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déjà la chute de l'empire, et annonçoit le terme d'une religion avilie.

Il est d'autant plus important de remarquer la différence qui existe entre la déification et l'apothéose, que cette différence nous est clairement démontrée par l'histoire. Ne voyons-nous pas le même héros, le même prince, mis au rang des Dieux de son vivant, ensuite honoré de l'apothéose après sa mort? cetre dernière consécration confirmoit la divinisation : la déification devançoit l'apothéose, mais elle ne pouvoit l'assurer. Caligula, Domitien et d'autres empereurs dépravés et méchans, se firent rendre de leur vivant un culte égal à celui des dieux, mais le sénat refusa de décréter leur apothéose, tant étoit exécrée la mémoire de leurs vices et de leurs cruautés. « Nisi homini deus placuerit, dit Tertulien, deus non erit; homo jam deo propitius esse, debebit (21). »

TRISTAN DE SAINT-AMAN, auteur encore cité,

(21) Une anecdote très-curieuse sur la déification, peut trouver ici sa place. M. DE GUIGNES, digne fils du célèbre Académicien de ce nom, à son retour de la Chine, où il a séjourné dix-huit ans, lut, il n'y a pas long-temps, à la 3e. classe de l'Institut, quelques observations critiques sur le Voyage à la Chine de M. BARROW en 1794. J'ai remarqué dans son Mémoire, qui est imprimé, le passage suivant : « Nous vîmes à > Hrang-Tchou, sur le lac Sy-Hrou, une pagode qui contenoit 500 Dieux : l'empereur Kien-Long alors vivant, étoit de ce nombre. On doit croire que cette déification étoit avan> tageuse à la pagode, car elle étoit dans le meilleur état. » On reconnoîtra que le mot apothéose eût été déplacé dans cet exposé.

à cause de sa profonde érudition et auquel le temps où il écrivoit, fait pardonner les erreurs numismatiques dans lesquelles il est tombé, avoit senti la nécessité d'admettre une distinction entre la déification et l'apothéose; aussi emploie-t-il quelquefois le terme de canonisation pour exprimer la consécration des empereurs romains.

Y a-t-il rien en effet de plus analogue? L'une et l'autre de ces solemnités marquent l'admission aux célestes demeures de ceux qu'un décret religieux y place, après avoir déterminé le culte qui leur est dû. L'habitude et peut-être le besoin de l'imitation, ne pouvoient manquer de faire adopter, après la chute de l'idolâtrie, un usage qui, en édifiant les fidèles, les encourage à la pratique des vertus chrétiennes. Rome ancienne apothéosoit ses empereurs après les avoir trouvés dignes d'être placés parmi les Dieux : Rome moderne admet dans les cieux, les martyrs et les ames pieuses après un jugement rigoureux.

L'analogie entre la déification et la béatification, est encore admissible, si l'on considère que ces deux actes religieux n'appartiennent pas à la généralité de la croyance. Une ville de la Grèce déifioit un de ses concitoyens, ou tout autre personnage qui lui paroissoit mériter cet honneur, sans qu'il y eût réunion générale des Grecs, pour admettre le culte qui lui étoit accordé par ceux qui le déifioient. A Rome, un empereur déifié, n'étoit avoué pour Dieu que par ceux qui redoutoient son indignation; aujourd'hui un corps

religieux est autorisé par le pape à invoquer un béatifié ; mais sans les formes légales de la canonisation, il ne peut être inscrit dans le rituel.

Nous pouvons dire aussi, sans craindre d'outrer une métaphore, que nous divinisons les grands hommes par des honneurs publics; que nous adorons leur bienfaisance; qu'on les déifie journellement en multipliant leurs images, et que l'histoire se charge de leur apothéose. C'est ainsi que notre religion et nos mœurs n'ont fait que modifier les formes de cette vénération que les peuples sont toujours portés à accorder aux grands talens et aux grandes vertus.

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Disons qu'Alexandre dès ses premiers exploits fut divinisé dans le cœur de ses soldats et dans l'esprit des Grecs de l'Asie, dont il paroissoit réellement le sauveur ZOTHP; que ce sentiment provoqua sa ΣΩΤΗΡ; déification; et que Ptolémée Ic. célébra son apo

théose.

Disons que Jules-César se divinisoit en accréditant son affiliation avec Anchise et Vénus; que la crainte autant que l'adulation le déifièrent; et qu'Auguste, qui ambitionna beaucoup les honneurs divins, obtint son apothéose.

Disons enfin que Ptolémée v, dont l'inscription de Rosette célèbre les vertus, étoit réputé de race divine par sa descendance d'Hercule; que les prêtres réunis à Memphis décrétèrent sa déification; mais qu'on ignorera peut-être encore longtemps, s'il reçut, ainsi que ses ancêtres, les honneurs de l'apothéose.

Telles sont, mon cher philologue, les observations préliminaires dont l'inscription de Rosette et les commentaires que divers savans en ont faits, m'ont paru susceptibles; elles sont bien longues pour une lettre ; mais je serai justifié à cet égard, si elles vous font naître le desir d'en connoître la suite: ce seroit un signe de l'approbation qu'ambitionne de vos lumières celui qui yous estime autant qu'il vous aime.

C...

A. M. A. L. MILLIN, Membre de l'Institut et de la Légion d'honneur, Professeur d'Archæologie, etc.

MONSIEUR,

LE Magasin Encyclopédique est un ouvrage à la fois trop instructif et intéressant pour qu'un auteur ne cherche pas à y éclaircir ce qui s'y trouveroit d'obscur sur une de ses productions. Celle pour laquelle j'ai l'honneur de vous écrire, a pour titre Découverte de l'Orbite de la Terre, qui fut annoncée, dans ce même Journal de Sciences, en septembre 1806; et sur cet objet, M. J DELALANDE donna une note en février 1807. Je voulus lui faire toucher au doigt les erreurs de cette même note, par une lettre explicative que je Tui écrivis le 16 mars. Les papiers publics m'ayant bientôt après fait connoître la mort de cet astronome; je vous prie, monsieur, de vouloir bien faire insérer dans le Magasin Encyclopédique, les observations sui

vantes.

1° Loin de rejeter l'excentricité, mon ouvrage prouve par tout que la découverte est dépendante d'elle; et que d'après ce premier principe, la loi de l'excentricité est commune à tous les globes de la sphère céleste;

2.o Je n'ai point fait le cercle de l'écliptique très-grand, puisqu'il est en rapport aux calculs

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