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§. VIII,

CHAP. I. mais dans eux-mêmes, dans leurs défiances & leurs peines; ils font » tout occupés de leurs maladies » & de leurs langueurs, & tou

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jours prêts à faire de grandes hiftoires de ce qui leur arrive » & de ce qu'ils fouffrent. Ils font » dans l'inquiétude jour & nuit. »Ils fe tourmentent & des maux » qu'ils fentent, & encore plus de ceux qui ne font point encore: » ils ne veulent point, felon la » regle de l'Evangile, qu'à chaque »jour fuffife fon naal; mais ils s'accablent encore par la crainte des chofes qui n'arriveront peur être jamais. Y a-t-il un tourment plus grand que celui-là ? > y a-t-il un enfer: plus infupportable? »

S. VIII.

Que cette tentation eft plus féduifante que toutes les autres, LLdirectement à des actions Es tentations qui portent

qui font manifeft ement mauvaifes, ne font pas les plus dangereufes. Leur malignité, qui eft

vifible, en donne même quelque CHAP. 1. horreur. Celles qui fe préfentent $. VIII. à l'efprit fous une apparence de piété, font beaucoup plus dangereufes pour ceux qui vivent dans la piété, parce qu'elles font beaucoup plus féduifantes, & que ces perfonnes n'apperçoivent pas les piéges que l'ennemi leur tend. Telles font les tentations qui attaquent l'efpérance. Cette tenta» tion, dit S. Bernard, eft la moins » aifée à découvrir, & la fource en eft plus cachée; mais elle eft de plus longue durée, & plus vio» lente que les autres, parce que » l'ennemi emploie tout ce qu'il a » de malice , pour attaquer notre

efpérance (m). »

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II. Il faut operer fon falut avec crainte & tremblement. Il faut toute fa vie pleurer les péchés paffés, travailler à fe corriger de fes fautes venielles, fe défier toujours de fa propre foibleffe, crain

(m) Nihil mirum fi fit minus aperta tentatio, ubi etiam caufa tentationis occulta. Cæterum & diuturnior & validior ipfa eft, quod adverfus fpem noftram quidquid habet malignitatis exerat inimicus. Bern, ferm. 14 in Pf. 90. n. 4.

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CHAP. I. dre les jugemens de Dieu, crain S. VIII. dre la profanation des Sacremens & l'abus des graces, s'abftenir de tout ce qui a l'apparence du mal: le nombre des élus eft très - petit ; perfonne ne fçait s'il eft digne d'amour ou de haine, &c. Ge font autant de vérités & de vérités mêmes capitales; mais Satan, qui fe transforme en Ange de lumiere, fe fert de ces vérités mêmes pour féduire les ames pieufes. Il les leur préfente détachées des autres vérités qui fervent à temperer celles-ci ; & en les leur propofant ainfi fans temperament, il les remplit de défiances, de frayeurs & de troubles; il leur rend tous les devoirs de la piété chrétienne infipides, amers & infupportables, & les porte enfin à les abandonner en tout ou en partie.

III. Le Démon ayant eu la hardieffe de tenter Jefus - Chrift, ne crut pas le pouvoir faire d'une maniere plus féduifante qu'en fe fervant pour cet effet des paroles mêmes de l'Ecriture, dont il fai foit une mauvaise application. C'eft

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IX.

le piege le plus ordinaire & le plus CHAP. I. artificieux qu'il emploie contre les ames pieuses. Il fe fert pour les féduire des vérités les plus faintes, mais qu'il applique mal, & felon fes deffeins. Ce font les tentations du démon du midi dont faint Bernard parle en expliquant le verfet fixiéme du Pfeaume 90, tentations qui font les plus à craindre pour les perfonnes de piété, parce que le venin en eft plus

caché.

§. IX.

On continue d'expliquer pourquoi cette tentation eft plus féduifante que les autres.

I.

1.L'de cœur eft le partage de tout
'Affliction (n) le ferrement
homme qui fait le mal; mais la gloire,
l'honneur la paix font le partage de
tout homme qui fait le bien. Il n'eft
pas étonnant que les impies foient
comme une mer toujours agitée

(n) Tribulatio & anguftia in omnem animam hominis operantis malum.... Gloria autem, & honor, & pax omni operanti bonum. Rom, 2, 9, 19.

B

Ifaia 57.

20, 21:

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CHAP. I. qui ne peut fe calmer: Car il n'y k §. IX. point de paix pour les méchans, dit lé Seigneur; fa juftice l'a ainfi ordonné & cela fera toujours. Mais c'est un grand malheur que les juftes, dont le partage doit être la paix, & la joie du Saint-Esprit, foient dans les mêmes agitations que les méchans.

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II. Cela vient de ce qu'ils ne font point affez attentifs pour difcerner le fouffle du Saint- Efprit dont le propre eft de confoler d'avec le fifflement du ferpent dont le propre eft d'effrayer. L'efprit de vérité parle, l'efprit de féduction parle, leurs voix quoique infiniment differentes femblent quelquefois dire la même chose. L'Esprit de vérité ne peut flatter perfonne, il nous représente la grandeur de nos péchés, de notre foibleffe, de nos dangers. L'efprit de féduction nous repréfente les mêmes choses ; mais la voix de l'Esprit de vérité en nous humiliant nous foutient, nous remplit d'une nouvelle force, & nous fait recourir à Dieu avec confiance : au lieu que l'efprit de féduction en

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