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voulons aussi marcher avec le siècle, mais pour atteindre sûre- No. 2368. ment notre but, nous entendons imiter la marche de la tortue; 1858 nous ne voulons pas des écarts du lièvre. Festina lente (hâtez vous lentement) est et sera constamment notre devise. Nous || voulons des lois et des institutions en harmonie avec nos moeurs et nos traditions; car les lois, comme dit Montesquieu, «doivent être tellement propres au peuple pour lequel elles sont faites, que c'est un très grand hasard si celles d'une nation peuvent convenir à une autre.» (Esprit des lois, L. I, Ch. 3.) | Mais, avant tout, nous voulons une bonne Chambre pour faire nos lois et un bon hospodar pour les exécuter. Ce n'est pas sans intention que nous avons fait précéder la question de l'hospodar de celle de la Chambre. Nous partageons, à cet égard, l'opinion de nos adversaires politiques. En effet, nous sommes convaincus que c'est de la bonne constitution de notre première Assembée représentative que dépend le choix d'un hospodar, capable de coopérer, avec elle et la commission centrale, à l'élaboration de nos lois et de veiller à leur stricte application. Il est encore une autre question au sujet de laquelle nous nous rencontrons sur le même terrain avec nos adversaires politiques: c'est celle des mandats impératifs prônés et défendus avec tant de chaleur par quelques personnes. Cette question a soulevé une vive polémique entre les journaux et elle a été puissamment combatue par «l'Etoile du Danube», la «Roumanie», etc. Aussi, ne prétendons-nous pas apporter de nouvelles lumières dans cette discussion, mais nous essayerons pour le moins de dire notre manière de penser sur ce sujet. Nous tirerons nos arguments et nos conclusions du texte même de la convention du 7 (19) Août. L'art 10 de cette convention dit, il est vrai, que l'hospodar sera élu à vie par l'Assemblée; mais l'art. 16 dit aussi que l'Assemblée sera élue pour sept ans, et les art. 5, 6, 14, 15, 20, 22, etc. déterminent la compétence de cette Assemblée, qui n'est pas limitée à l'élection de l'hospodar seulement. Cet acte n'est que transitoire, tandis que les autres attributions de la Chambre élective impliquent continuité. Voyons maintenant ce que c'est qu'un mandat. Le mandat, juridiquement parlant, est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom. Il est ou spécial et pour une affaire ou pour certaines affaires seulement, ou général et pour toutes les affaires du mandant. Comme l'Assemblée est appelée à exercer le pouvoir législatif après l'élection de l'hospodar, et à

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No. 2368. s'occuper de l'assiette des impôts, du règlement annuel des budgets, du contrôle des actes de l'administration, etc., il s'ensuit qu'elle est mandataire générale du pays et que ses membres ne sauraient accepter des mandats impératifs; il n'y a que les mandats spéciaux qui puissent contenir des clauses restrictives. Mais, si nous admettons aujourd'hui le principe des mandats impératifs, que ferons nous dans l'éventualité d'une nouvelle élection de l'hospodar, pendant que l'Assemblée est réunie? Est-ce à dire que les députés seront tenus de se présenter alors devant leurs collèges électoraux pour être munis de nouveaux mandats? Mais l'art. 12 de la convention ne prévoit pas ce cas; il stipule seulement et simplement que «lorsque la vacance (du trône) se pro«<duira, si l'Assemblée est réunie, elle devra avoir procédé dans les «<huit jours à l'élection de l'hospodar», etc. Le même article dit

