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M. Thouret lui-même applaudit à cette rédaction en avouant qu'elle exprimait parfaitement l'opinion de comités, au nom desquels il proposa d'ajouter :

<< La Constitution garantit les aliénations qui ont été ou qui seront faites suivant les formes établies par la loi. »

L'Assemblée adopta ces dispositions, et le titre des garanties, paraissant être enfin aussi complet que possible, fut décrété le même jour, 9 août 1791, tel qu'il existe dans la Constitution. (Elle est imprimée dans ce volume. )

SUR LE TITRE II. De la division du royaume et de l'état des citoyens.

Ce titre fut presque entièrement adopté selon la rédaction du projet; voici les seuls amendemens :

L'article Ier était ainsi conçu :

« La France est divisée en quatre-vingt-trois départemens, chaque département en districts, chaque district en cantons. >>

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M. Rabaut-Saint-Etienne. (Séance du 9.) « Dans les décrets constitutionnels relatifs à la division du royaume vous avez tout rapporté au principe d'unité qui doit assurer la stabilité d'un empire; le royaume y est toujours représenté comme une chose une. Afin qu'on ne puisse jamais trouver dans la Constitution d'argument en faveur d'une subdivision en république fédérative, je demande que cet article soit redigé en ces termes :

« Le royaume est un et indivisible; son territoire est distribué en quatre-vingt-trois départemens, etc. (Adopté.)

Sur la demande de supprimer l'énonciation du nombre des départemens M. Thouret répondit :

« Vous avez décrété que le royaume était distribué en quatre-vingt-trois départemens ; il faut que cette division soit constitutionnelle, bien entendu qu'elle est relative à l'état actuel du royaume.

» Les comités avaient pensé que le nombre de quatre

vingt-trois départemens pourrait être augmente ou réduit dans le cas où le territoire du royaume serait lui-méme accru ou diminué; mais après des réflexions plus profondes les comités se sont convaincus que cette disposition manquait de convenance d'une part elle avait l'air d'annoncer des conquêtes, auxquelles par la Constitution même la nation a renoncé ; d'un autre côté elle semblait prévoir d'une manière peu agréable la possibilité de la diminution du territoire français. On doit sentir suffisamment que c'est l'état actuel du territoire qui a déterminé le nombre des départemens si par des événemens possibles, mais peu probables pourtant, le territoire français venait à augmenter de manière qu'il y eût occasion de faire plus de départemens, ou à souffrir par la perte du territoire actuel une diminution sensible, cela est suffisamment sous-entendu. »

L'article 6 exprime les circonstances par lesquelles se perd la qualité de citoyen français; le dernier paragraphe de cet article portait :

« 4°. Par l'affiliation à tout ordre ou corps étranger qui supposerait des preuves de noblesse. »

M. Roederer. (Séance du 10.) « Je demande qu'aux mots qui supposerait des preuves de noblesse on ajoute ceux-ci : ou des distinctions de naissance ou des vœux religieux. Il ne suffit pas d'interdire les preuves de noblesse, et voici pourquoi il faut toujours employer les mots distinction de naissance; c'est qu'on peut introduire une noblesse sans lui en donner le nom, et que par conséquent il faut un mot qui nous préserve de ce danger-là. Je ferai d'ailleurs observer que c'est le mot employé dans le décret relatif à la noblesse, et qui a été consacré hier par mon amendement. » (Voyez -plus haut, page 21.)

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Ce quatrième paragraphe de l'article 6 fut ainsi rédigé et adopté :

" 4. Par l'affiliation à tout ordre de chevalerie étranger ou à toute corporation étrangère qui supposerait soit des preuves de noblesse, soit des distinctions de naissance, ou qui exigerait des vœux religieux. »

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A l'article a M. Tronchet avait proposé et fait adopter un amendement qui fut presque aussitôt retiré, sur les observations de MM. Duport et Thouret. Voici cet amendement :

« Les enfans nés en France de parens inconnus auront droit de cité »

M. Duport. « L'assemblée veut que quand un homme est né en France de parens étrangers cet homme y ait fixé sa résidence pour jouir des droits de citoyen français; cependant, d'après l'amendement qui vient d'être adopté, si deux étrangers passaient un moment en France, qu'ils y abandonnassent un enfant, et que cet enfant, né de parens inconnus, passat en pays étranger, au terme de cet amendement, quoiqu'il ne fût pas résidant dans le royaume, mais parce qu'il y serait né, et que ses parens seraient inconnus, il y aurait droit de cité! L'Assemblée ne peut pas avoir voulu décréter des dispositions contradictoires. >>

