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si le droit auquel le défunt à renoncé cessait de lui appartenir; ainsi on comprend difficilement qu'un arrêt ait été nécessaire pour décider que la renonciation du défunt à une pension alimentaire promise pour subvenir à ses besoins par l'un de ses successibles, ne donne pas lieu au rapport si elle intervient après que ces besoins ont cessé ('). Mais il en serait autrement si les aliments avaient été promis sans restriction, c'est-à-dire même pour le cas où le défunt n'en aurait pas eu besoin (2).

2760. Parmi les renonciations soumises à rapport doivent être rangées les remises de dettes (3).

C. Paiements de dettes et versements ou travaux faits pour

cessible.

le

suc

2761. Il y a encore libéralité indirecte, lorsque le défunt a payé dans une intention libérale les dettes de son cessible; il l'a, en effet, enrichi d'autant à ses propres dépens. C'est l'hypothèse prévue par l'art. 851 in fine (*).

Nous examinerons plus tard si le rapport est dû dans le cas où la dette ne fournissait aucune action contre l'héritier débiteur (3).

2762. Les sommes versées à une tontine pour un successible sont également rapportables; mais on ne peut obliger l'héritier à rapporter tout le profit qu'il a retiré de la tontine (*).

Il y a de même libéralité indirecte sujette à rapport si le

Cass. req., 11 janv. 1897, D., 97. 1. 473. Guénée, Note, 1. 473.

Guénée, loc. cit.

-

Cass. req., 24 nov. 1858, S., 59. 1. 614, D., 59. 1. 133. - Paris, 8 mai 1833, D. Rep., vo Faillite, n. 343. · Duranton, VII, n. 309; Demolombe, XVI, n. 360 et 457; Aubry et Rau, VI, p. 627, § 631, note 23; Laurent, X, n. 611 et 640; Huc, V, n. 370; Thiry, II, n. 203; Fuzier-Herman, art. 819, n. 33 et art. 843, n. 33 s.; Vigié, II, n. 341; Le Sellyer, III, n. 1408; Planiol, III, n. 2255 et 2304. V. cep. infra, n. 2784.. Pour les remises déguisées sous forme de quittances, V. infra, n. 2790.- Pour les remises par concordat, V. infra, n. 2966.

(*) Paris, 14 janv. 1853, P., 53. 1. 165, D., 53. 5. 391 (paiement de salaires). Vigié, II, n. 341; Planiol, III, n. 2256. Pour le paiement sans intention libérale, et les questions communes aux deux hypothèses, V. infra, n. 2954 s.- Pour les dettes payées en intérêts, V. infra, n. 2829.

(5) V. infra, n. 2954 s.

(*) Gand, 7 mars 1872, Pasicr., 72. 2. 242.

Cpr. infra, n. 2807 et 2811.

défunt a fait immatriculer ses valeurs au nom de son héritier (1), ou s'il a, au nom de son successible, fait des versements à la caisse d'épargne (2).

Il est bien entendu que le rapport n'est pas dù si le défunt a lui-même retiré les sommes déposées (3).

Il y a encore libéralité indirecte si le défunt achète des valeurs ou des immeubles pour le compte de l'héritier (*), ou s'il paie le prix d'une acquisition faite par ce dernier (3), ou lui fait des avances gratuites (6).

2763. Il y a encore libéralité si e défunt fait gratuitement des constructions sur l'immeuble de l'héritier (7).

La libéralité n'existe alors que jusqu'à concurrence de la plus-value (8).

D. Cautionnements et engagements solidaires.

2764. Le cautionnement consenti à titre gratuit en faveur du débiteur peut contenir une libéralité indirecte au profit de ce dernier (*). La libéralité naîtra quand la caution aura payé la

(1) Trib. civ. Fontainebleau, 12 mai 1887, Fr. jul., 87. 2. 299. (*) Orléans, 2 août 1890, D., 91. 2. 209. auteur voit là une libéralité directe).

(3) Orléans, 2 août 1890, précité.

