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la saisie-arrêt; car l'art. 567 du même Code ordonne impérativement que les demandes en main-levée ou nullité des saisies-arrêts soient portées devant le tribunal du domicile de la partie saisie; et que cette disposition, qui ne reçoit pas d'exception, est applicable même au cas d'un jugement ou d'une ordonnance rendue par suite de l'attribution portée en l'art. 60, C. P. C. ; — Attendu que le tribunal de Tournon a encore excédé ses pouvoirs, en défendant l'exécution du jugement dụ tribunal de Lyon, qui n'était pas soumis à son autorité; . Attendu, d'autre part, que la légitimité et le montant de la créance, qui avaient donné lieu à la saisie-arrêt, étant soumis au tribunal de Tournon, le tribunal de Lyon ne pouvait pas, durant la litispendance, prononcer, par les moyens du fond, sur la validité de la saisie-arrêt causée pour raison de cette créance; d'où il suit que les deux tribunaux ont excédé leurs pouvoirs; procédant par règlement de juges, et sans s'arrêter au jugement du tribunal de Lyon, du 12 juillet 1816, non plus qu'à celui du tribunal de Tournon, du 24 du même mois, qui sont déclarés comme non avenus, ordonne que, sur la demande en taxe et condamnation de frais, les parties procéderont préalablement devant le tribunal de Tournon, conformément à l'art. 60, C. P. C., sauf à elles à poursuivre ultérieurement la validité ou invalidité de la saisie-arrêt dont s'agit, s'il y a lieu, par-devant les juges du tribunal de Lyon, tous frais et dépens demeurant compensés. »

109. Quand des négocians sont en compte courant, on ne peut faire rẻsulter un titre de créance, de nature à motiver une saisie-arrét, de la déclaration faite par l'un d'eux, qu'il reconnaît divers articles du compte qu'on lui adresse, et qu'il s'en débite, tant que la balance des comptes respectifs n'est pas établie.

110. Un mandataire comptable peut être déclaré débiteur jusqu'à la reddition de son compte.

Les sieurs Laclotte et Lamarque, négocians de Bordeaux, souscrivirent, le 18 mars 1813, un traité avec les sieurs Georges Ferrière et compagnie, par lequel ceux-ci se chargèrent de l'armement et de l'expédition d'un navire appartenant aux sieurs Laclotte et Lamarque, à la destination de Londres. Par l'art. 5 de ce traité, les propriétaires du navire accordèrent aux armateurs une commission de einq pour cent sur le fret brut d'allée et de retour.-L'art. 7 porte: « Nous, Georges Ferrière et compagnie, nous engageons envers Laclotte et Lamarque à faire les avancés relatives à la présente opération; mais à condition que dans aucun cas elles ne pourront excéder la somme de 50,000 fr., comptés ou à découvert, et que ces mêmes avances nous rapporteront six pour cent par an, d'après le compte d'intérêt qui sera ouvert pour et contre la présente opération; et qu'au bout de neuf mois, à dater de ce jour, et, au plus tard, Dous aurons la faculté de nous faire

rembourser ce qui pourra nous être dû, sauf à liquider plus tôt nos comptes respectifs, si nous le pouvons, par le produit des frets que nous aurons à toucher, ou par le produit des assurances.» Au moyen de licences anglaises et françaises, le navire fut armé pour le compte des propriétaires, sous le nom et avec les papiers simulés d'un négociant étranger; conformément à l'art. 7 précité, les sieurs Georges Ferrière et compagnie firent les avances nécessaires pour cette opération. Mais l'expédition ne fut pas heureuse : le bâtiment échoua à Plimouth, et les marchandises furent délivrées aux déchargeurs, parce que le bâtiment fut déclaré réparable. Bientôt après les sieurs Georges Ferrière et compagnie adressèrent leur compte aux sieurs Laclotte et Lamarque, et ils s'y portèrent créanciers pour solde d'une somme de 68,463 fr. 35 c., va leur au 31 décembre 1813.-Par une lettre du 4 février 1814, les sieurs Laclotte et Lamarque leur répondirent qu'ils feraient vérifier ce compte, pour leur en assurer le montant, en ajoutant toutefois que les sieurs Georges Ferrière et compagnie avaient à les créditer, par contre, de diverses sommes qui balanceraient au moins leur crédit. Dans une seconde lettre, du 15 février, les sieurs Laclotte et Lamarqué disaient à leurs correspondans : « Nous vous confirmons, Messieurs, notre lettre du 4 de ce mois; nous avons fait vérifier et reconnu juste le compte que vous nous avez remis. par votre lettre du 31 du mois dernier.» Les choses en étaient demeurées dans cet état pendant plusieurs années, et il n'avait été procédé à aucun règlement des comptés respectifs, lorsque, le 8 juillet 1817, les sieurs Georges Ferrière et compagnie présentèrent requête à M. le président du tribunal de première instance de Bordeaux, pour se faire autoriser à former diverses oppositions au préjudice des sieurs Laclotte et Lamarque, jusqu'à concurrence de la somme de 68,643 fr. 35 c., dont ils se prétendaient leurs créanciers, aux termes de la lettre du 15 février 1814. En vertu d'une ordonnance interVenue sur leur requête, diverses oppositions furent en effet formées entre les mains d'un grand nombre de débiteurs de MM. Laclotte et Lamarqué. Ceux-ci se pourvurent en main-levée devant le tribunal de *première instance de Bordeaux ; mais ils furent déboutés de leur demande par un jugement du 18 juillet. — Appel devant la Cour royale de la même ville, qui rendit l'arrêt suivant, le 1 août 1817: — « La Cour...... Considérant que le principe invariable qui doit décider la justice dans l'examen des saisies-arrêts, c'est de ne les valider que quand le saisissant est porteur d'un titre, ou qu'il est présumé créancier ; Considérant que, dans l'usage du commerce, les négocians qui sont en compte réciproque allouent des articles de ce compte, les reconnaissent vrais et sincères, s'en débitent même, mais ne s'obligent pas à les payer, lorsqu'en même temps ils établissent un crédit en leur faveur pour la même opération, ou pour des opérations semblables, et pour une suite d'af

