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Jouesne a établi qu'il avait payé en 16 articles, en l'acquit de Rabussier, 1,119 fr. 85 c., d'où il résultait qu'il était en avance de 19 fr. 85 c. ; que Rabussier, ayant examiné ce compte, a déclaré devant le no taire et en présence de Jouesne, qu'il n'élevait aucune contestation sur les paiemens faits en son acquit et mentionnés aux art. 1, 2, 3,4, 5,6,7, 10, 11, 11 bis, 12, 13, 14 et 15, montant au total à la somme de 724 fr. 55 c.; de sorte qu'il ne restait plus de difficulté entre les parties que pour la somme de 375 fr. 45 c. ; d'où il suit que le tribunal de première instance n'ayant eu à statuer que sur ce modique intérêt, á rendu un jugement souverain; déclare l'appel du jugement rendu le 6 décembre 1814, par le tribunal d'Issoudun, purement et simplement non recevable, et condamne l'appelant en l'amende et aux dépens. »

HUITIÈME ESPÈCE. Un arrêt de la Cour royale d'Orléans, en date du 2 avril 1819, décide que « s'il est vrai de dire que c'est la demande originai>>rement dirigée qui saisit la juridiction, et détermine l'attribution du » dernier ressort, cela ne doit néanmoins s'entendre que du cas où la >> demande originaire est restée la même pendant le cours de l'instance, » et n'a éprouvé aucune réduction volontaire de la part de celui qui l'a » dirigée. Cette réduction, au-dessous de 1,000 fr. fixant le contrat » judiciaire, élève contre l'appel une fin de non-recevoir insurmontable.» (COL. DEL.)

NEUVIÈME ESPÈCE. Même décision dans un cas à peu près semblable en matière de commerce. Le demandeur concluait au paiement d'une somme excédant le dernier ressort, mais il offrait lui-même de porter en déduction ce qu'il pouvait devoir à son adversaire. Cette opération ayant été faite, l'action a dû être seulement considérée comme étant inférieure à 1,000 fr., et l'appel non recevable. - Arrêt du 3 avril 1819, dans l'affaire Boulet C. Langlois-Vesnier. (COL, DEL.)

DIXIÈME ESPÈCE. Arrêt du 21 mai 1819, de la Cour d'appel de Nismes, ainsi conçu : - « La COUR... Attendu que par la citation introductive d'instance, la dame de Cabrières demandait que Rebuffat et compagnie fussent condamnés à lui rendre les appartemens dont il s'agit au procès dans l'état où ils se trouvaient lors de la vérification qu'en avait faite le juge de paix, si mieux n'aimaient lesdits Rebuffat et compagnie payer le montant des dégradations qui avaient été commises auxdits appartemens, suivant l'estimation qui en serait faite par experts; que des experts ayant procédé en exécution du jugement du 30 septembre 1816, et ayant estimé lesdites dégradations à la somme de 508 fr. 30 c., l'avoué de ladite dame de Cabrières fit signifier, le 30 décembre suivant, des conclusions tendantes à l'homologation du rapport et au paiement de ladite somme; que, soit par l'effet de ladite estimation, soit par lesdites conclusions, le litige se trouva fixé à

cette somme, et que, malgré que par les dernières conclusions prises au nom de ladite dame, lors du jugement définitif, son avoué demandât l'adjudication des fins de sa citation, l'objet de la contestation n'en devint pas pour cela indéterminé, puisque ayant réclamé, par ladite citation, le paiement de la somme qui serait fixée par experts, cette fixation ayant cu lieu, et l'estimation dont elle était le résultat n'étant point querellée, tout se référa nécessairement à ladite estimation. —Qu'il suit de ces diverses considérations, que le jugement du 23 avril 1818 n'a pu être rendu qu'en dernier ressort; déclare ToussaintMarcel Gontier non recevable dans son appel du jugement rendu par le tribunal de première instance de Nismes, le 23 avril 1818, etc. »

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ONZIÈME ESPÈCE. Arrêt de la Cour de Metz, rendu dans le même sens, le 22 août 1821 et ainsi conçu :— « LA COUR.....Attendu qu'il est interdit aux tribunaux d'accorder ultrà petita, et qu'ainsi ils ne peuvent que prononcer sur les conclusions, soit augmentées, soit restreintes par les parties avant le jugement: ces conclusions fixent le litige et déterminent conséquemment le premier ou le dernier ressort, sans qu'il soit besoin d'en faire d'autre mention; —Attendu que celles signifiées, de la part de Coche ayant restreint sa demande à une somme inférieure à 1,000 fr., le jugement dont est appel n'a pu être rendu qu'en dernier ressort, conformément à la disposition de la loi du 24 août 1790; Ia circonstance qu'un jugement par défaut avait déjà prononcé sur la demande originaire qui surpassait 1,000 fr. 'est indifférente dans la cause et ne peut être prise en considération, puisque ce jugement ayant été attaqué par la voie de l'opposition et rapporté, il est resté sans force, et les parties ont été remises au même et semblable état où elles se trouvaient auparavant; - Attendu que si l'appel de Coche n'est pas recevable, par les mêmes raisons celui interjeté par Barrois, en son nom personnel, doit être écarté, etc.; par ces motifs, reçoit les époux. Barrois opposans à l'arrêt par défaut... statuant au principal, déclare les deux appels non recevables. »

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OBSERVATIONS.

