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s'appliquer principalement à faire prévaloir le mérite de la forme constitutionnelle dont ils étaient les défenseurs sur celle qui leur était offerte comme un progrès nécessaire, ils se jetaient, tous deux, contre les régimes antérieurs, dans une série de récriminations. Ils résumaient leurs attaques par cette banalité inexacte qui consistait à dire : le régime parlementaire a fait tomber deux dynasties successives; donc, c'est la pire forme de gouvernement. La préférence des organes du Gouvernement pour un pareil terrain s'expliquait d'autant mieux, du reste, qu'outre qu'ils. arrivaient, à l'aide de développements emphatiques de ce sophisme traditionnel, à ranger à leur opinion la majorité de la Chambre, ils atteignaient encore un autre résultat; ils entretenaient la faveur dont ils jouissaient à la cour. Fatale préoccupation, qui ne les abandonnait jamais et qui souvent les dominait à tel point qu'entraînés par le désir de plaire au souverain, de caresser son penchant, ils en venaient à s'isoler si complétement de leur auditoire, que le public auquel ils s'adressaient, le public des Chambres, le public du pays disparaissait à leurs yeux. Pour eux, dans ces moments d'enthousiasme, le seul public c'était l'Empereur. N'est-ce pas au moins la seule explication qu'on puisse donner à ces exagérations démesurées d'adulation qu'on trouvait dans les harangues politiques de M. Rouher et de quelques autres organes du Gouvernement?

De semblables discours, si éloquents qu'ils fussent, étaient loin de paralyser, dans le pays, l'effet produit par ceux auxquels ils essayaient de répondre.

Le mouvement libéral se développait avec intensité, et si, en 1864 et en 1865, l'opposition figurait au premier rang de ceux qui revendiquaient le contrôle, on verra qu'en 1866, c'étaient les amis de l'Empire qui s'emparaient du drapeau de cette même opposition et qui, dans un appel sincère et patriotique au pouvoir, le suppliaient de l'accepter de leurs mains pour en faire le drapeau de l'Empire régénéré.

CHAPITRE IX

L'AMENDEMENT DES 42

Nouvelles résistances de M. Rouher à toute réforme. Son

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Juste prédiction de M. Olli

Ce qu'eût dû faire le pouvoir. à faire dans les libertés demandées.

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En 1864 et en 1865, M. Thiers s'était borné à exposer les principes qu'il considérait comme la base d'un rapprochement profitable entre l'Empire et l'opposition modérée; mais on ne s'était pas compté à la suite de ces grandes luttes oratoires. L'extrême gauche seule avait, pendant les discussions de l'adresse, provoqué des votes qui ne portaient que sur quelques questions de principes, et elle restait dans son isolement, au scrutin, parce que ceux-mêmes des membres libéraux de la majorité qui, sur quelques points, partageaient son avis, renonçaient ordinairement à l'affirmer plutôt que de se confondre avec un parti qui se posait en ennemi déclaré de l'Empire.

En 1866, c'était une fraction de la majorité elle

même qui proposait un amendement dont le développement était le résumé complet du système qu'elle voulait voir substituer au système en vigueur, et c'était en protestant énergiquement de leur dévouement à l'Empire, à l'Empereur et à sa dynastie que 42 députés conservateurs demandaient, avec la plus vive insistance, au Gouvernement d'accepter certaines réformes que M. Thiers, avant eux, avait revendiquées. Le passage du paragraphe de l'adresse que l'amendement proposait de modifier était ainsi

conçu:

« Cette stabilité n'a rien d'inconciliable avec le sage progrès de nos libertés. Vous l'avez déjà prouvé, Sire, et le passé répond de l'avenir. »

L'amendement, qui, depuis, a pris le nom d'amendement des quarante-deux, substituait, au texte de la commission, la rédaction suivante (1):

« Cette stabilité n'a rien d'incompatible avec le sage progrès de nos institutions. La France, fermement attachée à la dynastie qui lui garantit l'ordre, ne

(1) Les signataires de l'amendement étaient : MM. Buffet, Chevandier de Valdrôme, Garnier, Martel, le marquis de Talhoüet, Maurice Richard, le comte de Chambrun, Lambrecht, Jules Brame, le baron de Janzé, le baron de Lespérut, le marquis d'Andelarre, Ancel, Plichon, de Dalmas, le baron de Ravinel, le baron Eschasseriaux, le vicomte de Rambourgt, le colonel Réguis, Kolb-Bernard, Latour du Moulin, LacroixSaint-Pierre, le vicomte de Grouchy, le comte Hallez-Claparède, Gellibert des Seguins, Cazelles, Lefébure, le général Lebreton, de Goerg, Stiévenard-Béthune, Planat, Malézieux, Javal, de Wendel, le marquis de Torcy, Lubonis, le marquis de Grammont, de Tillancourt, de Richemont, Piéron-Leroy, le vicomte Clary, le baron de Plancy.

l'est pas moins à la liberté, qu'elle considère comme nécessaire à l'accomplissement de ses destinées. Aussi, le Corps Législatif croit-il aujourd'hui être l'interprète du sentiment public, en apportant au pied du trône le vœu que Votre Majesté donne au grand acte de 1860 les développements qu'il comporte. Une expérience de cinq années nous paraît en avoir démontré la convenance et l'opportunité. La nation, plus intimement associée par votre libérale initiative à la conduite de ses affaires, envisagera l'avenir avec une entière confiance. » (Le surplus comme au texte de l'adresse.)

C'était M. Buffet qui avait accepté la mission de développer l'amendement, et nul, plus que lui, n'avait les qualités nécessaires pour donner à cette discussion le caractère de précision et de modération qu'il importait de lui conserver. Le premier soin de M. Buffet était de déclarer nettement, à l'extrême gauche, qu'il entendait se séparer d'elle; puis, son terrain ainsi déterminé, il développait, avec autant de logique que d'élévation, la thèse qui avait inspiré l'amendement, et qui se résumait dans la demande du droit de contrôle plus efficace et plus opportun sur la direction des affaires du pays. La doctrine de M. Buffet s'écartait sensiblement de celle de M. Thiers.

Un point important, surtout en dehors du fond même du débat, séparait les deux orateurs. Pour M. Thiers, les modifications qu'il provoquait étaient toutes, à un égal degré, immédiatement nécessaires. L'enchaînement de chacune des libertés qu'il demandait était, en quelque sorte, la condition de suc

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