Page images
PDF
EPUB

sonne, qu'il ne sentit point en lui ce ressort qui rend indomptable, pour qu'au lieu de persister dans ses premières impressions, celles qu'il avait fait lancer dans l'opinion par ses feuilles semi-officielles, il en vînt subitement à ne pas oser engager la lutte! C'est qu'il redoutait que le désir de le renverser ne prévalût même sur les intérêts du pays; et c'est sous cette impression qu'il renonçait à proposer aux Chambres de considérer comme une satisfaction mettant un terme à l'incident la solution apportée par M. Olozaga : la renonciation du prince de Hohenzollern au trône d'Espagne. Au lieu donc de déclarer fermement aux Chambres et au pays que la France avait obtenu la satisfaction qu'elle avait voulu poursuivre; que le prince de Hohenzollern ne régnerait point en Espagne ; que la double intrigue de la Prusse et de l'Espagne était ainsi mise à néant, au lieu de montrer l'accord unanime qui s'était fait avec toute l'Europe comme la sûre garantie du respect infaillible de la solution intervenue, au lieu d'imposer ainsi une sage appréciation des circonstances à ce pays engagé dans la voie des emportements, M. Ollivier recueillait pour se les approprier les exigences qu'il entendait se manifester autour de lui.

Ce n'est pas sans intention que nous continuons à nommer presque exclusivement M. Ollivier quand nous avons à parler du gouvernement. C'est qu'en effet, dans ces solennelles conjonctures, lui, plus que tout autre, était sur la brèche. A la tribune, comme en toute occasion, c'était lui qui soutenait le choc. Loin de fuir la responsabilité, il la recherchait,

croyant y trouver un honneur. C'est ainsi que, quand la plus simple discrétion eût dû lui conseiller le silence à cet égard, il se déclarait l'auteur du manifeste du 6 juillet et de celui du 15 juillet dont nous aurons bientôt à parler. Son goût pour l'absorption ne s'était jamais révélé plus vivement que dans ces graves événements. Puisqu'il a voulu cette haute notoriété, il ne nous appartient pas d'en amoindrir les proportions. La couronne et les membres du cabinet n'auront pas à se plaindre de voir ainsi leur fardeau allégé.

M. Ollivier subissait-il ou acceptait-il volontiers le rejet de la solution amiable et la guerre qui devenait inévitable? Nous voulons, plus qu'il ne l'a fait lui-même, ménager sa lourde responsabilité. Le 15 juillet il disait à la tribune du Corps Législatif :

«..... Oui, de ce jour commence pour les ministres, mes collègues et moi, une grande responsabilité. (Oui, à gauche.)

« Nous l'acceptons le cœur léger. » (Vives protestations à gauche.)

Quel triste retentissement n'a pas eu cette parole plus inconsciente que coupable « le cœur léger! » Quelles sévérités n'a-t-elle pas attirées sur M. Ollivier! Ces excès de rigueurs étaient injustes; la parole du ministre n'avait pas la portée qu'on s'était trop pressé de lui attribuer. Ce qu'il faut dire, c'est qu'il n'envisageait pas son rôle avec une gravité suffisante. Et si cette gravité manquait à ses méditations, il était naturel qu'elle lui manquât dans son langage. Le mot était simplement un mot maladroit, venant d'un

homme auquel faisait défaut le contact des hommes d'État chez lesquels, dans les entretiens familiers eux-mêmes, la parole, par habitude, est toujours sérieuse et châtiée.

M. Ollivier du reste, qui avait au plus haut degré le talent de la réplique rétablissait immédiatement le sens vrai de ses paroles. Répondant à ses tumultueux interrupteurs, «..... Oui, d'un cœur léger, s'écriait-il, et n'équivoquez pas sur cette parole, et ne croyez pas que je veuille dire avec joie, je vous ai dit moi-même mon chagrin d'être condamné à la guerre; je veux dire d'un cœur que le remords n'alourdit pas, d'un cœur confiant..., etc. »

Quelle était, en résumé, la pensée vraie, intime, de M. Ollivier sur cette question de paix ou de guerre ? Il reste là un mystère difficile à pénétrer. Ses impressions furent variables. Pour nous, M. Ollivier avait cru, au début, s'engager simplement dans une négociation dont l'issue serait son salut et sa gloire; et ce succès pacifique manquant à ses calculs, ce n'était que comme une alternative répugnant à ses préférences qu'il se résignait à devenir l'interprète d'exigences nouvelles et provocatrices. Mais il fallait sauver le cabinet, et soucieux de sa conservation avant tout, M. Ollivier n'avait pas hésité à faire adresser à notre ambassadeur par M. le duc de Gramont un ultimatum qui ne laissait au roi de Prusse d'autre alternative que l'humiliation ou la guerre. Quelle réponse pouvait-on attendre à une pareille sommation? La

guerre.

CHAPITRE XXIV

LES RESPONSABILITÉS DE LA GUERRE
ET DE LA RÉVOLUTION

L'opposition systématique. Son rôle dans la question Hohenzollern. Ses contradictions et ses responsabilités. Les doctrines parlementaires méconnues. - Les avantages d'une position nette. Les dangers d'une situation équivoque. La déclaration du 16 juillet. Comment on reconnaît que la France ne voulait pas la guerre. miers revers. Chute de M. Ollivier. Le ministère du Le 4 septembre.

10 août.

[ocr errors]

Nos pre

Si dans ces jours à jamais néfastes, où le fléau de la guerre apparaissait comme une imminente réalité, on se fût demandé quelles causes conduisaient le pays à cette redoutable extrémité, un esprit attentif et impartial n'eût pas tardé à répondre Parmi les causes diverses qui ont amené la guerre, il faut signaler d'abord l'attitude coupable, antipatriotique qu'affectait l'opposition depuis plusieurs années; il faut signaler encore l'oubli qui était fait de la saine pratique du régime parlementaire.

Examinons d'abord quelle part revient à l'opposition dans ces terribles événements; quelle influence ses excitations ont exercée sur l'opinion et sur les décisions du gouvernement.

Nous avons vu quelles paroles imprudentes le gouvernement avait fait entendre, le 6 juillet, à la tribune du Corps Législatif. Un pareil langage créait, pour la paix, un véritable péril; mais ce qui en augmentait encore la gravité, c'était l'animosité à laquelle était arrivée une partie du pays depuis 1866, sous l'incessante excitation de l'opposition. M. Ollivier n'avait pas suffisamment réfléchi aux obligations et aux réserves que lui imposait un semblable état de choses.

Quand, dans des circonstances graves, un homme d'État s'adresse à la nation, et c'était bien à la nation que s'adressait M. Ollivier dans le manifeste du 6 juillet, sa première préoccupation ne doit-elle pas être de s'inspirer de l'état des esprits, des mobiles qui les animent, de l'effet, en un mot, que produira la parole du gouvernement? Quel était, au point de vue des susceptibilités nationales, puisque c'était sur ce terrain qu'on allait se placer, quel était l'état des esprits?

Depuis plusieurs années, la France était en proie à un mal qui avait pris d'inquiétantes proportions; ce mal, c'était l'opposition systématique. Pour mieux caractériser leur but, les hommes qui dirigeaient ce mouvement avaient pris soin d'écrire sur leur drapeau la devise qui résumait leurs volontés sans détour; ils s'étaient eux-mêmes qualifiés d'irrécon

« PreviousContinue »