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de ligne arrivant devant Boulogne, et y trouvant une armée de cent mille hommes avec dix mille chevaux, que pourra-t-elle faire? Combien de temps ne lui faudrat-il pas pour transporter en Angleterre les hommes, les chevaux et le matériel? Il lui faudra plus de dix voyages. Supposons à présent quarante vaisseaux de ligne arrivant devant Boulogne, et y trouvant cinq cents bâtiments, prames, péniches, chaloupes canonnières, armés ou sans canons, tous les objets d'artillerie, les hommes et les chevaux embarqués, prenant à son bord une partie des hommes que la flottille ne peut porter; voilà, dans peu de jours, toute l'expédition débarquée en Angleterre. Cela obligera donc l'Angleterre à avoir une armée de terre et à tenir en réserve une armée de mer. De tous les moyens qu'on peut proposer pour nuire à l'ennemi dans cette lutte, on n'en peut imaginer un moins dispendieux pour la France et plus désastreux pour l'Angleterre.

» ART. 9. Ayant fait ainsi connaître au ministre de la marine le rôle que je veux faire jouer à la flottille de Boulogne, je désire qu'il me propose les modifications nécessaires pour qu'elle atteigne mon but en me coûtant le moins possible.

>> Sur ce....

>> NAPOLÉON. »

CHAPITRE QUATRE-VINGT-DOUZIÈME.

OUVERTURE DE LA CAMPAGNE D'AUTRICHE.

Déclaration de Napoléon à Cobentzel. Proclamation de l'empereur François II; alliance des cabinets coalisés; disposition générale des esprits et de nos forces militaires en France, en Allemagne et en Italie. Invasion de la Bavière par l'Autriche. Conduite noble et ferme de l'électeur. - Articles du Moniteur écrits par Napoléon; ultimatum respectif échangé par Talleyrand et Cobentzel. Marche générale de nos troupes. Discours de Napoléon au sénat en lui annonçant la guerre. Sénatus-consultes pour l'organisation des forces militaires en

-

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Murat,

France. Arrivée de Napoléon sur le Rhin et passage de ce fleuve. véritable magister equitum. Proclamation de Napoléon. Mouvements des troupes françaises; passage du Lech; le dragon Marente. Combat de Wertingen; traits de bravoure. - Infatigable activité de Napoléon; il fait son entrée à Augsbourg, et Mack court s'enfermer dans Ulm.

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Les puissances étrangères avaient espéré que, se battant pour la gloire d'un homme, et non plus pour un principe, le soldat français serait moins ardent et moins audacieux; et que Napoléon, sorti du théâtre ordinaire de ses triomphes, ne réussirait pas dans les plaines riveraines du Rhin comme dans les vallées d'Italie. Elles se trompaient. Napoléon et les soldats sous ses ordres vont prouver à l'Europe consternée que, sous un chef digne de les conduire, les armées françaises sont invincibles.

Arrivé au château de Saint-Cloud, Napoléon fait venir l'ambassadeur d'Autriche, comte de Cobentzel, et lui demande une explication précise sur les armements de l'Autriche, sur ses projets hostiles. Cobentzel allègue

certaines mesures de précaution motivées par l'attitude belliqueuse de l'Empire, puis il se jette dans des protestations et des lieux communs auxquels l'Empereur coupe court en disant : « Vous menacez l'électeur de Bavière, mon allié fidèle; la violation de son territoire sera considérée par moi comme une déclaration de guerre. » Cobentzel s'incline et sort. Quelques jours après, on apprenait que l'empereur François II, par une proclamation datée du 3 septembre, annonçait officiellement vouloir recommencer la guerre. Le jour même où la reine de Naples avait signé avec la France un traité de neutralité, elle adhérait à la coalition et promettait d'opérer une diversion sur la Toscane, le Piémont et la Ligurie. L'archiduc Charles, auquel on donnait le jeune archiduc Jean pour adjoint, le baron de Zach pour quartier maître général, et le général Auffenberg pour lieutenant, allait opérer sur l'Adige et dans le Tyrol; Mack, désavantageusement connu par une campagne ridicule sur le territoire napolitain, commandait, sous l'archiduc Ferdinand, l'armée du Danube, où devait se rendre l'empereur en personne. Le roi de Suède, un corps russe sous Tolstoy, et le duc de Cambridge à la tête d'une armée mi-partie anglaise, allemande et hanovrienne, s'avançaient contre le Hanovre et la Hollande ; quelques régiments russes sortis de Corfou devaient occuper Venise, tandis que la flotte anglaise menacerait tout le littoral italien. La Prusse, demeurée neutre, prenait à notre égard une attitude menaçante, malgré son immobilité.

