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tretenir avec les moindres habitans, sourire à la foule qui se pressoit autour d'eux, et déployer une familiarité noble, une curiosité à laquelle nous n'étions plus accoutumés, et un air de satisfaction et d'allégresse qui se communiquoient rapidement. Ils ne sentoient pas, ceux-là, le besoin de se relever en affectant de l'arrogance et de l'orgueil, et on ne pouvoit assez s'étonner de voir l'union, la confiance, la cordialité, la joie, régner dans cette marche qui eût pu être si funeste à la capitale, et être marquée par la terreur, le sang et le pillage. Qui a amené ces souverains des extrémités du monde ? qui leur a prescrit cette honorable alliance et ce concert si noble et si rare? qui leur a inspiré cette clémence magnanime et si peu méritée? qui a éteint subitement la foudre qu'ils portoient? qui leur a dicté ces belles paroles : L'Europe en armes attend votre choix et vos vœux? Voilà ce qui nous sollicite plus puissamment d'adresser les plus vifs remercîmens à l'auteur de tout bien, au souverain maître des cœurs, à celui dont les rois exécutent les décrets éternels, et qui juge les peuples dans sa miséricorde.

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Ce bienfait signalé de la Providence n'étoit que prélude d'un autre bienfait qui doit être vivement senti, et qui le sera universellement. Cette entrée des troupes alliées, et ce triomphe de leurs magnanimes souverains, n'étoit qu'une préparation à une autre entrée et à un autre triomphe. La France, veuve de ses rois,

étoit, depuis plus de vingt ans, livrée à toutes le agitations des partis. Victime tour à tour de l'anarchie et du despotisme, successivement en butte aux fureurs populaires et à la rage des conquêtes, elle avoit vu le plus pur de son sang couler, tantôt sur des échafauds, tantôt dans des combats sans cesse renaissans. Fatiguée de ces secousses, versant des larmes amères sur la perte de ses enfans, elle appeloit de tous ses vœux un gouvernement sage et doux, qui substituât la modération à la force, les lois à l'arbitraire, la justice à la violence, la paix à un état de guerre permanent, qui sentît le besoin du repos, de la stabilité, de l'ordre, et qui fit cesser ces agitations perpétuelles, ces inquiétudes, ces variations, et surtout cette effroyable consommation d'hommes que chaque année voyoit en voyer à la boucherie, et qui portoit le deuil dans les familles, la solitude dans les campagnes, l'épouvante dans toutes les classes. Tous les souvenirs se reportoient sur cette famille ancienne qui avoit donné à la France tant de rois, et à laquelle nous devions saint Louis et Henri IV; sur cette famille que ses malheurs rendoient encore plus intéressante et plus chère, et que le ciel sembloit tenir en réserve pour l'amener à notre secours quand le temps marqué dans ses décrets seroit enfin arrivé. Aussi, à peine un prince de cette maison reparut-il sur le sol françois, que tous les regards se tournèrent vers lui. La marche victo

rieuse des alliés seconda ces dispositions, et à leur suite, nous avons vu entrer dans nos murs un héritier de nos anciens rois. Quel beau jour que celui qui le rendoit à la France et qui nous rendoit à lui ! Après vingt-cinq ans d'absence, il rentroit dans cette capitale, théâtre de tant d'événemens, souillée de tant de crimes, rougie de tant de sang. Quelles durent être ses pensées en revoyant ces lieux d'où il avoit été arraché par nos dissentions, et vers lesquels son cœur et ses regards s'étoient sans cesse reportés dans son exil! Aussi son émotion étoit visible. Ses larmes perçoient à travers les effusions de sa joie, et son cœur étoit partagé entre de tristes souvenirs et de riantes espérances. Pour la capitale, elle étoit livrée à la plus vive allégresse. On ne pouvoit assez se rassasier du plaisir de voir enfin un prince françois avec ses manières affables, sa physionomie ouverte et franche, sa grâce chevaleresque, son air et ses habitudes nationales, si je puis parler ainsi. On s'apercevoit bien qu'il étoit né parmi nous, et qu'il avoit nos mœurs, notre caractère, et comme une ressemblance de famille. Chacun croyoit reconnoître en lui un parent, un ami, et il a dû être content des témoignages de joie et d'enthousiasme qu'il a recueillis partout sur sa route. Son premier soin a été d'aller rendre hommage au Dieu qui frappe et guérit, qui perd et ressuscite ; et les amis

de la religion l'ont vu avec intérêt prosterné aux pieds

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des autels, remercier avec larmes le souverain arbitre de toutes choses, qui avoit ménagé son retour dans sa patrie. Nous ne pouvons mieux terminer ces réflexions qu'en unissant nos actions de grâces aux siennes, et qu'en bénissant tous la Providence, qui a préparé de si grands changemens, et qui les a exécutés en peu de jours.

En attendant que nous entrions dans quelques détails sur les affaires d'Italie, et sur la persécution suscitée au Saint-Siége, nous allons donner à nos Abonnés une pièce fort intéressante, et qui mérite de trouver place parmi les monumens de l'Histoire ecclésiastique. Elle est fidèlement transcrite du latin, que nous n'avons pu insérer ici.

A notre vénérable frère le cardinal Jean MAURY, évéque de Montefiascone et de Corneto, à Paris (1). Vénérable frère, salut et bénédiction apostolique. Il y a cinq jours que nous avons reçu la lettre par laquelle vous nous apprenez votre nomination à l'archevêché de Paris, et votre installation dans le gouvernement de ce diocèse. Cette nouvelle a mis le comble à nos autres afflictions, et nous pénètre d'un sentiment de douleur que nous avons peine à contenir, et qu'il est impossible de vous exprimer.

(1) On le trouve, en latin et en françois, chez le même libraire.

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Vous étiez parfaitement instruit de notre lettre aut cardinal CAPRARA (1), pour lors archevêque de Milan, dans laquelle nous avions exposé les motifs puissans qui nous faisoient un devoir, dans l'état présent des choses, de refuser l'institution canonique aux évêques nommés par l'empereur. Vous n'ignoriez pas que non-seulement les circonstances sont les mêmes, mais qu'elles sont devenues et deviennent, de jour en jour, plus alarmantes par le souverain mépris qu'on affecte pour l'autorité de l'Eglise; puisqu'en Italie on a porté l'audace et la témérité jusqu'à détruire généralement toutes les communautés religieuses de l'un et de l'autre sexe, supprimer des paroisses, des évêchés, les réunir, amalgamer, leur donner de nouvelles démarcations, sans en excepter les évêchés suburbicaires, et tout cela s'est fait en vertu de la seule autorité impériale et civile; (car nous ne parlons pas de ce qu'a éprouvé le clergé de l'Eglise romaine, la mère et la maîtresse des autres églises, ni de tant d'autres attentats). Vous n'ignorez pas, avons nous dit, et vous connoissiez, dans le plus grand détail, tous ces événemens; et, d'après cela, nous n'aurions jamais cru que vous eussiez pu recevoir de l'empereur la nomination dont nous avons parlé, et que votre joie, en nous l'annonçant, fùt telle que si c'étoit pour vous la chose la plus agréable et la plus conforme à vos vœux.

Est-ce donc ainsi qu'après avoir si courageusement et si éloqueminent plaidé la cause de l'Eglise catholique dans les temps les plus orageux de la révolution

(1)Du 26 août 1809.

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