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merce et les arts trouveront en vous le plus grand appui, et que la ville de Nantes, jadis si florissante, réparera par vos soins une partie de ses désastres.

» L'administration municipale me charge d'être auprès de vous l'interprète de ses sentiments. »

Le préfet Le Tourneur, qui n'était pas fort éloquent, n'avait pas songé à préparer un second discours: il répondit par l'aveu des difficultés qui avaient entravé l'action des administrations civiles pendant les orages de la rébellion dans les départements de l'Ouest, et, en applaudissant aux efforts de la commune de Nantes pour éloigner les rebelles qui la menaçaient, il promit d'avoir égard à la recommandation du maire Saget et de l'administration municipale, relativement aux employés de ses bureaux.

Son premier acte administratif fut une circulaire aux nouveaux sous-préfets du département:

« Je me réserve de développer avec détails les différentes parties de l'administration dans une instruction aux maires du département vous y trouverez réuni tout ce qui est soumis à votre surveillance.

» Je n'ignore pas que, dans un département où les passions fermentent encore, où les haines, les partis, d'affreux ressouvenirs, aigrissent et divisent les esprits, l'administration doit être difficile et la police extrêmement délicate. J'informerai le gouvernement de vos succès, et je saurai, dans tous les cas, vous tenir compte de vos efforts.

» N'oubliez pas surtout cette parole du premier consul: « La révolution est ramenée aux principes sur lesquels

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elle a été commencée; elle est finie. » Que votre conAn V. duite réalisé cette consolante espérance: la liberté fut 7 germinal le but de la révolution, et la liberté n'est qu'un mot de faction, si elle n'est pas fondée sur l'amour et le respect de l'humanité. Il appartient à des magistrats chargés de faire fructifier et de répandre les idées libérales de la restauration, de se montrer rigoureux observateurs de ce respect des hommes, qui se compose également des règles d'une justice impartiale et de tous les ménagements que l'on doit à la faiblesse, aux erreurs, aux préjugés.

» Les lois ont tracé le cercle dans lequel ils peuvent impunément se mouvoir: gardez-vous de les y attaquer; mais ne souffrez pas qu'ils le transgressent. Vous vous apercevez qu'il est principalement question du culte catholiqué exercé par des prêtres insoumis la loi les oblige à une déclaration qu'ils ont partout refusée, et les instructions des généraux portent qu'on ne les y contraindra pas. Conformez-vous à ces instructions jusqu'à nouvel ordre; ne méprisez pas l'influence de ces ministres l'expérience a malheureusement démontré combien elle était puissante, et la politique veut qu'on ne négligé aucun moyen de la diriger vers la paix et l'affermissement de la république; mais aussi informezmoi, avec célérité, du trouble qu'ils occasionneraient par leurs prédications, leurs discours; informez-moi dès que les contributions se paieraient négligemment, que les lois ne seraient pas exécutées, que les acquéreurs de domaines nationaux seraient troublés dans des communes où ces désordres pourraient être attribués à la présence d'un ministre insoumis : je saurai y porter remède.

» Enfin, une loi d'amnistie a dû effacer la mémoire

du passé. Ne vous le rappelez que pour fixer votre surveillance sur ceux qui ont pris une part active à la guerre civile, et être plus sévère à leur égard, s'ils commettaient quelques fautes; mais qu'on ne puisse s'en apercevoir dans votre conduite administrative, qui doit être ferme sans passion, surtout sans partialité. »

Une instruction détaillée, adressée aux maires par le préfet, se termina ainsi :

a Votre magistrature est toute paternelle: que la douceur, la plus grande décence, la justice la plus sévère, mais la plus impartiale, se fassent sentir dans tous les détails de votre administration. En ne vous écartant jamais de ces principes, vous devez être sûrs d'être distingués par le gouvernement; vous devez être sûrs de l'assentiment, de l'appui, de la reconnaissance de tous les citoyens honnêtes. La paix, la tranquillité, le bonheur que le gouvernement veut rendre à la France, c'est particulièrement à vous à en faire jouir vos concitoyens ; c'est sous vos yeux et par vos soins que doivent fructifier les principes libéraux auxquels la république a été ramenée; c'est vous qui devez en recueillir immédiatement la récompense.