L'article 61, C. P. C., veut que l'exploit introductif d'instance contienne l'objet de la demande; « Mais, dit M. CARR. COMP., t. 1, p. 83, » der. alin., la compétence du juge n'est point invariablement fixée par >> les conclusions littérales de l'exploit introductif; le demandeur peut y >> apporter pendant le cours de l'instruction toutes les modifications qu'il » juge nécessaires, pourvu toutefois que les conclusions modifiées se trou>> vent comprises au moins tacitement, ou indirectement dans les conclu»sions primitives. » Voy aussi M. B. S. P., t. 1, p. 239, 2e alin.) II suit de là que c'est le dernier état des conclusions respectivement prises par les partics qui fixe celui de la cause et la compétence du juge; si

donc le demandeur, par des conclusions additionnelles, élève sa demande primitive à une somme supérieure à 1,000 fr., il y aura lieu à appel, et c'est ce qui a été effectivement décidé par la Cour de cassation le 2 germinal an 9. (Voy. suprà, no 11, et M. CARR. COMP., t. 2, p. 14, 8e alin.) Si, au contraire, la demande a été réduite à une somme inférieure à 1,000 fr., quoique primitivement elle excédât ce taux, le jugement sera en dernier ressort. C'est ce que décident les nombreux arrêts que nous venons de rapporter, auxquels on peut joindre ceux qui se trouvent infrà, nos 69, 158 188, 210, 238, 267, et 311; et J. A. t. 23, p. 24; t. 24 p. 213; t. 28, p. 95; t. 30, p. 331, et t. 34, p. 265 ; cependant on a quelquefois jugé le contraire (Voy. notamment J. A., t. 34, p. 265, note); mais, dit M. MERL. Q. D., t. 2, § 4, no 2, vo Dernier ressort, « c'était une erreur manifeste. En effet, il est de principe que, » pour déterminer s'il y a lieu ou non au dernier ressort, on ne doit » considérer que le chef de la demande qui est contesté par le défen» deur. Or, il est évident qu'il'n'y a ni ne peut y avoir de contestation » de la part du défendeur sur le chef de la demande originaire, que le » demandeur abandonne par ses conclusions définitives. »

On a voulu argumenter contre cette doctrine de l'art. 1343, C. C., qui dispose que celui qui a formé une demande excédant 150 fr. ne peut plus être admis à la preuve testimoniale, même en restreignant sa demande primitive; mais M. MERL. RÉP., t. 14, add, §7, p. 536, repousse l'application de cet article, parce que le droit d'être jugé en dernier ressort ne dépend point de la cause sur laquelle est fondée la demande, mais de la valeur de l'objet demandé; tandis que l'admissibilité de la preuve par témoins dépend au contraire, non de la valeur de l'objet demandé, mais de la valeur de l'objet qui forme la cause de la demande. C'est une distinction qui est faite par POTHIER (Traité des obligations, no 755), et qui est admise par M. CARR. COMP., t. 2, p. 37, art. 281, no 303. D'ailleurs, le législateur regarde la preuve testimoniale avec tant de défaveur, que les dispositions rigoureuses qu'il a établies pour en restreindre l'usage doivent demeurer étrangères à la règle des deux degrés de juridiction créée dans un esprit tout différent. ( Voy. MM. CAR. COMP., t. 2, art. 281, no 289, p. 5, 5 alin. et p. 15, note 27; MERL. REP., t. 3, p. 578, 2o col., § 4, 2e quest., et p. 579, no 2; MERL. Q. D., t. 3, § 4, no 2, p. 178, nouv. édit.

Il a été jugé le 20 août 1812, par la Cour de Metz, qu'on ne pouvait regarder comme réduisant la demande, des explications données par les parties, desquelles il résulterait qu'il est dû moins de 1,000 fr. (Voy. infrà, n° 164);-Quant à la question de savoir si l'acquiescement partiel du défendeur, ou ses offres, réduisent d'autant la demande, voy. infià, no 156.

58. La demande en résiliation d'un bail passé pour dix-huit ans, et moyennant 44 fr. par an, présente un objet indéterminé sur lequel il ne peut étre statué qu'en premier ressort.

Ainsi jugé par la Cour de Bruxelles, le 15 nivòse an 13:« LA Cour... Attendu, porte son arrêt, qu'il ne s'agit pas d'une demande en paiement d'une somme mobilière déterminée, mais d'une action en résiliement du bail dont l'objet est indéterminé ; qu'ainsi la première partie de l'art. 5, tit. 4 de la loi du 24 août 1790 est sans application; - Attendu qu'une demande en résiliation de bail est de sa nature personnelle, d'où il suit que celle qui donne lieu à la question n'est point comprise dans la seconde partie de l'article cité, lequel est relatif aux offres réelles, au sujet desquelles le pouvoir du premier juge est déterminé par le revenu ou par le prix du bail, — reçoit l'appel.