Huc, V, n. 350 (c'est à tort que cet

() Merlin, Rép., vo Rapport à succ., § 3, n. 17; Duranton, VII, n.344; Grenier, Tr. des donations, III, n. 519; Chabot, art. 843, n. 24; Demolombe, XVI, n. 338; Laurent, X, n. 609. - V. aussi Lebrun, liv. III, ch. VI, sect. 3, n. 12; Pothier, Tr. des successions, ch. IV, art. 11, § 2. — Pour le montant du rapport, v. infra, n. 2910 s.

(5) Agen, 13 juin 1831, S., 31. 2. 203, D. Rép., vo Succ., n. 1107. Toulouse, 15 décembre 1832, D: Rép., vo Succ., n. 1136. Limoges, 30 déc. 1837, D. Rep., vo Succ., n. 1132. — Bruxelles, 12 juillet 1815, Pasicr., 15. 439. — Liège, 11 nov. 1828, D. Rép., vo Succ., n. 1136. Bruxelles, 14 août 1849, Pasicr., 52. 2. 120.— Laurent, X, n. 609; Fuzier-Herman, art. 843, n. 79. Pour le montant du rapport, v. infra, n. 2910 s.

(*) Cass. req., 25 mars 1902, D., 1903. 1. 535.

(7) Demolombe, XVI, n. 337 bis. - V. aussi Pothier, Tr. des succ., ch. IV, art. 22, § 2 et Cout. d'Orléans, sur l'art. 280, note 1.

(8) Demolombe, loc. cit.

-

(*) Cass. req., 4 mars 1872, D., 72. 1. 319.— Trib. civ. Liège, 7 janv. 1896, Pas., 96. 3. 95. Demante, III, n. 187 bis, IV et V; Demolombe, XVI, n. 358; Aubry et Rau, VI, p. 626, § 631, note 21; Hureaux, IV, n. 84; Laurent, X, n. 612; Massé et Vergé, II, p. 402, note 12; Troplong, Tr. des don., III, n. 1080, et Tr. du cautionn., n. 14; Pont, Tr. des petits contr., II, n. 19; Le Sellyer, III, n. 1423.— Sur le cautionnement fourni en garantie d'une charge, v. supra, n. 2745.

dette. Mais il n'y a pas de libéralité tant que la dette n'est pas payée, puisque la caution ne s'est pas appauvrie ('). Aussi ne peut-on pas obliger le débiteur à rapporter décharge du cautionnement (2), et cela même si l'héritier cautionné est en faillite (3) ou si des poursuites sont dirigées contre lui (*).

Si le cautionnement est consenti en faveur du créancier, le débiteur n'en doit pas le rapport (5); mais il en est autrement du créancier (6). Le rapport n'aura pas lieu si la dette existe encore, ou plutôt il consistera dans l'impossibilité pour le créancier d'exiger de ses cohéritiers le paiement de la dette ().

L'engagement contracté solidairement avec l'héritier dans l'intérêt de celui-ci peut également donner lieu au rapport dans les mêmes conditions que le cautionnement (8).

E. Stipulations pour autrui. Assurances sur la vie.

2765. Il y a libéralité indirecte dans l'hypothèse prévue par l'art. 1121 C. civ., c'est-à-dire lorsqu'on a « stipulé au profit d'un tiers » comme « condition d'une stipulation que l'on fait pour soi-même ou d'une donation que l'on fait à un autre ». Le tiers bénéficiaire de cette stipulation doit rapporter le profit qu'il en a retiré à la succession du stipulant (*); il en est ainsi même si le profit porte sur un bien

') Trib. civ. Liège, 7 janvier 1896, précité.

Merlin, Quest., vo Transfert, §1; Grenier, op. cit., III, n. 515; Vazeille, art. 843, n. 19; Rolland de Villargues, v Rapp. à succ., n. 17; Troplong, loc. cit.; Massé et Vergé, loc. cit.; Ponsot, Tr. du caut., n. 23 s. - Cpr. en matière de réduction, Cass., 5 avril 1809, S. chr. Contra Pont, Tr. des petits contrats, II, n. 19; Demante, Aubry et Rau, loc. cit.; Laurent, X, n. 612; Fuzier-Herman, art. 843, n. 60; Hureaux, loc. cit.; Le Sellyer, loc. cit. Dans le même sens Basnage, Coul. de Normandie, art. 369.

