Page images
PDF
EPUB

fi rudes? La gloire de Jefus Chrift CH. VI. eft de faire fervir au falut de l'hom- 9. III. me, fes plus grands ennemis, les efforts des démons, la rebellion de la concupifcence. C'eft le triomphe de fa grace de rendre un homme victorieux de l'enfer, du monde & de foi-même, malgré la loi du péché, & de lui faire faire le bien au milieu des plus violentes inclinations au mal.

III. C'eft ainfi qu'il a plû à Dieu de confondre l'orgueil des démons. Il a voulu exposer à ces ennemis fi puiffans & fi artificieux notre foibleffe, fans vouloir nous en délivrer entierement avant notre mort. Il nous laiffe expofés à toutes leurs tentations, & à tous leurs piéges. Et cependant un homme foible, fujet à la cupidité, environné de périls de tout genre, & violemment attaqué de toute part, recevant même fouvent de legeres bleffures, triomphe de tous ces. formidables ennemis, & en triomphe pendant le cours de plufieurs années par une grace qui demeure victorieufe au milieu de tant d'infirmités.

CH.VI. IV. Ceft encore ainfi qu'il a 5. III. plûau fouverain médecin de guérir l'homme de l'orgueil qui eft fa plus grande & fa plus dangereuse maladie; maladie fi cachée, que fouvent plus on en eft atteint, moins on la fent ; vice fi fubtil qu'il naît de la vertu même & de la victoire des autres vices, & quelquefois de la victoire de l'orgueil même; car lorfque l'homme paroît avoir en certaines occafions triomphe de fon orgueil;fon triomphe, s'il n'y prend garde, fait revivre cet ennemi & le fait triompher à son tour. Ecce vivo à quid triumphas? ideò vivo, quia triumphas. Maladie qui eft la fource de toutes les autres maladies; & la plus incurable de toutes, parce qu'elle eft la plus opposée à Dieu, & la plus indigne de fa grace. C'eft de cette maladie fi terrible que Dieu a voulu guérir ceux qui font à lui, par le fentiment de tant de foibleffes, de mileres, de tentations & de périls dont ils fe voient environnés durant tout le cours de cette vie. Illes tient toùjours comme fur le bord du précipice

cipice. Il permet même fouvent . III, que ceux qui lui font les plus fidelles, foient attaqués des tentations les plus horribles, & en cent manieres differentes, afin de les forcer en quelque forte à concevoir d'eux-mêmes des fentimens de mépris & d'horreur. Et par cette conduite admirable de fa fageffe & de fa bonté, il les guérit par les moyens mêmes qui paroiffent les plus contraires à leur falut; il leur fait fentir d'une maniere beaucoup plus vive jufqu'où leur propre corruption feroit capable de les porter, la dépendance & le befoin où ils font de fon fecours, & l'obligation de prier fans ceffe & de dire avec David (p): Si le Seignuur ne m'eût aidé, mon ame étoit toute prête à tomber dans l'enfer : Mais fije difois: Mon pied a été ebranlé; votre mifericorde, Seigneur, me foutenoit auf-tôt.

V. Tout ce qu'on vient de dire n'a jamais paru avec plus d'éclat

(p) Nifi quia Dominus adjuvit me, paulo. minus habitaffet in inferno anima mea. Si dicebam: Motus eft pes meus; mifericordia Domine, adjuvabat me, PJ. 93. 17, 18,

tua,

K

[ocr errors]

que dans la conduite que Dieu a tenue fur Saint Paul. Il avoit choifi cet Apôtre pour en faire un chef-d'œuvre de fa grace: il l'avoit deftiné pour porter fon nom devant les gentils, devant les Rois & devant les enfans d'Ifraël. Mais pendant qu'il l'éleve par l'éminence des vertus & des lumiéres dont il l'enrichit, il l'humilie par le fentiment le plus vif de fes miferes. Et c'eft Saint Paul lui-même qui nous inftruit de ce fecret fi élevé au-deffus de la fageffe humaine, après l'avoir lui-même ap pris de Jefus-Chrift. Il nous déclare que pour le garantir de l'enflure de l'orgueil & de la vanité (q), Dieu avoit permis qu'il reffentit dans fa chair nn aiguillon, qui étoit l'ange & lë miniftre de fatan, pour lui donner des foufflets. Il nous déclare qu'il avoit inftament prié le Seigneur, afin que cet

(1) Et ne magnitudo revelationum extollat me, datus eft mihi ftimulus carnis meæ Angelus fatanæ, qui me colaphizet. Propter quod Dominu rogavi ter ut difcederet à me: & dixit mihi: Sufficit tibi gratia mea; nam virtus in infirmitate perficitur. Libenter igitur gloriabor in infirmitatibus meis, ut inhabitet in me virtus Chrifti..... Cum enim.

4. III.

ange de fatan fe retirât de lui: & que CH. VI le Seigneur lui répondit; Ma grace vous fuffit; car ma puissance. Se fait plus paroître dans la foibleffe. Et il ajoute pour achever de nous confoler & de nous fortifier au milieu de toutes nos foibleffes & de toutes nos tentations : Je prendrai donc plaifir à me glorifier dans mes foibleffes, afin que la puissance de Jefus-Chrift réfide en moi; car lorsque je fuis foible, lorfque je fens vivement ma foibleffe, c'eft alors que je fuis fort.

VI. A Dieu ne plaife que nous aimions nos miferes, les tenebres de notre efprit, la corruption de notre cœur, & les tentations du démon; ce feroit un grand defordre. Haïffons-les, condamnons-les, gémiffons-en avec l'Apôtre; prions & fouvent & instamment le Seigneur de nous en délivrer. Mais s'il ne juge pas à propos de nous en délivrer en la maniere que nous le fouhaiterions, ne perdons point courage; continuons à prier, & il nous en délivrera d'une autre maniere, non en nous ôtant ces tentations qui nous perfecutent, infirmor, tunc potens fum. 2. Cor. 12.7.&c.

« PreviousContinue »