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complète, et le sentiment religieux se manifesta ostensiblement. Le préfet dut en prévenir le ministre de la police:

« Je reçois journellement un grand nombre de pétitions, surtout des habitants des campagnes, qui ont pour objet la rentrée en France de leurs ministres déportés. Vous n'ignorez pas toute l'importance qu'ils y attachent, et je ne doute pas que l'acte de bienveillance du gouvernement qu'ils sollicitent avec tant d'instance, ne contribuat puissamment à rétablir la confiance et à consolider la paix. »

Une seconde lettre au même ministre fut consacrée au même sujet :

« Il y a dans le département un très-grand nombre de prêtres insoumis; mais ils exercent publiquement. C'est en vertu des instructions données par le général en chef qu'on n'exige pas d'eux la promesse que la loi prescrit, et que d'ailleurs ils ont tous refusé de faire. J'ai lieu de croire que cette mesure est universellement pratiquée dans les départements de l'Ouest, et on ne pourrait aujourd'hui la changer sans courir risque de produire une insurrection, parce qu'on regarde cette tolérance comme stipulée à la pacification.

» Le fait est qu'on ne connaît que d'une manière trèsimparfaite les conventions de pacification. Chaque général, chaque chef de cantonnement a fait sa paix à sa manière; on ne s'est attaché qu'aux résultats, sans s'inquiéter de ce qu'on s'était engagé à tenir, et la tranquillité dépend essentiellement de la fidélité du gouvernement à tenir ses promesses et celles que ses agents ont faites en son nom.

» J'ai trouvé, à mon arrivée à Nantes, tous ces prêtres

installés dans les campagnes; plusieurs exercent même
aux portes de Nantes. L'ordre public n'a
pas été troublé
jusqu'ici, et c'est à quoi j'ai cru devoir borner ma sur-
veillance pour le moment, déclarant au, surplus que le
plus léger délit me déciderait à défendre les réunions de
celle nature, ce que j'ai déjà fait dans une circonstance.

Beaucoup de communes demandent le retour de leurs anciens curés déportés en Espagne. Le temps seul peut affaiblir l'attachement des habitants de ces contrées aux ministres insoumis d'un culte dont ils sont invinciblement entêtés. Il est important, ainsi que j'ai eu l'honneur de vous le mander, que le gouvernement laisse une grande latitude aux administrateurs de ces départements : il y faut traiter hommes et choses suivant les convenances locales et pour le maintien de la paix. Ce ne serait point sans de grands dangers que l'on tenterait de soumettre les prêtres à faire la promesse exigée : ils se cacheraient d'abord tous, et c'est du fond des forêts ou de granges obscures qu'entourés du respect commandé par la misère et l'apparence de la persécution, échauffant des esprits crédules par tout ce qu'ont d'imposant les célébrations mystérieuses, clandestines, nocturnes, périlleuses, ils parviendraient à exciter un soulèvement avec beaucoup plus de facilité qu'ils ne peuvent le faire en exerçant publiquement: la paix est aujourd'hui de leur intérêt, et leur intérêt est le mobile de leur conduite. »'

On a dit que Bonaparte avait rendu les églises au culte : il a fallu, en effet, la force de son pouvoir pour faire. respecter l'exercice du culte catholique; mais il n'a pas prévenu les demandes, il n'a fait qu'y céder. Les familles étaient affligées de cette vie sans croyances, qui ne se rattachait

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à rien. Un peuple ne peut exister avec l'athéisme : comment aurait-il foi dans son avenir, si l'éternité elle-même n'était pour lui qu'un vain mot? On peut abattre les autels, on ne réussit pas å abattre la religion.

De presque tous les quartiers de Nantes, des pétitions furent adressées au préfet, pour la réouverture des églises catholiques et le retour de leurs prêtres. On a vu comment il en référa au gouvernement, avec promesse d'appui, et cette seule promesse, bientôt répétée dans les campagnes, . suffit pour anéantir le parti vendéen, qui était bien plus religieux que royaliste, Aussi, de ce moment, il n'y eut plus, à vrai dire, de rébellions politiques, mais uniquement des restes de bandes; composés d'hommes ou trop exaltés pour céder à la raison, ou trop compromis pour espérer quelque chose du gouvernement, ou enfin de ces gens qui ne sauraient vivre dans le repos, et qui préfèrent la vie vagabonde et ses hasards à toute profession paisible.