2) Mêmes auteurs.

n. 61.

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Contra Orléans, 29 mai 1845, P., 45. 2. 478. Fuzier- Herman, art. 843,

($) Cass. req., 29 déc. 1858, S., 59. 1. 209, D., 59. 1. 102. S., 44. 2. 80, D. Rép., vo Succ., n. 1210.

-

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- Demolombe, XVI, n. 359; Laurent X, n. 362; Baudot, Note, S., 59. 1. 209; Gauthier, Note, P., 60. 861. - FuzierHerman, art. 843, n. 62 s.; Le Sellyer, III, n. 1424.

(*) Paris, 21 déc. 1843, précité.

(7) Paris, 21 déc. 1843, précité.

Amiens, 21 oct. 1891, Rec. d'Amiens, 1893, p. 30.

Demolombe, XVI, n. 356 et les auteurs cités à la note suivante.

appartenant au promettant et transmis par lui au bénéficiaire (').

2766. L'application la plus pratique du rapport d'une libéralité répondant à l'art. 1121 est relative aux assurances sur la vie.

On sait que si l'assurance sur la vie a été contractée au profit d'une personne déterminée, la jurisprudence en justifie la validité par l'application de l'art. 1121 C. civ.; c'est une stipulation pour autrui, qui fait naître un lien direct entre l'assureur et le tiers bénéficiaire.

Nous tenons cette solution comme acceptée; il en résulte que le rapport est dû (2).

On objecte à tort que la libéralité est prise sur les fruits et que les libéralités prises sur les fruits ne sont pas rapportables (3). Rien ne démontre que les primes soient prises sur les fruits. En admettant même le contraire, les libéralités prises sur les revenus n'échappent pas au rapport, ce sont les libéralités portant sur les revenus qui y sont soustraites.

La jurisprudence faisait en général porter le rapport sur le montant total de l'assurance, c'est-à-dire sur la somme touchée par l'assuré (). Cependant une opinion très répandue

(1) Delvincourt, II, p. 40, note 2; Demante, III, n. 187 bis, III; Demolombe, XVI, n. 357; Hureaux, IV, n. 84; Le Sellyer, III, n. 1422.

(*) Gerbault et Dubourg, Code des dr. des époux, n. 127 et 122; de Montlue, Des assur, sur la vie, p. 175 s.; Patinot, Rev. prat., 1869, p. 49 s.; Fuzier-Herman, art. 843, n. 65; Brissaud, Rec. de l'Académie de législ. de Toulouse, XXXIX, 189091, p. 312; Vigié, II, n. 345; Wahl, Note, S., 1900. 2. 1 et Rev. trim. dr. civ., 1902, p. 20 s. - V. les notes suivantes.

(3) Trib. civ. Seine, 3 avril 1897, Droil, 22 mai 1897. Couteau, Assur. sur la vie, II, p. 543 s.; de Caqueray, Rev. prat., XVI, p. 203; Herbault, Assur, sur la vie, p. 228; Dumaine, Du contrat d'assur. sur la vie (2o éd., 1892), n. 67; Boistel, Nole, D., 89. 2. 155. · Cpr. Paris, 23 juill. 1898, S., 1900. 2. 1 (qui parait donner

cette solution).

(*) Cass. civ., 8 fév. 1888, S., 88. 1. 121, D., 88. 1. 109. - Besançon, 15 déc. 1869, S., 70. 2. 201, D., 70. 2. 95.

--

D., 78. 1. 429. Rouen, 6 26 nov. 1878, D., 79. 2. 152.

