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1804 10 mars.

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Les adresses à Bonaparte se multiplièrent à An XII. Nantes. La chambre de commerce lui dit :

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« Au premier bruit d'une nouvelle conspiration, nos cœurs ont été glacés d'effroi. Nous avons tremblé pour des jours si précieux à l'état, si chers à la patrie; mais la divine providence, qui vous a tant de fois servi de bouclier dans les combats, qui vous a conduit par tant de périls aux plus hautes destinées, n'a pas permis que son ouvrage fût détruit.».

On lisait dans l'adresse du tribunal de première instance :

Telle est donc la taotique de ce gouvernement atroce qui pèse depuis trop longtemps sur la surface du globe; mais le génie de la France veille à vos destinées. Grâce à son heureuse influence, les ennemis de la république, sous quelques formes qu'ils tentent encore de se produire, pâliront devant son premier magistrat, entouré de` · la confiance et de l'amour de trente millions d'hommes dont il peut seul assurer le bonheur. »

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Le général Aubugeon, au nom de la 3. demibrigade des vétérans qu'il commandait à Nantes, porta ces paroles à Bonaparte :

« Les vétérans ont recueilli toutes leurs forces, se sont levés simultanément, au moment où ils ont été instruits des dangers qui vous avaient menacé.... Nous ne saurions 'nous persuader que c'est contre vous que l'infâme conspiration anglaise, dont l'exécution était confiée à des Français, fut ourdie. Vos, vertus, vos services, vous mettent au-dessus des atteintes des hommes les plus pervers.. C'est contre l'état que l'attentat était dirigé. On voulait l'anarchiser, le déchirert, l'anéantir. »

La réponse de Bonaparte fut la même à toutes les adresses:

« Nourri dans les camps, je n'ai jamais mis aucune importance à des dangers qui ne m'inspirent aucune crainte... Le ciel veillera sur la France, et déjouera les complots des méchants. Les citoyens doivent être sans alarmes. Ma vie durera tant qu'elle sera nécessaire à la nation. »>

M. l'évêque Duvoisin ne pouvait garder le silence dans une circonstance semblable. Sa voix se fit donc entendre à l'occasion d'un Te Deum chanté en action de grâces de la découverte de cette conspiratión:

Le chef de l'état, mes très-chers frères, ne peut être menace, que tous les membres ne le soient en même temps: les dangers du premier consul sont les nôtres. En apprenant l'horrible conspiration tramée contre son auguste personne, vous avez tremblé pour vous-mêmes. Quand la reconnaissance et l'admiration ne vous intéresseraient pas vivement à la conservation du libérateur et du restaurateur de la France, il ne faudrait qu'un retour sur vous-mêmes pour vous faire sentir, le prix d'une telle vie. Vos destinées en dépendent. Bonaparte a vécu assez pour la gloire, mais pas assez pour affermir votre bonheur, et si Dieu n'eût détourné le coup-que des scélérats lui préparaient, ce serait en vain qu'il vous aurait sauvés des horreurs de l'anarchie.

Il n'était pas nécessaire, mes très-chers frères, que nous vous excitassions à bénir la divine providence qui semble n'avoir permis une si noire et si lâche machination, qu'afin de nous donner une nouvelle preuve de la protection dont elle couvre la France et le grand homme qu'elle a

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suscité pour lai rendre son antique splendeur. Votre piété An xir, avait prévenu notre ministère, et nous-même, bien sûr. de 19 ventôse ne pas être désavoué, nous nous sommes fait auprès du premier consul l'interprète. de vos sentiments. Mais des vœux secrets et particuliers. ne suffisent pas à votre reconnaissance: il faut que l'expression en soit publique et solennelle; il faut que nos voix soient entendues dans le concert d'actions de grâces qui s'élève de tous les points de la république.

M. Duvoisin fit, en outre, parvenir cette adresse à Bonaparte:

a Citoyen premier consul, tous les bons Français ont frémi en apprenant l'horrible conspiration tramée contre Votre auguste personne. Tous les hommes religieux ont béni la Providence qui veille sur une tête à laquelle sont attachées les destinées de la France. Leclergé, pénétré des devoirs que lui imposent la morale de l'Évangile et la reconnaissance, a redoublé ses vœux pour la conservation d'un héres dont le nom est inscrit dans les fastes de l'église, avec ceux des Cyrus, des Constantin et des Charlemagne.