plus bas que la présence des trois quarts du nombre des membres inscrits sera exigée pour qu'il soit procédé à l'élection. Et, plus bas encore, que «dans le cas où, pendant les huit jours, l'é<«<lection n'aurait pas lieu, le neuvième jour à midi, l'Assemblée pro<«cèdera à l'élection, quel que soit le nombre des membres pré<«<sents.» Que demandent les défenseurs des mandats impératifs ? Que l'hospodar soit l'élu de la nation et non de l'Assemblée. Mais, dans le cas d'une nouvelle élection de l'hospodar, et en supposant même, pour un instant, que tous les collèges électoraux se soient entendus sur le choix de la personne à recommander à leurs mandataires, ce qu'avec la meilleure volonté du monde nous ne saurions croire possible-,qu'arriverait-il? Ou que les députés se trouveraient dans l'obligation de faire renouveler leurs mandats, et alors ce serait une contravention à l'article que nous venons de citer, un coup de canif dans la convention; ou bien que l'hospodar ne réunirait pas les suffrages des mandataires de toutes les circonscriptions électorales, - l'article sus-mentionné astreignant l'Assemblée à procéder à l'élection le neuvième jour, quel que soit le nombre des membres présents, et alors l'hospodar ne serait pas l'élu de la nation, mais de la minorité de la Chambre. Mais, si nous sommes contraires aux mandats impératifs, nous n'en voulons pas moins que les députés consultent l'opinion de leur mandants sur le choix du prince à élire; nous n'en voulons pas moins que les collèges électoraux investissent de leur confiance des hommes probes, désintéressés, doués d'un jugement sain, ayant en vue le bien de leur patrie, possédant des

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principes de religion et de morale et des connaissances suffisantes No. 2368. pour remplir dignement leur mandat. Aussi, à la veille du jour solennel où nous allons poser la première pierre de notre nouvel édifice social, de ce jour où vont être jetés les dés qui vont décider de notre avenir, élevons notre humble voix pour faire un appel à la conscience de nos concitoyens. Que tous ceux qui sont appelés à exercer le plus sacré des droits politiques, se pénètrent bien du sentiment de leurs devoirs; qu'ils se dépouillent de toute passion, de tout esprit de parti, qu'ils réflé chissent que les députés qu'ils vont nommer pour sept ans, ont une mission aussi grave que difficile à remplir celle d'élire le chef du pouvoir exécutif, de faire des lois, cette âme des nations, d'asseoir les impôts, de contrôler le maniement des deniers publics; qu'ils réfléchissent que leur avenir, celui de leurs enfants, est dans les mains de ces députés, et qu'ils votent, en toute liberté de conscience, pour les plus capables, pour les plus dignes de leur confiance.

No. 2369. Articolul d-lui Saint Marc-Girardin asupra
Principatelor-Unite, publicat de ziarul «Jour-

nal des Débats» din 9 (21) Decembrie 1858.
Paris.

(Românul", No. 10, din 24 Ianuarie (5 Februarie) 1858.)

Nous avons sous les yeux la protestation envoyée par les Va- No. 2369. laques contre les actes de la Caïmacamie de Bucarest 1), et comme 1858 nous pouvons donner créance aux plaintes comprises dans cette 21 Dec. protestation, nous nous demandons quelle est la triste comédie qui se joue en ce moment sur les bords du Danube. Nous apprenons en outre que la Caïmacamie, par un décret du 27 Novembre (9 Décembre) dernier 2), a menacé de traduire devant la justice criminelle quiconque oserait protester contre ses actes et s'adresserait aux Puissances garantes. Nous comprenons facilement que la Caïmacamie ait peur que la vérité n'arrive jusqu'aux souverains qui, d'après les traités, sont les protecteurs des Princi

1) Cf. Vol. VII, No. 2261, p. 1053. 2) Cf. Vol. VII, No. 2255, p. 1043.