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Nota. Il a été souvent jugé, conformément à la doctrine de l'arrêt qui précède, que la demande en nullité ou en résiliation du bail était indéterminée, ct conséquemment soumise aux deux degrés de juridiction. On peut voir infrà, nos 278, 283, 310; J. A. t. 26, p. 37 ; et t. 34, p. 287 et 349, les arrêts des 27 juillet et 17 août 1820, 29 janvier 1824, 28 janvier même année, 26 janvier et 16 décembre 1826. Cependant la Cour de Bruxelles a décidé, le 5 mai 1808, que, pour régler la compétence du dernier ressort à l'égard d'une demande en validité de congé, il fallait multiplier le fermage annuel par le nombre des années que doit durer le bail. (Voy. infrà, no 105 ) Cette décision contrarie celles que nous avons indiquées plus haut. Si la contestation n'avait pour objet que des loyers échus, il faudrait uniquement considérer la somme demandée. (Voy. infrà, no 133, mais voy. aussi infrà, no 216.)

59. Deux demandes, quoique contenues dans le même exploit, frappant sur deux individus différens, émanant de titres particuliers à chacun ́ d'eux, doivent, si chacune est relative à moins de 1,000 fr., être jugées en dernier ressort (1).

60. Lorsqu'un jugement a du être et n'a pas été qualifié en dernier ressort, et qu'il en est appelé, les juges peuvent prononcer d'office l'exception de la fin de non-recevoir, quoique les intimés aient plaidé au fond (2).

Se fondant sur des titres différens, Dutreix assigne, par un même exploit, Pradier en paiement de 670 fr., et Rancia en paiement de 750 fr. Un jugement rejette la demande, sans être qualifié en dernier ressort ; appel par Dutreix. Les intimés plaident au fond, puis soutiennent l'appel non-recevable. Arrêt conforme de la Cour de Limoges. Pourvoi fondé 1o sur ce que le jugement n'était pas qualifié en dernier ressort ; 2o sur ce

(1) Voy. suprà, no 46, l'arrêt du 7 prairia! an 11.

(2) Voy. infrà, no 255, l'arrêt de la Cour de Rennes du 3 août 1819.

que la fin de non-recevoir aurait été couverte par la défense au fond; 30 sur ce que la demande avait été formée par un seul exploit, et jugée par un même jugement. Le 17 nivósc an 13, arrêt de la section des requêtes, par lequel : — « La Cour... Attendu que les deux demandes, quoique contenues dans le même exploit, n'en étaient pas moins distinctes, frappant sur deux individus différens, émanant de titres personnels à chacun d'eux, et non communs; que, si les deux jugemens du tribunal civil ne contenaient pas expressément qu'ils étaient rendus en dernier ressort, ils l'étaient par le fait et la nature même de chaque affaire non excédant 1,000 fr.; Attendu qu'en l'état, l'exception de la fin de non recevoir, devant la Cour d'appel, devait être accueillie même après la défense au fond, les juges pouvant la prononcer d'office; rejette. >>

61. Les juges de première instance n'ont pu prononcer en dernier ressort, que, d'après la loi du 16 nivóse an 6, sur le papier-monnaie, un capital excédant 1,000 fr. étant réductible, les intérêts l'étaient aussi. (Loi 24 août 1790, tit. 4, art. 5.)

Ainsi jugé le 26 nivôse an 13, par la Cour de cassation, sect. civ. : « LA COUR... Vu l'art. 5 du tit. 4 de la loi du 24 août 1790; - Considérant qu'il s'agissait, dans la cause, d'un capital de 3,000 fr., et d'un revenu déterminé de 150 fr., que le jugement attaqué, en décidant en premier et dernier ressort que le capital était réductible, et que par conséquent les intérêts de 150 fr. par an l'étaient également, a commis un excès de pouvoir, et a contrevenu formellement à l'article de la loi ci-dessus cité; donne défaut contre Louis Larivière et François Fabvre, défaillans, et faisant droit sur la demande, -casse. >>

62. Le demandeur ne peut se soustraire à l'appel, ou se le réserver, en fixant arbitrairement le montant de sa demande.

Le sieur S... obtient contre les héritiers de son débiteur un jugement qui les condamne à lui payer la somme de 955 fr., à laquelle il avait évalué le huitième d'un capital de 2,500 écus d'empire, réductibles en monnaie de France. Les condamnés ayant interjeté appel de ce jugement, le sieur S... leur a opposé une fin de non-recevoir, prise de ce que le montant de la demande n'excédait pas le taux du dernier ressort. Mais les appelans ont répondu que le huitième du capital de 2,500 cous d'empire, réduit d'abord en argent, et évalué ensuite en monnaie de France, faisait une somme de 1,010 fr., excédant par conséquent la compétence du dernier ressort, et qu'il ne lui appartenait pas de se soustraire, par une évaluation arbitraire et erronée, au second degré de juridiction établi par la loi.—La Cour d'appel de Trèves a examiné d'abord si la somme demandée excédait 1,000 fr., et l'affirmative ayant été

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