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M. Thouret. « Il est impossible d'accorder au fils d'une femme mariée le droit de cité par sa mère, car alors il aurait deux cités. Par exemple, si son père était Anglais, en vértu du droit qu'il tiendrait de sa mère française il viendrait dans les assemblées politiques de France, et s'il n'obtenait pas l'élection il retournerait en Angleterre pour y jouir des droits de son père. Si sa mère n'est pas mariée l'homme qui voudra exercer les droits de citoyen, quels que soient son père et sa mère, se présentera avec son extrait baptistaire et la preuve de sa résidence; il dira je suis né en France; j'y réside... Peu importe que son père soit étranger ou Français, car il est l'un ou l'autre. Je conclus à ce que l'amendement soit retiré. »

M. Prieur. « Hé bien, si vous retirez l'amendement de M. Tronchet vous verrez que dans les assemblées on opposera votre procès-verbal aux bâtards. »

M. Thouret. « Hé bien, votre procès-verbal dira que les batards ne peuvent souffrir aucune difficulté sur leur état s'ils sont nés et domiciliés en France. »

L'assemblée rapporta l'amendement de M. Tronchet en reconnaissant « qu'il était superflu, et qu'il suffirait que le procès-verbal fit mention que la qualité de citoyen français ne pouvait pas être contestée aux enfans illégitimes nés en France de pères et mères inconnus, lorsque ces enfans sont résidans dans le royaume.» (Expressions du procès-verbal de la séance du 9 août 1791.)

SUR LE TITRE III.-Des pouvoirs publics.

M. Roederer prit la parole sur ce titre immédiatement après la lecture qu'en donna le rapporteur des comités. Opinion de M. Roederer sur l'essence du pouvoir exécutif et sur les bases du système administratif. ( Séance du 10 août 1791.)

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Messieurs, vos comités me paraissent avoir absolument méconnu l'essence du pouvoir exécutif que vous avez entendu instituer, et leur rédaction du titre III me paraît tendre à amener très prochainement l'altération des bases de votre système administratif.

» Je vais vous exposer mon opinion avec la brièveté et la simplicité d'un homme qui désire sincèrement de s'être trompé.

» L'article 2 du titre III porte que la Constitution française est représentative, et que les représentans sont le corps législatif et le roi. Par une conséquence de ces notions l'article 2 de la seconde section du chapitre IV du même titre est conçu en ces termes : Les administrateurs n'ont aucun caractère de représentation.

» Toutes ces propositions sont inexactes, discordantes entre elles et avec les principes de la représentation.

» Le roi n'est pas réprésentant; les administrateurs élus le sont; et s'ils ne l'étaient pas on ne pourrait pas appeler le gouvernement français un gouvernement monarchique repré sentatif. (Murmures. )

» L'essence de la représentation est que chaque individa représenté vive, délibère dans son représentant; qu'il ait confondu, par une confiance libre, sa volonté individuelle

dans la volonté de celui-ci a ainsi sans élection point de représentation; ainsi les idées d'hérédité et de représentation se repoussent l'une l'autre; ainsi un roi héréditaire n'est point représentant..

» Les comités eux-mêmes sentent si bien que la confiance individuelle et l'élection peuvent seules conférer le caractère représentatif, que c'est sur ce principe qu'ils se fondent pour demander la révocation du décret du marc d'argent, et que c'est sur l'abus de ce même principe qu'ils veulent faire lever le décret de la non rééligibilité indéfinie.

» Et au fond, messieurs, s'il était possible que vous séparassiez l'idée de représentation de celle d'élection, vous feriez disparaître, vous obscurciriez au moins la notion la plus frappante que vous puissiez préposer à la garde de la constitution, et opposer à toute usurpation sur le pouvoir législatif.

» Prenez-y garde, messieurs, les vérités sensibles sont les meilleures gardiennes des vérités politiques, qui toutes ne peuvent pas être sensibles. Certainement tant que le peuple ne reconnaîtra le caractère auguste de représentant qu'à ceux qu'il aura élus, et pendant le temps pour lequel il les, aura élus, il ne sera pas facile au chef du pouvoir exécutif, ni à une classe d'hommes distincte des autres, ni à une corporation, de s'emparer du pouvoir législatif, que le peuple sait fort bien ne pouvoir être exercé que par des représentans; au lieu que si le caractère de représentant peut être réputé hérédi– taire rien dans la théorie de la représentation ne s'opposera plus à l'idée de législateurs héréditaires, tels qu'autrefois le roi, les parlemens ont prétendu l'être, tels qu'à la suite peutêtre les grands propriétaires terriens prétendraient l'être à leur tour. Ainsi, en adoptant la représentation sans élection, vous diminueriez évidemment l'absurdité de l'ancien régime et la sûreté des nouveaux principes.

>> On dira peut-être qu'à la vérité le roi n'est pas réellement représentant, mais qu'on peut l'appeler ainsi par fiction; que cette fiction est nécessaire pour que son titre s'accorde avec la fonction du veto, qui est une portion du pouvoir législatif. Je réponds que c'est justifier une fausse qualifica

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