuser, sauf le recours de l'impétrant auprès du ministre de l'intérieur, s'il n'est pas accordé. Cet article introduit divers changements et innovations qui ont pour but d'entourer la delivrance des permis de chasse de plus de garanties, et d'intéresser les corps municipaux à la répression de l'exercice illicite de la chasse.

Aujourd'hui, le permis de chasse entraîne le droit de port d'armes. La substitution du permis de chasse au port d'armes, paraît peu importante au premier abord: cependant les conséquences légales en sont notables, ainsi qu'on le remarquera dans les articles suivants. L'obtention du permis de portd'armes abaissait sensiblement l'amende pour délit de chasse en temps prohibé, car il ne restait plus que le fait de chasse; aujourd'hui la distinction a disparu, et, avec elle, la division du délit. Maintenant, il ne saurait y avoir, comme précédemment, deux délits celui de port d'armes sans permis, et celui de chasse. Il n'y a actuellement qu'un seul délit, celui de chasse sans le permis de l'administration.

:

Le port-d'armes était soumis au droit de quinze francs : Le coût du permis de chasse est de vingt-cinq francs, dont quinze au profit de l'état, comme précédemment, et dix au profit de la commune. Cette dernière attribution déterminera les corps municipaux à une exacte surveillance, puisqu'ils ne pourraient tolérer la chasse sans permis, qu'en privant leur commune des produits que lui assure la loi nouvelle.

Le concours simultané du maire, du sous-préfet et du préfet, à la délivrance du permis de chasse, offre une garantie demandée depuis long-temps. L'impossibilité où sont les préfets de connaître convenablement la moralité et la position sociale de tous leurs administrés, avait souvent pour résultat, la délivrance de port-d'armes à des individus qui s'en faisaient une facilité de braconnage élevé en quelque sorte à l'état légal. Les avis préalables du maire et du sous-préfet éclaireront l'administration. Si le maire refuse sans cause

Jégitime, le sous-préfet assez rapproché du réclamant pour apprécier convenablement sa position, fera obstacle à ce qu'il soit injustement privé de l'exercice de la chasse par le simple vouloir du maire.

Désormais, le permis de chasse sera valable pour tout le royaume. Précédemment, il ne l'était que pour le département où il avait été délivré ; pour chasser ailleurs, il fallait préalablement obtenir l'agrément et le visa du préfet des diverses localités.

Le permis de chasse est valable pour un an comme l'était le port-d'armes. Il ne peut être délivré que par le préfet de la résidence ou du domicile du requérant. Cette prescription est la suite des précautions prises par la loi, pour qu'il n'en soit accordé qu'aux personnes bien connues pour ne devoir point en faire un mauvais usage.

C'est au maire que la demande de permis de chasse doit être adressée pour qu'elle parvienne au préfet avec l'avis de ce fonctionnaire par l'intermédiaire du sous-préfet. Recommandation est faite de ne délivrer des permis qu'à ceux qui justifieront positivement de leur résidence ou de leur domicile. L'avis des sous-préfets ou maires au préfet doit, 40 lorsqu'il est favorable, exprimer qu'il n'est pas à la connaissance de ces fonctionnaires que l'impétrant se trouve dans aucune des catégories pour lesquelles le permis ne pourrait être délivré ; el 2o si l'avis est défavorable, ils doivent exprimer que l'impétrant se trouve dans telle ou telle position qui fait obstacle à la délivrance d'un permis de chasse. Les sous-préfets et maires n'ont pas à s'occuper de savoir si l'impétrant est ou n'est pas propriétaire-foncier.

ART. 6.

Le préfet pourra refuser le permis de chasse :

1o A tout individu majeur qui ne sera point personnellement inscrit, où dont le père ou la mère ne serait point inscrit au rôle des contributions.

2o A tout individa qui, par une condamnation judiciaire, a été privé de l'un ou de plusieurs des droits énumérés dans l'article 42 du code pénal, autres que le droit de port-d'arme. 3° A tout condamné à un emprisonnement de plus de six mois, pour rebellion ou violences envers les agents de l'autorité. 4° A tout condamné pour délit d'association illicite, de fabrication, débit, distribution de poudre, armes ou autres munitions de guerre; de menaces écrites ou de menaces verbales avec ordre ou sous condition; d'entraves à la circulation des grains; de dévastation d'arbres ou de récoltes sur pied, de plants venus naturellement ou faits de main d'homme.

5 A ceux qui auront été condamnés pour vagabondage, mendicité, vol, escroquerie ou abus de confiance.

La faculté de refuser le permis de chasse aux condamnés dont il est question dans les paragraphes 3, 4 et 5, cessera cinq ans après l'expiration de la peine

Il était nécessaire, a dit M. le Garde-des-Sceaux, de laisser aux préfets la faculté de refuser le permis, afin de faire disparaître le scandale qui résultait de la délivrance de permis à des individus qui, d'après l'attestation des maires et sous-préfets de leur localité, en sont indignes, soit à cause de leurs mœurs, soit parce qu'ils n'ont pas de propriété, ni la permission de chasser sur les terres d'autrui. On assure la suppression du braconnage, par le droit conféré à l'autorité, de se porter juge de la concession qu'elle peut faire ou ne pas

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