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» J'espère, citoyens, trouver en vous des coopérateurs zélés, des sentinelles vigilantes, des magistrats inviolablement fidèles. »

Dans la même soirée, le général Brune revint à Nantes avec son chef d'état-major, le général Tilly. La population l'accueillit encore par ses acclamations. Sa renommée militaire le rendait l'objet d'une admiration qui se manifestait partout où sa présence la provoquait. Il trouva la ville spontanément illuminée, à la nouvelle de son retour. La

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loge Mars et les Arts, qui le savait en dignité dans la franc-maçonnerie, lui donna une très-brillante fête. Il installa dans le commandement de la division le Le général général Sahuguet, qui remplaçait le général Muller, et s'occupa immédiatement des moyens d'augmenter les forces de l'armée. Un registre fut ouvert à la Préfecture pour l'inscription de ceux qui, n'appartenant à aucun corps, voudraient s'engager, et les inscriptions furent provoquées par cet appel administratif:

« Elle a retenti dans tous les cœurs la voix qui s'est écriée: Guerriers habitués aux triomphes, allez triompher encore!

Jeunes gens à qui la carrière a été fermée jusqu'à ce jour, précipitez-vous dans la carrière; vous avez besoin de gloire, Français, ralliez-vous tous!... Après avoir offert l'olivier de la paix, le dépositaire de la puissance nationale a poussé le cri formidable de la guerre. Dans quelques jours, celui qui a signé les préliminaires de Leoben, le traité de Campo-Formio, sera au milieu des camps; il va ressaisir la victoire, impatiente de le revoir sur le champ de bataille; mais au milieu des batailles il invoquerà la paix, il a juré de ne combattre que pour le bonheur de la France et le repos du monde.

» Déjà de tous les points de la république', on part, on se presse, on se réunit pour servir sous les ordres du premier consul. Seriez-vous seuls insensibles à cet élan national, étrangers à ce mouvement généreux ? Ces malheureuses contrées ne fourniraient-elles donc à l'histoire que des exemples d'enthousiasme barbare, de dévouements, criminels, de sacrifices immoraux?

» Citoyens, je ne le pense pas. L'étranger ne peut

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plus vous tromper par de chimériques espérances; vos mars. ennemis n'ont plus le prétexte de l'oppression et de la An VIH. tyrannie pour égarer votre courage. Vous avez maintenant germinal. une patrie, un gouvernement protecteur; vous n'hésiterez pas à leur donner des gages de votre reconnaissance et de votre fidélité.

» Vous qui préférez les fatigues de la guerre aux occupations champêtres, qui avez pris l'habitude des hasards et le goût des armes, allez chercher de glorieux hasards sous les drapeaux de l'état, et faire briller dans. les camps ces armes dont vous aimez à vous parer si inutilement dans vos fêtes au milieu de la paix. Vous qui gémissez dans une accablante oisiveté, vous que les malheurs des circonstances privent momentanément des ressources de l'industrie, vous qui n'avez pas encore pris part à nos triomphes, vous qui les avez si glorieusement partagés, vous tous qui désirez la paix, qui aimez la gloire, qui êtes attachés au gouvernement par intérêt, par principes et par sentiments, partez, qu'aucun souvenir ne vous arrête, et ne détournez point sur votre pays des regards implorants et craintifs. Partez sans crainte la faulx de la terreur ne moissonnera plus vos frères, et les torches révolutionnaires n'incendieront point les foyers privés de votre présence. Partez! les plaines de Dijon attendent les braves. »>

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Un des premiers actes politiques du préfet fut la publication de l'amnistie accordée aux chouans et aux Vendéens. On savait le pouvoir résolu, énergique, et décidé à repousser toute transaction; on eut foi dans cet acte gouvernemental, et la confiance revint on crut, avec raison, que la liberté de penser, sinon la liberté d'action, serait

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