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Salut! Le voyageur sur la proue avancé,

Bien au-delà du flot soudain s'est élancé.

Pour lui dans ses foyers quel doux accueil s'apprête !
Il court, se précipite, et chaque objet l'arrête:
Incertain, il voudroit dans son empressement,
Tout chercher, tout revoir en un même moment.
Enfin, du seuil connu franchissant la barrière,
Il retrouve une épouse èt peut-être une mère;
Leur bouche, en se hâtant, commence cent discours
Que leurs embrassemens interrompent toujours ;
Sans doute il a souffert sur des plages lointaines,
Mais ce jour de bonheur a compensé ses peines,

Bientôt, dans la retraite occupant son repos,
Sa mémoire préside à d'utiles travaux :
Il trace avec candeur l'imposante peinture
De tout ce qu'à ses yeux révéla la nature,
Il décrit à la fois les objets et les lieux,
Les êtres inconnus vivans sous d'autres cieux;
Du sauvage ignorant, l'activité stérile;
De l'homme policé, la constance fertile ;
Et sage observateur, peintre exact et précis,
Il reproduit le globe en ses vastes récits.
Bien plus, sa main versant des semences fécondes,
Enrichit nos guérets des moissons des deux Mondes;
Par lui des fruits nouveaux croîtront dans nos vergers,
Nos arts s'associront à des arts étrangers;
Une heureuse industrie animera nos villes,
Et suivant, à sa voix, des routes plus faciles,
Le commerce, agrandi pour les peuples divers,
Va, de sa chaîne d'or, embrasser l'Univers.

PREMIÈRE lettre de M. CouSINERY, ancien Consul-général de France dans la Macédoine, à M. ROSTAN, membre de l'Académie de Marseille (1), sur l'Inscription de Rosette,

DÉIFICATION DE PTOLÉMÉE V,
SURNOMMÉ ÉPIPHANE.

JE

E vais vous entretenir, mon cher ami, non de ces grecs célèbres, dont nous avons parcouru ensemble les belles contrées; mais de ces Macédoniens qui, transportés après les conquêtes d'Alexandre sur les rives fécondes du Nil, avec les dieux de leur patrie, eurent la sagesse d'adjoindre à leur culte national, celui des divinités indigènes, et de respecter

(1) M. ROSTAN a voyagé long-temps dans la Grèce, et c'est un des plus habiles connoisseurs dans la science des médailles; il a donné dans ce Journal une excellente Dissertation sur une médaille intéressante et inédite du roi Brogitarus, ann. iv, t. v, p. 46ò. Il est malheureux qu'il néglige une science qu'il pourroit cultiver, ainsi que l'Histoire naturelle, avec tant de succès; mais il en est détourné par les soins qu'il donne constamment aux établissemens de bienfaisance, et l'abandon de ces études chéries, est le plus généreux sacrifice que son ame noble et sensible puisse faire à l'amour de l'humanité. A. L. M.

des usages et des rits, que la religion antique y avoit consacrés. Je vais vous parler aussi des prêtres de cette religion, qui après avoir perdu le droit d'élire leurs rois, surent conserver celui de les déifier, tandis que ceux de la Grèce ne l'obtinrent jamais. C'est en un mot sur l'inscription de Rosette, sur ce précieux monument historique, découvert -pendant le cours de la conquête de l'Egypte, que je vais vous donner quelques nouveaux éclaircissemens, dignes peut-être d'attirer votre attention.

Continuer ainsi nos conversations sur l'antiquité, c'est me rappeler le fruit que j'ai retiré de vos judicieuses observations sur les lieux mêmes; et le plaisir de m'en rappeler, est un nouveau voyage que j'entreprends avec vous.

La découverte importante du monument de Rosette, ne pouvoit manquer de fixer l'attention des savans de l'Europe; ceux de Londres, où se trouve cette inscription, ceux de Stockholm, de Goettingue, et surtout ceux de notre capitale s'en sont le plus occupés, et s'ils ont laissé quelque chose à desirer à leurs explications, ce qui arrive ordinairement dans de premiers essais, ce ne pourroit être un motif d'aténuer le mérite de leurs recherches, ni d'affoiblir la reconnoissance publique que je fais gloire de partager.

Je suis certain que votre illustre ami, d'Ansse de Villoison, mon ancien hôte à Thessalonique, que tant de regrêts ont suivi dans le tombeau, vous envoya l'année dernière, un exemplaire des trois

lettres (2) qu'il écrivit sur cette inscription, à son savant ami, M, Akerblad. Je ne doute pas que vous n'ayez apprécié le mérite de ces lettres ainsi que celui des savantes recherches de M. Ameilhon sur le même monument, et que ces ouvrages n'ayent flatté votre goût et stimulé votre penchant pour la belle antiquité.

Vous aurez reconnu combien cette inscription, composée en langue hiéroglyphique ou sacrée, en langue copte ou ægyptienne, et en langue grecque, enrichit par des détails curieux l'histoire de la dynastie des Lagides, en remplissant quelques lacunes dans le grand nombre de celles qui excitent nos regrets au sujet de cette histoire. Vous vous ressouviendrez que ce précieux monument est divisé en trois parties; que la première fait mention du roi Ptolémée Ve, surnommé Épiphane, alors règnant (3), du prêtre Aétès, fils d'Aétès (4), qui desservoit le temple d'Alexandre, où il paroît qu'il avoit le droit d'assembler des grands-prêtres, des prêtres et d'autres ministres du culte répandus dans toutes les parties de l'Egypte; que ce même Aétès étoit aussi prêtre des rois apothéosés qui avoient regné dans le même pays après Alexandre, jusques à Ptolémée Philopator inclusi

(2) Ces trois lettres, dont l'auteur distribua quelques exemplaires à divers amis, sont insérées dans le Magasin Encyclòpédique. La première, dans le 8e. tom., pag. 70, avec un supplément à la pag. 378; la seconde la troisième, au tom. 116., pag. 274 et 313.

(3) Bariλiver7o5. (4) Aé78 78 Ai7.

vement, ainsi que des Reines leurs femmes aussi apothéosées, dont les autels étoient plus particulièrement desservis par des prêtresses qui figurent

avec Aétès.

Vous n'aurez pas oublié que la seconde partie exprime d'une manière aussi étendue qu'emphatique, tous les droits qu'avoit le prince à la reconnoissance publique par ses bienfaits envers ses peuples, et par sa piété envers les dieux ; et que la troisième comprend le décret que tout le corps hiérarchique prononce, sans le concours d'aucune magistrature civile, pour établir des honneurs divins à rendre annuellement au même roi, comme nouveau dieu ou nouveau bon génie de l'Egypte.

Vous aurez pu observer que les savans qui ont commenté ce décret, n'ont pas suffisamment distingué la cérémonie du sacre de Ptolémée V d'avec celle de sa déification; de sorte qu'on seroit tenté de croire, d'après leurs observations, que cette dernière solemnité se trouve réunie naturellement à la première, tandis qu'en effet elle n'en fut qu'un accessoire accidentel. Je ne rapporterai à ce sujet que la troisième lettre de Villoison. Ce savant ne fait pas connoître le vrai motif du dé→ cret. « C'est ainsi, dit-il, qu'on voit dans l'ins»cription de Rosette que la fête et la solemnité » de Ptolémée Epiphane foglý xai aryugis, dura cinq » jours ». On pourroit demander d'après ce passage, si le savant auteur des lettres à M. Akerblad a voulu parler du couronnement ou de la déifition, ou bien s'il a entendu que ces deux so

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