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déjà manifeste quand j'adressais à l'Empereur ma lettre du 8 mai 1857 et quand je lui indiquais les moyens propices pour arrêter le mouvement libéral. On ne saurait nier, en tout cas, qu'aux élections du 21 juin 1857, l'opposition, comme nous venons de le dire, s'était bien réellement reconstituée, et, à l'appui de nos diverses affirmations, nous invoquerons un témoignage que personne ne pourra récuser, celui de l'Empereur lui-même.

Dans le discours qu'il prononçait, à l'ouverture des Chambres, le 18 janvier 1856, Napoléon III reconnaissait, sans détours, qu'il était arrivé à l'heure des difficultés intérieures.

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Ne l'oublions pas, disait-il, « la marche de tout pouvoir nouveau est longtemps une lutte.

D'ailleurs il est une vérité écrite à chaque page de l'histoire de la France et de l'Angleterre, c'est qu'une liberté sans entraves est impossible tant qu'il existe dans un pays une fraction obstinée à méconnaître les bases fondamentales du gouvernement, car alors la liberté, au lieu d'éclairer, de contrôler, d'améliorer, n'est plus, dans les mains des partis, qu'une arme pour renverser. »

« La liberté sans entraves, il n'y avait que les ennemis intransigeants qui pussent rèver une semblable chimère, et c'était à eux seuls que s'adressait un pareil avertissement. Mais, plus loin, le souverain parlait pour cette fraction du pays qui, sans se confondre avec l'opposition, se contentait, d'accord avec les amis clairvoyants de l'Empire, de demander de sages réformes et le contrôle du pouvoir. Il disait :

..... Comme je n'ai pas accepté le pouvoir de la nation dans le but d'acquérir cette popularité éphémère, prix trompeur de concessions arrachées à la faiblesse, mais afin de mériter un jour l'approbation de la postérité en fondant en France quelque chose de durable, je ne crains pas de vous le déclarer aujourd'hui, le danger, quoi qu'on dise, n'est pas dans les prérogatives excessives du pouvoir, mais plutôt dans l'absence de lois répressives. Ainsi les dernières élections, malgré leur résultat satisfaisant, ont offert en certains lieux un affligeant spectacle : les partis hostiles en ont profité pour agiter le pays. »

L'Empereur reconnaissait que son pouvoir personnel (ce qu'on appelait, disait-il, les prérogatives excessives de la couronne), avait été le point de mire de vives attaques et que les élections avaient donné lieu à de regrettables agitations dans le pays. Loin de laisser entrevoir une atténuation dans le régime autoritaire, il accentuait, au contraire, sa volonté de s'y maintenir en disant :

«La pacification des esprits devant être le but constant de nos efforts, vous m'aiderez à rechercher les moyens de réduire au silence les oppositions extrêmes et factieuses.

« En effet, n'est-il pas pénible dans un pays calme, prospère, respecté en Europe, de voir d'un côté des personnes décrier un gouvernement auquel elles doivent la sécurité dont elles jouissent, tandis que d'autres ne profitent du libre exercice de leurs droits politiques que pour miner les institutions? »

L'Empereur se montrait prèt à la lutte et tous, dans

son gouvernement, allaient mettre soigneusement ce mot d'ordre en pratique. On allait ainsi indisposer si sérieusement l'opinion qu'il suffirait d'une circonstance, s'écartant du courant ordinaire, pour provoquer, dans le pays, une explosion de revendications libérales.

CHAPITRE IV

LA GUERRE D'ITALIE

Surprise causée par la guerre d'Italie.

Erreurs accré

ditées sur les origines de la guerre. Les menaces et les attentats. Pianori et Orsini. La vérité sur les Les négociations entre Napo

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antécédents de la guerre.

léon III et M. de Cavour. pereur à M. de Hubner.

Menaçantes paroles de l'Em

La guerre.

tants succès de l'armée française.

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Rapides et éclaLes préliminaires de

Ce fut la guerre d'Italie, cette substitution plus apparente encore que toutes les autres de la volonté personnelle du Souverain à la volonté de la nation, qui vint provoquer cette explosion de revendications libérales que nous faisions prévoir; troubler gravement la sérénité des premières années, et bientôt même en marquer le terme. A ce moment, les plus sérieuses inquiétudes s'éveillèrent. On ne voyait pas la nécessité de cette entreprise hasardeuse. L'opinion n'avait pas plus de goût pour combattre l'Autriche, puissance conservatrice et alliée naturelle de la France, que pour aider.

grandir et unifier l'Italie, puissance révolutionnaire au fond et peu sympathique à l'Empire. Les consciences catholiques étaient en grand émoi; elles sentaient que cette commotion menaçait la sécurité temporelle du Saint-Siège. La résistance à la guerre d'Italie était manifeste. C'était tout un horizon nouveau et sombre qu'on découvrait pour l'Empire. Ce n'était plus, comme en 1854, la nécessité qui motivait la guerre, et on voyait les bienfaits de la paix sacrifiés ou à d'inutiles velléités de conquêtes, ou à un amour immodéré de gloire; ou encore à des considérations dont on contestait avec sévérité la valeur. On devenait plus soucieux peut-être de l'avenir qu'on ne l'était même du présent.

On se perdait en conjectures sur les circonstances mystérieuses qui avaient pu si soudainement provoquer cette guerre. La version la plus accréditée, celle qui reste encore dans beaucoup d'esprits, fut celle-ci : l'Empereur, disait-on, dans sa jeunesse et pendant son séjour en Italie, s'était associé aux vœux de patriotes ardents qui rêvaient l'affranchissement de la péninsule. Sur ce thème, on avait bâti beaucoup de fables. L'Empereur aurait reçu de nombreuses délégations italiennes pour l'adjurer de rester fidèle à ses anciennes aspirations. Des membres des sociétés secrètes lui auraient adressé de pressantes sommations d'agir. Les menaces de mort se seraient succédé fréquemment aux Tuileries et on voyait, dans les divers attentats contre la vie de Napoléon III, la réalisation de toutes ces menaces.

Le 28 avril 1855, aux Champs-Élysées, un italien

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