»Tels sont, citoyen premier consul, les sentiments de tous les fidèles et de tous les prêtres de mon diocèse. Je ne crains pas de m'en faire l'interprète et le garant.

» Salut, profond respect et dévouement sans bornes.» Sous la colère excitée par ces tentatives meurtrières, qui jamais ne peuvent que déshonorer un parti, quel qu'il soit, le gouvernement français enjoignit à l'électeur de Bade d'éloigner les émigrés français, et Nantes apprit alors que le jeune prince de Condé, le duc d'Enghien, qui n'avait pas obéi à cet ordre, venait d'être arrêté à Etten

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heim par des troupes françaises, et conduit à Vin- 4804 cennes... On sait quel fut son sort.

Dans ces circonstances, Bonaparte avait besoin, dans l'Ouest, où cette mort pouvait produire un certain retentissement, d'un administrateur à la fois dévoué, capable, et unissant la modération à la fermeté. C'est là probablement ce qui fit choisir M. de Belleville, qui rassemblait toutes ces qualités. Il était commissaire des relations commerciales au ministère, lorsqu'il reçut l'avis d'une promotion qu'il n'avait pas sollicitée. Les autorités civiles et militaires assistèrent, ainsi que le clergé, à son installation, où ces courtes paroles furent prononcées par lui:

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« Citoyens, tout mon zèle sera consacré à remplir le vœu du héros que les Français respectent comme leur chef et chérissent comme leur père. J'aurai l'espoir de quelques succès, si les membres des autorités civiles, si les commandants des corps militaires, si les ministres du culte, si tous les citoyens dont je réclame les conseils, veulent m'accorder leur confiance; si surtout je suis assez heureux pour imiter les exemples que me laisse mon prédécesseur. En emportant notre estime et notre attachement, il ya se rapprocher du gouvernement, appeler sur yous, citoyens, la bienveillance, et sur moi l'indulgence de prémier consul.

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» Il lui reportera la profonde sensibilité que vous avez manifestée, en apprenant qu'une vie aussi précieuse était échappée aux odieux complots tramés par les ennemis de la république; et parce qu'enfin les haines doivent s'éteindre dans l'impuissance et d'insuccès de leurs efforts, parce que l'horreur du crime doit enfin mettre un terme

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aux tentatives criminelles, parce que le calme doit enfin succéder aux orages, espérons que cet événement affreux, en amenant la paix, ouvrira les sources du commerce et de la prospérité de ces contrées. »

M. de Belleville se rendit ensuite sur le Cours, avec toutes les autorités, et il fut proclamé devant toutes les troupes.

Le même jour, une procession générale duclergé eut lieu pour l'ouverture d'un jubilé.

En l'annonçant à son diocèse, M. l'évêque Duvoisin trouva le moyen de rattacher encore Napoléon à cette solennité purement religieuse, et surtout il y ramena cette prédication si éclairée, par laquelle il appelait sans cesse à la concorde des cœurs divisés, qu'il espérait rapprocher dans la piété du sentiment, indépendamment des opinions politiques:

«L'indulgence du Jubilé ne s'accorde que rarement, et pour des raisons importantes, et pour des considérations prises de l'intérêt commun des fidèles. C'est ainsi que l'ordonne le Concile de Trente, de peur, ajoute-t-il, que la discipline ecclésiastique ne soit énervée par une excessive facilité. Or, s'est-il jamais rencontré une circonstance plus propre à nous rappeler à Dieu par les sentiments d'nne vive reconnaissance et d'une sainte allégresse? Jamais l'Église eut-elle des motifs plus pressants pour ouvrir ses trésors et répandre les grâces spiritnelles dont le dépôt lui est confié ? La paix rendue à l'Église de France, après tant d'années de troubles, de schisme et de persécution, le rétablissement du culte public de notre sainte religion est un de ces événements où se déploié la

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