Cependant la municipalité s'effraya du retour probable du culte catholique, surtout avec les prêtres insermentés; elle craignit des désordres, et, comme la ville était en état de siége, le préfet en référa au général en chef de l'armée de l'Ouest:

« Doit-on tolérer la présence des prêtres qui n'ont pas prêté les serments et déclarations exigés depuis

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1790? Peuvent-ils se garantir de l'exportation, en faisant la promesse prescrite par la loi du 21 nivôse dernier ? ̧». Il eût été possible de tolérer leur présence, s'ils 28 germin. eussent voulu exécuter cette dernière loi; mais ils s'y sont refusés, et les instructions données par votre premier lieutenant défendent d'exiger d'eux' cette promesse.

» Je sens fortement les raisons, de politique qui ont nécessité une pareille mesure. Les habitants de ces 'contrées sont invinciblement attachés à ces ministres : vouloir les leur enlever aujourd'hui, ce serait rallumer la guerre civile; et la puissance de ces prêtres est tellement établie, que l'expérience a dû démontrer qu'il est de la prudence de chercher à s'emparer et à diriger leur influence pour l'affermissement de la république, but qu'on ne peul atteindre si on les force à la retraite, si on, les poursuit, si on les force à des célébrations clandestines.

» Je suis donc bien loin de blâmer les mesures et les autorisations qu'ont données les chefs militaires dans ces départements; elles sont sages, nécessaires à la paix et appropriées aux circonstancès; mais les autorités civiles, qui n'en ont qu'indirectement connaissance, se trouvent dans un grand embarras. »

1.er floréal

A mesure que le nouveau pouvoir faisait con- 21 avril. naître sa volonté d'administrer avec fermeté, audessus des coteries et des partis, ces derniers perdaient de leur force. Une décision des consuls rapporta l'arrêt de suspension de l'empire de la constitution dans l'Ouest; la ville de Nantes rentra complétement dans le droit commun, le jour où une proclamation du premier consul était répétée, à tous les carrefours, par le trompette de ville: «Citoyens, ce fut à regret que les consuls de la ré

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publique se virent forcés d'invoquer et d'exécuter une loi que les circonstances avaient rendue nécessaire: ces 1.er floréal circonstances ne sont plus; les agents de l'étranger ont fui de notre territoire, ceux qu'ils égarèrent ont abjuré leurs erreurs. Le gouvernement ne voit désormais parmi vous que des Français soumis aux lois, liés par de communs intérêts, unis par les mêmes sentiments.

» Si, pour opérer ce retour, il fut obligé de déployer un grand pouvoir, il en confia l'exercice au général Brune, qui sut concilier, avec les rigueurs nécessaires, cette bienveillance fraternelle qui, dans les discordes civiles, ne cherche que des innocents et ne trouve que des hommes dignes d'excuse ou de pitié.

» La constitution reprend son empire: vous vivrez désormais sous des magistrats qui, 'presque tous, sont connus par des talents et des vertus, qui, étrangers anx dissensions intestines, n'ont' ni haines ni vengeances à exercer. Confiez-vous à leurs soins, ils rappelleront parmi vous l'harmonie; ils vous feront jouir des bienfaits, de la liberté : oubliez tous les événements que le caractère français désavoue, tous ceux qui ont démenti votre respect pour les lois, votre fidélité à la patrie! Qu'il ne reste de votre division et de vos.malheurs qu'une haine implacable contre l'ennemi étranger qui les a enfantés et nourris, qu'une douce confiance à ceux qui, chargés de votre destinée, ne mettront d'autres prix à leurs travaux que leur estime, qui ne veulent de gloire que celle d'avoir arraché la France aux discordes domestiques, et d'autre récompense que l'espoir de vivre dans votre souvenir. >>

Cette même proclamation avait été transmise par le préfet à la municipalité, avec cette lettre :

« Je vous adresse l'arrêté des consuls du 5 de ce

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