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toute espérance y était donnée aux royalistes, AD VIII. jusqu'à leur faire croire que Bonaparte travaillait pour la restauration de la royauté. Cependant ces projets étaient basés sur des suppositions absurdes, des calculs insensés, des moyens ridicules et des actes odieux. Le ministre de la police, croyant que beaucoup de chouans se réfugiaient à Nantes, envoya le signalement de quatre de leurs chefs, entre autres << d'un individu venu de Brest, qui tentait de grands coups, en incendiant, et en soulevant les gens de son parti; se soustrayant aux recherches en changeant très-souvent d'habillement et parlant anglais avec ses camarades. » On le désignait sous le nom de Bertou.

Néanmoins, la guerre civile était éteinte; mais les conspirateurs isolés n'étaient pas dégoûtés des complots, et des crimes partiels désolaient encore la Vendée, par le brigandage substitué au chouan

nage.

Le fameux chef Tete Carrée, qui avait figuré dans la dernière attaque de Nantes, se maintenait à la tête d'une bande. Tombé entre les mains de la gendarmerie, qui le poursuivait depuis longtemps, il fut conduit à la Rouxière, commune voisine du lieu de sa capture, et, quoique surveillé par deux gendarmes, dans une chambre au premier étage, il leur échappa en sautant par la fenêtre; mais, bientôt repris, il dit qu'il avait la jambe démise, par suite de sa chute, et qu'il ne

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pouvait plus marcher. Un gendarme mit pied à terre, et, à grand'peine, plaça Tete Carrée An VIII. sur son cheval. Aussitôt en selle, Téte Carrée retrouve ses forces, lance le cheval au galop, saute un fossé de plus de 8 pieds de largeur, et s'enfonce dans un bois voisin de la route. Les gendarmes, en voyant leur prisonnier s'échapper, tirent dessus, et Téte Carrée est frappé de mort. L'énergie de ses derniers moments fut égale à celle de toute sa vie.

''Peu de jours après, un autre chef de bande, du surnom de Chicane, fut aussi atteint auprès de Varades, et tué après une égale adresse et une même résistance.

Par suite de la capture et de la condamnation de deux autres rebelles, deux exécutions à mort devaient avoir lieu. Les patients étaient détenus au Bouffay, où se trouvait un poste de la garde nationale. Les citoyens qui le composaient, ne voyant aucune force armée à l'heure fixée pour les exécutions, crurent qu'on allait les employer à servir d'escorte aux condamnés: alors, se rappelant l'époque sanglante où la garde nationale avait été employée à un semblable service, tous, d'un commun accord, abandonnèrent le poste... Appelés le lendemain à la mairie pour rendre compte de cet abandon, ils en déduisirent franchement les motifs. « Le maire, après leur avoir représenté combien il serait dangereux que la force armée,

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soldée ou non soldée, s'ingérât de délibérer sur

An VIII. la nature de son service, les renvoya après cette

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réprimande. >>

Toute punition était, en effet, impossible : l'abandon du poste avait été provoqué par un sentiment honorable. Ce même et pénible service, naturel au corps qui l'a dans ses attributions et qui, par cette raison, ne perd rien de sa dignité en le remplissant, ne pouvait être imposé à des citoyens, lorsqu'un autre corps en avait l'obligation. D'ailleurs cette protestation contre les atroces exécutions de 93 n'était pas sans imporet son impression fut grande sur le peuple. On comprend que si la réaction était aussi forte dans la cité, elle était bien autre dans les cam5 fructidor pagnes : le gouvernement apporta donc la plus grande tolérance à l'égard des ministres du culte catholique, et, à ce sujet, le préfet manda confidentiellement au ministre de la police:

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tance,

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« On n'a exigé d'aucun des ministres du culte catholique la promesse de fidélité. Je ne puis, à cet égard, négliger de vous faire une observation capable d'éclairer et de diriger les déterminations du gouvernement : c'est que les ministres insoumis du culte se détermineraient en grande partie à faire la promesse de fidélité, s'ils ne craignaient de perdre par cet acte tout crédit et toute influence sur leurs sectaires. Tel est en effet le stupide aveuglement des habitants des campagnes : ils ne peuvent être maintenus en paix qu'au moyen de la libre pratique de leur culte exercé par prêtres insermentés. »

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Bientôt cette extrême tolérance, si nécessaire du reste, se transforma en une inertie générale. An vIII. En vain on cherchait à expliquer cette vaniteuse mobilité humaine qui dédaigne ce qu'elle a, le délaisse, et le veut aussitôt qu'elle ne l'a plus. La révolution avait été faite au nom de la liberté, et lorsque la révolution, dépassant toutes les bornes, eut anéanti cette liberté dans l'anarchie, la population, passant d'un excès à l'autre, invoqua le despotisme, en reniant jusqu'à son passé, jusqu'à ces priviléges communaux qui, pendant dix-huit siècles, n'avaient pas cessé d'appartenir à Nantes. Un tel oubli ne pouvait être durable; car c'eût été la honte éternelle de notre ville.

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Quoique l'administration ne fût plus élue par le 1er sept. peuple, et que sa nomination provînt exclusivement de l'autorité, cependant elle ne pouvait perdre cette tradition d'indépendance qui, à presque toutes les époques, avait distingué la mairie de Nantes. Au lendemain de la privation de ses libertés par sa propre indolence, par son propre abandon, la ville de Nantes les réclamait par la voix de ses magistrats... C'était l'éternel exemple: on méprise les libertés qu'on possède; yous sont-elles enlevées, lorsque vous les avez dédaignées vousmêmes, vous les réclamez alors, et bientôt vous combattez pour elles. La défiance du pouvoir contre toute administration relevant, avec la plus légère

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apparence, de l'opinion du peuple, semblait n'avoir plus de bornes. Ce n'était pas assez des magistrats de son choix, Bonaparte songea à annihiler leurs fonctions en les transmettant à un commissaire général de police. Les magistrats nantais firent entendre leurs justes plaintes au premier consul:

« Vous êtes le premier magistrat du peuple français et le premier défenseur de ses droits; c'est sous ce double rapport que nous vous adressons avec confiance la présente lettre, que nous vous prions de prendre en considération.

» Par votre arrêté vous avez ordonné qu'il y aurait un commissaire-général de police à Nantes. Nous n'avons pu vous soumettre nos observations contre cet établissement, présumant qu'un nouvel arrêté statuerait sur les attributions de ce commissariat, et qu'avant l'installation nous connaîtrions ses droits et ceux qui nous seraient conservés; cependant le commissaire est installé et n'est porteur d'aucune instruction qui indique ses fonctions.

>> Veuillez prendre des renseignements sur la situation de Nantes, sur la tranquillité et les mœurs de cette cité, et vous reconnaîtrez aisément que la police ne doit pas y coûter 50,000 francs. Si vous yous informez des ressources de la commune, on vous peindra l'état déplorable de ses finances, et les besoins de tous genres auxquels elle est en proie. Elle est grevée de dettes qui montent à plus de 300,000 francs. Les propriétés, les quais, les places publiques, les pavés, etc., sont dans un état de dégradation qui exige et prescrit des réparations qu'on ne pourrait effectuer pour un million. Chaque année ses dépenses excèdent de 200,000 fr. les recettes qui proviennent des propriétés non aliénées. L'octroi diminue ce déficit d'environ 90,000 fr. Il le réduit par conséquent à 110,000 fr.

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