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commerce, à son heureuse situation, et à l'activité de ses habitans. Les établissemens de luxe et d'utilité publique y sont nombreux : il faut lire dans l'ouvrage même la description d'une ville aussi importante. M. Millin en fait un juste éloge, et cite les noms des hommes à qui elle a donné naissance et qui se sont distingués dans les lettres ou dans les arts.

Ce premier volume finit à Lyon. Nous donnerons dans un autre extrait l'analyse du second volume, qui comprend le voyage de l'auteur depuis cette ville jusqu'à Nice.

T. D.

Tome III. Juin, 1807.

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SUPPLÉMENT à la NOTICE sur l'Abbé PORQUET, et indication de quelques Auteurs anonymes.

J'ai lu avec un vif intérêt, la Notice historique sur l'abbé Porquet, publiée dans le Magasin Encyclopédique (1). J'aime assez qu'on s'occupe à rappeler à notre mémoire ces légères réputations, dont le souvenir fuit et échappe en quelque sorte à notre reconnoissance. Si l'abbé Porquet ne fut pas doué d'un esprit éminent, il eût du moins le mérite de polir avec succès, toutes les bagatelles qu'il écrivit. Le biographe anonyme, qui a recueilli quelques anecdotes et plusieurs de ses poésies, a témoigné le regret de n'avoir pu nous offrir une moisson plus ample: pour le faire, ila feuilleté les Almanachs des Muses, les Etrennes, etc.; mais il semble avoir ignoré que l'abbé Porquet, dans ses dernières années, s'amusoit à signer ses pièces fugitives, le Petit Vieillard, trait caractéristique bon à faire connoitre; et ce qui prouve qu'il ne le savoit pas, c'est qu'il n'a cité aucune des pièces signées de cette manière, excepté celle sur les Longueurs, qu'il a pu trouver dans la Correspondance de Laharpe. Ces jolis vers furent adressés, par l'auteur, à une de ses nièces ; mais

Je ne crois pas que la chanson:

Il faut dire en deux mots,

(1) Avril 1807.

soit de l'abbé Porquet; je l'ai toujours entendu attribuer à madame la marquise de Boufflers; je pense qu'elle lui appartient; mais peut-être je me trompe. Quoiqu'il en soit, voici sur le même sujet comment s'excusoit notre poëte, en terminant une très-longue lettre adressée à une dame qui aime les ouvrages courts:

Aux lois de votre goût on en revient sans cesse.
Bien écrire ne suffit pas.

Il faut écrire peu : tout dire est mal-adresse:
L'abondance, dans un repas,

Vaut-elle la délicatesse ?

A vos conseils, aux miens, si je manque un moment,' C'est bien moins une erreur qu'une ruse innocente. Je cherche à mon ennui quelque adoucissement : Tant que je vous écris, vous n'êtes point absente. Ce madrigal est plein de délicatesse. L'auteur estimable qui me fournit l'occasion de vous faire cette lettre, a rapporté les stances adressées à un ministre qui promettoit toujours. Cette lenteur du cardinal de Brienne, à accorder à l'abbé, une grace qu'il lui faisoit espérer, donna lieu à cette saillie :

Pauvre, malade et vieux, irai-je encor poursuivre
Ce fantôme d'espoir que vous daignez m'offrir?
Ah! monseigneur, faites-moi vivre

Un moment avant de mourir.

Et il ajouta peu de jours après cette boutade intitulée la Méprise.

Trop séduisante illusion,
Hélas! qu'êtes-vous devenue?
J'attendois une pension;

C'est la goutte qui m'est venue,

Chaque ligne que je transcris, n'ajoute-t-elle pas quelque trait au tableau déjà tracé avec habileté, , par votre collaborateur? Encouragé par cette croyance, je continue. Trois dames lui proposèrent des bouts-rimés; voici comment l'abbé Porquet les remplit après y avoir long-temps réfléchi:

Mesdames, j'aime encor; je suis donc encor jeune ;
Sans cesse après vos cœurs, mon cœur court au galop.
Depuis le temps que ce cœur jeûne,

Trois cœurs pour lui ne sont pas trop.

Il fut plus modeste dans une autre occasion presque semblable ; ayant reçu une missive remplie de proverbes, et écrite en sept articles différens, par sept femmes, il leur répondit :

Par pitié! moins d'honneurs, moins de bontés, mesdames!
N'excitez plus un feu qui malgré moi s'éteint:

Je n'ai point dans un jour ma réponse à sept femmes;
Qui trop embrasse, mal étreint.

Composons, s'il vous plaît ; tant de gloire me gêne.
Accordez-moi du temps, chacune aura son tour;
Mais à marcher trop vite, on se met hors d'haleine.
Autrefois j'eusse écrit un volume en un jour :

Je ne me permets plus qu'un billet par semaine.

On a déjà dit qu'il avoit eu à supporter beaucoup de railleries; mais il avoit une grande patience. Ayant reçu une plaisanterie anonyme, qu'il supposoit être d'une femme, il risposta:

Je suis un peu gourmand, vous me le reprochez.
Par un vice plus gai, j'obtiendrai votre estime.
Est vicieux qui peut, ô mon cher anonyme !
Mais je n'ai plus, hélas, le choix de mes péchés.

L'abbé Porquet auroit pu dire avec Lafon

taine :

Les longs ouvrages me font peur.

Il ne célébra la fête d'une Suzanne, que par ces quatre vers malins :

Parlons raison, et trève aux épigrammes !
L'exemple seul des mœurs est le soutien ;
Depuis Susanne, on a vu quelques femmes
A des vieillards résister assez bien.

Voilà sans doute beaucoup de galanteries pour un abbé; changeons de langage: au bas du portrait du savant et très-aimable La Condamine, il plaça cette inscription:

Son ame fut active et sa raison profonde :

On respecta ses mœurs ainsi que ses écrits;
Ses loisirs l'ont placé parmi les beaux-esprits,

Et ses travaux, au rang des bienfaiteurs du monde.

L'abbé Porquet mourut en 1796, et son ami nous a laissé pressentir que sa mort n'avoit pas été naturelle. Il avoit une philosophie trop cruelle et presque toujours funeste à ceux qui la professent! Fatigué d'un entretien qui rouloit sur une question métaphysique, il s'écria:

Docteur, j'admire en vain ta science profonde;
Pour me persuader, fais-moi sentir ou voir :

Croire n'est rien, si ce n'est concevoir;

Hors de mes sens, pour moi finit le monde.

Quel aveu! et malheureusement il étoit bien pénétré de cette maxime épicurienne ; il répondit à quelques réfléxions sur les dégoûts et les chagrins de la vie :

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