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No. 2369. pautés-Unies; nous espérons cependant que, malgré toutes les menaces de la Caïmacamie de Bucarest, la vérité parviendra jusqu'aux trônes européens. Et nous sommes certains qu'elle sera bien accueillie. Le droit des souverains garants est de savoir tout; le droit des Valaques opprimés est de faire connaître tout; et ceux qui cherchent à étouffer la vérité, soit en supprimant illégalement la liberté de la presse, soit en traduisant en justice criminelle ceux qui protestent contre l'oppression, non seulement violent la convention du 19 Août 1858, mais encore déshonorent la majesté des souverains de l'Europe, car ils leur imposent la complicité de leur fourberie, par la terreur qu'ils répandent autour d'eux. Le traité de Paris du 30 Mars 1856 et la convention du 19 Août 1858 ont voulu que les Principautés-Unies Danubiennes élisent elles-mêmes leurs hospodars; mais qui ne comprend pas que, si cette élection n'est pas libre, l'Europe est trompée, et ce non seulement dans ses bons sentiments, mais aussi dans ses intérêts. En effet, l'Europe a de l'intérêt à ce que les Principautés-Unies du Danube se créent une force définitive, par une élection libre et régulière, et cherche à faire cesser le provisoire qui menace l'avenir des Principautés, entretient l'inquiétude en Europe ef trouble la paix européenne. Tout le monde sentait, en 1856, combien il était important que les hospodars moldaves et valaques fussent élus en toute liberté, sincèrement et régulièrement. Dans le protocole de la séance du Congrès de Paris du 8 Avril 1856, le comte de Clarendon «fait remarquer que le Congrès s'est avant «tout proposé, en s'occupant des Provices Danubiennes, de pro«voquer l'expression, librement émise, des voeux des populations, «et que cet objet pourrait ne pas se réaliser, si les hospodars re«<staient en possession des pouvoirs dont ils disposent, et qu'il y au<«<rait lieu, peut-être, de rechercher une combinaison de nature à assurer «une liberté complète aux Divans ad-hoc.» 1) Le même jour, Aalipacha, plénipotentiare turc, reconnaît «que l'administration actuelle (c'est-à dire celle de l'hospodar valaque de 1856 et de ses minis«tres) ne présente pas, peut-être, toutes les garanties que le Con«grès pourrait désirer.» 2) Les hospodars de 1856 cédèrent donc le pouvoir à des caïmacams, sous lesquels furent élus les Divans de Valachie et de Moldavie, chargés de rédiger les vœux des po

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pulations danubiennes. Nous regrettons que les Divans, chargés No. 2369. d'exprimer les voeux politiques et sociaux des Principautés, ne fus sent pas investis en même temps du droit d'élire les hospodars. Nous savons bien qu'à cette époque là, on espérait plus qu'un hospodarat dans les Principautés: on espérait l'Union sous un prince étranger. Quoi qu'il en soit, de nouvelles élections sont maintenant nécessaires pour élire des hospodars, et la Porte a nommé une nouvelle Caïmacamie pour administrer le pays pendant ces élections. Mais s'il est vrai, ainsi que nous nous en sommes persuadués, que la Caïmacamie de Bucarest, nommée par la Porte ottomane, est composée d'hommes qui, en 1856, étaient ministres de l'hospodar écarté par la décision du Congrès, que devons-nous croire de la combinaison de cette sorte? Voilà des hommes qui, en 1856, ont été écartés, parce qu'on craignait qu'ils ne se servissent du pouvoir dont ils disposaient dans le but d'empêcher la libre expression des vceux des populations; et les mêmes hommes précisément sont chargés, en 1858, d'administrer le pays pendant les élections hospodarales! L'Europe tiendrait-elle moins à la liberté et à la sincerité aux élections hospodarales qu'aux élections de 1856? L'élection de l'hospodar n'aurait-elle pas une influence immense sur l'avenir du pays? Et la Caïmacamie n'agit-elle pas précisément dans ce sens, si nous en croyons la protestation adressée aux Puissances garantes? Elle compose les listes électorales, en s'efforcant d'en exclure tous les électeurs qui ne lui plaisent pas; elle supprime les journaux et la liberté de la presse; elle modifie les conditions d'éligibilité, selon son bon plaisir; elle destitue d'une façon arbitraire les sous-préfets et les remplace par ses créatures, bien qu'en Valachie, les sous-préfets soient des magistrats électifs; elle envoie dans les préfectures des officiers généraux de l'armée, pour intimider et diriger l'administration civile. Nous ne parlons ici que des mesures les plus récentes. Voilà comment la Caïmacamie prépare les élections hospodarales. Elle est persuadée qu'avec l'aide de la Turquie et le consentement de l'Autriche, elle n'a pas à craindre l'Europe et qu'elle peut violer la convention du 19 Août 1858 comme il lui plaît. Elle va à son but sans scrupule ; ce but est de faire élire à tout prix son candidat, pour pouvoir ensuite répondre à l'Europe: Tout est fini; l'hospodar est nommé; maintenant, il n'est plus question des Principautés. En faisant ce calcul, la Caïmacamie compte sur la lassitude de l'Europe. Elle pense que beaucoup de monde sera enchanté de voir la

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