L'archiduc Charles avait cent mille hommes; mais la ligne qu'il occupait était immense, et les Italiens, ne témoignant aucune sympathie en faveur du cabinet de Vienne, le laissaient livré à ses propres ressources.

D'ailleurs, ils aimaient Eugène Beauharnais; ils lui savaient gré de froisser le moins possible les préjugés et les habitudes indigènes; ils se consolaient près de lui des leçons un peu rudes que leur donnait Napoléon, quand ce monarque faisait tomber de son trône des reproches comme ceux qui se trouvent formulés dans la lettre suivante, écrite du camp de Boulogne, le 11 août 1805:

« Monsieur le président Taverna, je reçois la lettre du 1er août, que vous m'écrivez au nom du Corps législatif. Les assurances de son attachement me sont d'autant plus agréables, que sa conduite pendant la session m'a démontré qu'il ne marchait pas dans la même direction que moi, et qu'il avait d'autres projets et un autre but que ceux que je me proposais. Il est dans mes principes de me servir des lumières de tous les corps intermédiaires, soit conseil des consulteurs, soit conseil législatif, soit Corps législatif, soit même des différents colléges, toutes les fois qu'ils auront la même direction que moi. Mais toutes les fois qu'ils ne porteront dans leurs délibérations qu'un esprit de faction et de turbulence, ou des projets contraires à ceux que je puis avoir médités pour le bonheur et la prospérité de mes peuples, leurs efforts seront impuissants, la honte leur en restera tout entière, et malgré eux je remplirai tous les desseins, je terminerai toutes les opérations que j'aurai jugées nécessaires à la marche de mon gouvernement et à l'exécution du grand projet que j'ai conçu de reconstituer et d'illustrer le royaume d'Italie. Ces principes, monsieur le président, je les transmettrai à mes descendants, et ils apprendront de moi qu'un prince ne doit jamais souffrir que l'esprit de cabale et de faction triomphe de son autorité; qu'un misérable esprit de légèreté et d'op

position déconsidère cette autorité première, fondement de l'ordre social, exécutrice du Code civil et véritable source de tous les biens des peuples. Lorsque les corps intermédiaires seront animés d'un bon esprit, suivront le même but que moi, je serai empressé de prêter l'oreille à leurs observations et de suivre leurs avis, soit dans la modification, soit dans la direction de ces vues. En finissant, monsieur, je ne veux vous laisser aucun doute sur la vérité de mes sentiments pour le grand nombre des membres du Corps législatif, dont je connais le mérite et le foncier attachement pour ma personne. Réunis en assemblée, ils n'ont point senti la légèreté qu'ils ont portée dans leurs opérations; mais j'espère qu'appréciant mieux l'ordre et le bonheur de la société, ils sentiront l'avantage de rester rangés constamment autour du trône, de ne marquer dans l'opinion que par leurs propres témoignages de fidélité et d'obéissance, et de ne point ébranler l'attachement des sujets par une opposition ouverte et inconsidérée. Sur ce, je prie Dieu qu'il vous ait en sa sainte garde. »

Le 7 du mois de septembre, l'avant-garde d'une armée de quatre-vingt mille Autrichiens traverse, à Burghausen, la Salza, passe l'Inn, et d'une part se dirige sur Landshut, d'autre part sur Munich, pour occuper ensuite les rives du Lech, que défendent deux forteresses redoutables, Landsberg et Friedberg. Préalablement, l'Empereur avait écrit au prince électeur MaximilienJoseph une lettre affectueuse pour le prier d'entrer dans la coalition; mais l'électeur s'y était noblement refusé, alléguant des motifs de gratitude et la présence de son fils près du monarque français. Ces scrupules ne furent point admis; le prince de Schwartzenberg, envoyé par l'empereur d'Autriche vers la cour électorale, exigea

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