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légale; elle peut être néceffaire à l'exemple; mais pour lui le dédommagement le plus doux, c'eft l'intérêt qu'il a infpiré à tous les bons Citoyens.

La rédaction de ces Mémoires doit faire honneur à M. Thiéri: il s'eft fi bien pénétré de fon fujer, qu'il paroit être celui pour lequel il parle; & il écrit comme s'il avoit lui-même fouffert. Son ftyle, quoiqu'il ne foit pas d'un goût égal, eft en général naturel, animé, pathétique; il parle à l'ame, & c'eft faire l'éloge de celle de l'Ecrivain.

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MÉMOIRE envoyé, le 18 Juin 1790's l'Aemblée Nationale par M. DE LA LUZERNE, Miniftre & Secrétaire. d'Etat. A Paris, de l'Imprimerie Royale.

UNE affaire perfonnelle & contentieufe ne paroît pas en elle-même devoir entrer dans la claffe des objets qui nous occupent ordinairement. Mais comme Citoyens. avant d'être Littérateurs & Philofophes ( aujourd'hui plus que jamais ces titres foivent fe réunir & tendre au même ut), } nous croyons devoir dire un mot de certe accufation, la première qu'on t légale

ment intentée depuis la Loi établie fur la refponfabilité des Miniftres.

Cette Loi.eft fans doute une des premières bafes d'une Conftitution libre; mais. • il eft très effentiel de fe faire des idées juftes de la manière dont on doit l'appliquer..

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Plus on eft naturellement porté à inculper ceux qui gouvernent, plus il importe de ne pas les accufer légèrement; c'eft décréditer dans fa naiffance une inftitution vraiment patriotique, & profaner l'arme de la Liberté en la mettant dans la main de la haine.

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Une dénonciation contre un Miniflre ne peut pas être aujourd'hui, graces à notre Conftitution, un acte de courage, on eft donc plus rigoureusement obligé d'en faire un acte de juftice. Quand l'air de popularité eft le plas. favorable qu'on puifle fe donner, il eft trop facile de le prendre ; & il faut alors pouvoir fe dire à foi même comme aux autres, qu'on n'attaque pas un Miniftre parce qu'il eft Miniftre, mais. parce qu'il eft coupable.

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L'empreffement d'accufer, loin de fervir la chofe publique & d'intimider ses ennemis fert fort mal Fune & favorife les autres, plus vous vous annoncez avec avantge en parlant au nom de la chofe publique contre FAdministrateur, plus vous tombez de haut, fi l'Adminiftrateur n'a pas tort; i femble alors que la chofe publique ait fuccombé avec vous ; c'eft compromet

tre une chofe facrée ; c'eft ménager un triomphe à fes ennemis.

J'ai été affligé, je l'avoue, quand j'ai : entendu accufer dans l'Affemblée Nationale un des Miniftres que la Nation elle-même avoit pris fous fa protection, lorfqu'enveloppés dans la difgrace de M. Necker ils partagèrent bientôt après avec lui l'honneur d'être rappelés par la voix de toute la France qui s'étoit fait entendre au Roi. C'étoit au moins, il faut l'avouer, une préfomption en faveur de leur patriotisme : il est peu vraisemblable qu'on foit en mêine temps le martyr de la caufe de la Nation & l'agent de la tyrannie.

On a vu avec furprife que les qualifientions les plus violentes, fraude, tyrannie, barbarie, opérations défaftreufes, &c. fuffent prodiguées fans alléguer aucune preuve. De pareilles expreffions doivent être la conféquence des preuves & n'er tiennent pas lieu. Quand elles font démontrées juftes elles font la première punition de l'accufé; quand elles ne font que des injures, elles deviennent la première punition des accufateurs. Duclos pouvoit dire d'un mauvais Ecrivain: Un tel eft un for; c'est moi qui le dit, & c'est lui qui le prouve. Mais devant les Tribunaux, il faut dire : Vous avez mal adminiftré, je le prouve.

Une aceufation fans preuves eft abfolument nulle aux yeux de la juftice; car l'ac cufé n'est pas tenu de démontrer qu'il eft

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innocent; c'est à fes adverfaires à démontrer qu'il eft coupable. M. de la Luzerne avoit donc le droit de garder le filence, jufqu'à ce qu'il eût à répondre à des preuves. S'il a été au devant, c'eft qu'il a cru fans dore, que fi les preuves feules pouvoient influer fur un jugement, les dénonciations fufflorent pour influer fur l'opinion ; & avant que Fon fongeât à fournir les preuves des délits qu'on lui impute, il a voulu fournir celles de fon innocence.

Je n'ai aucune relation perfonnelle avec e Miniftre. Je ne prétends point décider entre lui & fes adverfaires ; ce feroit ufurper les fonctions de ceux qui feront fest Juges. Mais quand un homme public fe préfente d'abord au tribunal de l'opinion, tout Citoyen peut énoncer la fienne. Quelque jour apparemment, fes accufateurs produiront leurs moyens; jufque - là les liens. paroiffent d'une grande force; ils font tous appuyés de pièces juftificatives, & tous les détails où il entre font de la clarté la plus lumineufe. Le ton de fa défenfe eft fage, ferme, noble, auffi calme que celui de la dénonciation eft violent & emporté. Mais dans une difcuffion telle que celle dont il s'agit, il a fouvent un genre de force qui en vaut bien un autre. En voici un exemple: on reproche au Miniftre une infouciance criminelle qui a expofé S. Domingne à la difette, faute d'y avoir expédié des fubfiftances. On articule ces propres

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mots: Du 5 Juillet au 20 Septembre 1789, il n'eft pas entré un feul navire de France » dans les ports de St-Domingue «. M. de la Luzerne tenant à la main les papiers publics de la Colonie, où l'on rend compte journellement du départ & de l'arrivée de tous les vaiffeaux, de leur nom, de celui du Capitaine, de leur chargement, &c. tous objets que leur publicité & leur importance met néceffairement hors de doute, préfente un relevé de 47 navires entrés dans les ports de St-Domingue, depuis le S Juillet jufqu'au zo Septembre. Il prouve qu'on y a importé 421 barils de farine venant de France, & 1769 apportés par l'étranger; d'où il réfutte que la Colonie a recu, en un mois, ce qui fuffiroit à fon approvifionnement pour fept femaines. Ce bordereau n'eft pas oratoire; mais ce ftyle eft d'une grande énergie.

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