faires qui sont liées; que, dans les comptes courans et réciproques, c'est la balance qui clôt le compte, qui démontre quel est le créancier ou le débiteur; - Considérant, dans la cause que Georges Ferrière se porte créancier pour les avances faites dans l'armement du navire, que, par la lettre du 4 février 1814, Laclotte et Lamarque se créditent du montant, mais sous la réserve de le débiter en même temps de ce qu'il pourra leur devoir; qu'ils ne contractent pas l'obligation pure et simple de le payer; et qu'on ne peut pas séparer dans la même lettre la reconnaissance de la régularité de ces comptes, d'avec les autres expressions par lesquelles les intentions de cette maison sont manifestées; Con'sidérant que Georges Ferrière s'est chargé de faire, sous son nom, ét pour le compte de la maison Laclotte et Lamarque, l'armement du navire dont il s'agit ; que les conventions arrêtées entre les parties sont consignées dans un acte avéré et reconnu ; que la Cour ne doit pas prononcer sur leurs différens; qu'elle doit même s'abstenir de rien préjuger à cet égard; mais qu'il est évident que Georges Ferrière est devenu mandataire de la maison Laclotte et Lamarque ; qu'il l'est au prix d'une commission qui a été réglée; que, mandataire, il doit rendre comptc; qu'il n'a pas rendu son compte; qu'un comptable, qui ne rend pas son, compte, est présumé débiteur; qu'au surplus, il ne ticnt qu'à Georges Ferrière de produire son compte, de le rendre ainsi qu'il est tenu, et, s'il n'est pas reconnu, de le faire juger par des arbitres qui, aux termes de leur traité, doivent juger les parties; Considérant que, pour statuer sur les dommages-intérêts réclamés, il faudrait connaître la vraie situation des parties; qu'il n'est pas possible de la connaître dans le moment, et qu'elle ne sera bien connue que quand la cause sera réglée au fond; Faisant droit sur l'appel, interjeté par Lamarque, du jugement rendu par le tribunal de première instance de Bordeaux, le 18 juillet 1817, a mis et mét ledit appel et ce dont a été appelé au néant ;— Émendant, annulle les saisies-arrêts faites à la requête de Georges Ferrière, au préjudice de Laclotte et Lamarque, par le procès-verbal du 8 juillet; Sur les dommages-intérêts réclamés par Laclotte et Lamarque, déclare n'y avoir lieu de prononcer quant à présent, sans préju dice à eux de se pourvoir quant à ce, quand et devant qui il appartiendra, fait main-levée de l'amende consignée à raison de l'appel, condamne Georges Ferrière aux dépens. »

111. La voie de l'opposition est ouverte contre une ordonnance du président qui permet de faire une saisie-arrêt. ›

112. Les tribunaux français ne sont pas compétens pour ordonner une saisie-arrêt entre deux étrangers en vertu d'un titre passé à l'étranger. (Art. 14, C. C.) (1).