Besançon, 24 janv. 1876, sous Cass., S., 76. 1. 400, fév. 1878, S., 78. 2. 272, D., 78. 2. 189. Paris, Douai, 14 fév. 1887, S., 88. 2. 49, D., 87. 2. 136. Amiens, 8 mai 1888, S., 88. 2. 117. - Agen, 25 mai 1893, D., 95. 2. 513. — Ruben, de Couder, Dict, de dr. comm., vo Assur. sur la vie, n. 106; Chavegrin, le Droit du 4 nov. 1888; Labbé, Noles, S., 89. 1. 98 et S., 89. 2. 122; X..., Note, S., 88. 1. 121; Paulmier, Rev. prat., LII, p. 100; Huc, V, n. 351; Fuzier-Herman, art. 843, n. 65; Vigié, II, n. 345; Planiol, Note, D., 93. 1. 401; Charmont, Rev. crit., XXVI, 1897, p. 337 s.; Binet, Dr. successoraux du conjoint survivant, Rev. d'enreg., 1897,

ne fait porter le rapport que sur le montant des primes versées par le défunt (') et c'est cette théorie qui vraisemblablement l'emportera.

Dans une autre opinion les primes ne sont rapportables que si elles ont été prises sur les capitaux (2). Ce système est inadmissible (3), car, comme nous l'avons dit, les libéralités prises sur les revenus n'échappent pas au rapport. Du reste, il est, en fait, généralement impossible de savoir si une somme a été prise sur les capitaux ou sur les revenus; s'il y a excédent des dépenses faites sur les revenus, cet excédent sera-t-il réputé s'appliquer aux primes ou à telle autre dépense de l'année?

Peu importe aussi que les primes aient été versées non pas au bénéficiaire, mais à l'assureur. Pour qu'il y ait rapport, il n'est pas nécessaire que le donataire ait reçu l'objet même dont le donateur sera dépouillé; ainsi le vendeur qui fait verser le prix à un tiers est donataire de ce tiers, bien qu'il se soit dépouillé de l'immeuble et non du prix.

Il n'est pas possible non plus d'admettre, avec certains auteurs (), que les primes soient rapportables dans le cas

Rouen, 29 mai

p. 577; Vigié, Rev. crit., 1901, p. 211 s. - Cpr. Aix, 20 mars 1888, S., 89. 2. 17 (qui prononce le mot de rapport, mais concerne la réduction). 1897, S., 1900. 2. 1 (réduction).

Montpellier, 15 déc. 1873, S., 74. 2. 81, D., 74. 2. 101.

1887, Journ. des assur., 1887, p. 133.

Rép., Suppl., vo Succ., n. 801. — Nancy,

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Paris, 23 juin 1893, S., 1900. 2. 1.

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Bourges, 8 mars

Bourges, 7 mai 1888, S., 89. 2. 16, D., 3 juill. 1889, Rec. Nancy, 1888-89, p. 270. Paris, 10 janv. 1900, S., 1904. 2. 105.

-

Naquet, Note, S., 89. 2. 17; Flurer,

Dubois, Journ. des assur., 1888, p. 230.Rev. crit., 1889, p. 324; Dareste, Rapport sous l'arrêt du 8 fév. 1888; Vibert, Tr. de l'assurance sur la vie, p. 161; Dupuich, Notes, D., 92. 2. 153 et D., 95. 2. 513; Boistel, Note, D., 89. 2. 155; Gerbault et Dubourg, Code des dr. des époux, n. 135; de Montluc, op. cit., p. 176; Baudry-Lacantinerie, Note, D., 93. 2. 185; Wahl, Note, S., 1900. 2. 1. et Rev. trim. dr. civ., 1902, p. 29 s. Cpr. Amiens, 4 août 1898, S., 1901. 2. 11, qui paraît nier le rapport d'une manière absolue, mais ne s'applique en réalité qu'au capital. Nous croyons trouver la même doctrine dans les motifs de Cass. civ., 29 juin 1896, S., 96. 1. 361, D., 97. 1. 72. L'arrêt écarte en fait le rapport des primes parce que le demandeur en rapport n'était pas cohéritier; il dit que pour contraindre le bénéficiaire au rapport des sommes versées à titre de prime, il aurait fallu que le demandeur pût invoquer la qualité de cohéritier.

Naquet, Nole, S., 89. 2. 17.

2. Wahl, Nole, S., 1900. 2. 1.

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