(1) Lorsqu'une saisie-arrêt a été faite en France par un Français au

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Le sieur Georges Williams, négociant américain, forme, en vertu d'ordonnance du président du tribunal de première instance de Bordeaux, une saisie-arrêt entre les mains du sieur Maillères, sur des sommes appartenant au sieur Lewis, américain, dont il se prétend créancier. Cette saisie n'est ni dénoncée ni suivie d'assignation en validité. Lewis, au lieu d'en demander directement la main-levée, forme opposition à l'ordonnance du président,. et se fonde sur le motif: 1o qu'à cause de sa qualité d'étranger, les tribunaux sont incompetens; 2o que la créance a pour cause des opérations de commerce faites aux ÉtatsUnis.-Jugement qui au fond reconnaît la nullité de la saisie, mais, en la forme, déclare irrégulière l'opposition formée à l'ordonnance du président. — Appel, et le 16 août 1817, arrêt de la Cour de Bordeaux, conçu en ces termes: — « La Cour... Considérant que la voie de l'opposition est la forme de procéder autorisée par nos lois, pour faire rétracter un jugement ou une ordonnance qui est opposée à une partie qui n'a pas été entendue; Que cette voic est la seule qui puisse être employée devant les premiers juges; que la loi a voulu qu'elle fût épuisée avant de recourir à l'autorité supéricure, puisque l'appel n'est pas recevable pendant le délai de l'opposition; Qu'il faut une disposition expresse de la loi pour interdire la faculté de faire opposition à un jugement qui gêne l'exercice de nos droits; qu'à l'égard des ordonnances sur référé, qui n'ont jamais pour objet que des matières urgentes qui sont prononcées à l'audience et dans lesquelles ces parties peuvent être entendues, le législateur a interdit la faculté de faire opposition, a permis l'appel, et en a abrégé les délais pour procurer une plus prompte expédition de ces affaires; que, soit qu'une partic ait été assignée ou qu'elle ne l'ait pas été, la faculté de former opposition est de droit, si elle n'est formellement prohibée; que notre législation serait incomplète si un acte quelconque, émané de l'autorité judiciaire, pouvait devenir un perpétuel obstacle à l'exercice des droits de celui qui n'aurait été ni entendu, ni appelé pour se défendre ;- Considérant que les tribunaux qui sont investis par le souverain, du pouvoir de rendre la justice doivent restreindre l'exercice de ce droit dans les limites qui sont tracées par le droit civil, qui est d'accord avec le droit public;

Qu'il ne s'agit pas dans la cause d'une opération commerciale faite en

préjudice d'un étranger, les tribunaux français sont compétens, d'après l'art. 14, C. C., pour connaître de la validité. Mais quel sera le tribunal? M. Ler., p. 392, 2o al., pense qu'il faut suivre le domicile du tierssaisi. Nous partageons d'autant plus cette opinion, que l'art. 567, C. P. C., ne pouvant être appliqué, le saisissant peut invoquer l'art. 59, 2o al., aux termes duquel, lorsqu'il y a plusieurs défendeurs, l'assignation est donnée devant le tribunal du domicile de l'un d'eux.

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France, ni d'une action relative à des immeubles situés en France, ni de l'application des lois de police ou de sûreté ; Qu'il ne s'agit pas non plus d'un jugement ou d'un acte passé en pays étranger dont on demanderait l'exécution en France; - Que la contestation proposée ne s'est pas élevée entre un Français et un étranger; que ce sont deux étrangers qui se présentent, tous deux domiciliés hors du territoire français, qui ont traité hors de la France, et dont l'un réclame le privilège précieux de rester soumis à son gouvernement et d'être jugé suivant les lois de son pays; qu'enfin le tribunal de Bordeaux était incompétent pour accorder à l'un la permission de faire une saisie au préjudice de l'autre ; Faisant droit de l'appel interjeté par Lewis du jugement rendu par le tribunal de première instance de Bordeaux, le 24 juin dernier, ainsi que de l'ordonnance rendue par le président du tribunal, le 12 février précédent, déclare nuls ledit jugement, ladite ordonnance, et tout ce qui s'en est suivi; ordonne què l'amende consignée par Lewis à raison de son appel lui sera restituée; condamne Williams aux dépens, etc. »

OBSERVATIONS.

La saisie-arrêt n'ayant pas été suivie de demande en validité, devenait caduque aux termes de l'art. 565, C. P. C.; ce n'était point par opposition à l'ordonnance du président qu'il fallait se pourvoir, mais par une demande directe en nullité devant le tribunal. L'effet de l'opposition est de ramener les parties devant l'autorité qui a rendu l'acte judiciaire attaqué. Or, le président n'aurait pas pu statuer sur la saisiearrêt, le tribunal seul en avait le droit. Ce n'était donc point par voie d'opposition, mais par demande directe que le sieur Lewis devait se pourvoir. Au surplus il ne nous semble pas, en principe général, que l'on puisse jamais former opposition à l'ordonnance du président qui permet une saisie. Nous pourrions d'abord invoquer l'art. 809, C. P. C., et faire ressortir l'analogie et l'identité des motifs qui existent entre l'un et l'autre cas. Il y a, ce nous semble, une raison plus forte encore : la voie d'opposition n'est et ne peut être permise que dans les cas où il est nécessaire que la partie soit appelée, dans les cas où il est procédé par défaut contre elle. Les ordonnances portant permis de saisies ne sont jamais contradictoires; c'est un simple contrôle auquel doivent être soumises les prétentions du demandeur. Le président ne juge rien ; il ne fait que vérifier si la créance paraît assez certaine, assez évidente, pour que le demandeur puisse entrer en lice et soutenir la validité de la saisie. L'opposition aurait encore un inconvénient grave: elle paralyserait l'ordonnance et offrirait au débiteur de mauvaise foi le moyen de lever ses fonds avant la saisie. Quant à l'objection tirée du préjudice que peut causer la saisie, et de l'intérêt qu'a le débiteur de l'éviter, la

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