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1o Voyages du Prince-Président dans l'Est et dans le Midi.

Le rétablissement de l'Empire a été précédé de deux voyages officiels faits par le Prince-Président de la République : l'un à Strasbourg, qui a commencé le 17 juillet 1852, et qui s'est terminé le 24 du même mois; l'autre dans le Midi, qui a duré trente-deux jours, du 14 septembre 1852 au 16 octobre.

Pendant ce dernier voyage, le Prince a prononcé plusieurs discours. Voici les trois plus importants:

2o Discours prononcé par le Prince Louis-Napoléon à l'occasion de l'inauguration solennelle de la statue équestre de l'Empereur sur la place Louis-Napoléon, quartier de Perrache, à Lyon, le 20 septembre 1852.

Lyonnais,

Votre ville s'est toujours associée par des incidents remarquables aux phases différentes de la vie de l'Empereur. Vous l'avez salué Consul, lorsqu'il allait par delà les monts cueillir de nouveaux lauriers; vous l'avez salué Empereur tout-puissant; et lorsque l'Europe l'avait relégué dans une ile, vous l'avez encore, des premiers, en 1815, salué Empereur.

De même aujourd'hui votre ville est la première qui lui élève une statue équestre. Ce fait a une signification. On n'élève des Juill., sept. et oct. 1852.

statues équestres qu'aux souverains qui ont régné aussi les Gouvernements qui m'ont précédé ont-ils toujours refusé cet hommage à un pouvoir dont ils ne voulaient pas admettre la légitimité.

Et cependant, qui fut plus légitime que l'Empereur, élu trois fois par le Peuple, sacré par le Chef de la religion, reconnu par toutes les puissances continentales de l'Europe, qui s'unirent à lui et par les liens de la politique et par les liens du sang ?

L'Empereur fut le médiateur entre deux siècles ennemis; il tua l'ancien régime en rétablissant tout ce que ce régime avait de bon; il tua l'esprit révolutionnaire en faisant triompher partout les bienfaits de la Révolution : voilà pourquoi ceux qui l'ont renversé eurent bientôt à déplorer leur triomphe; quant à ceux qui l'ont défendu, ai-je besoin de rappeler combien ils ont pleuré sa chute ?

Aussi, dès que le Peuple s'est vu libre de son choix, il a jeté les yeux sur l'héritier de Napoléon, et, par la même raison, depuis Paris jusqu'à Lyon, sur tous les points de mon passage, s'est élevé le cri unanime de Vive l'Empereur! Mais ce cri est bien plus, à mes yeux, un souvenir qui touche mon cœur qu'un espoir qui flatte mon orgueil.

Fidèle serviteur du pays, je n'aurai jamais qu'un but : c'est de reconstituer dans ce grand pays, si bouleversé par tant de commotions et par tant d'utopies, une paix basée sur la conciliation pour les hommes, sur l'inflexibilité des principes d'autorité, de morale, d'amour pour les classes laborieuses et souffrantes, de dignité nationale.

Nous sortons à peine de ces moments de crise où, les notions du bien et du mal étant confondues, les meilleurs esprits se sont pervertis. La prudence et le patriotisme exigent que, dans de semblables moments, la nation se recueille avant de fixer ses destinées, et il est encore pour moi difficile de savoir sous quel nom je puis rendre les plus grands services.

Si le titre modeste de Président pouvait faciliter la mission qui m'était confiée, et devant laquelle je n'ai pas reculé, ce n'est pas moi qui, par intérêt personnel, désirerais changer ce titre contre celui d'Empereur.

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Déposons donc sur cette pierre notre hommage à un grand homme c'est honorer à la fois la gloire de la France et la généreuse reconnaissance du Peuple; c'est constater aussi la fidélité des Lyonnais à d'immortels souvenirs.

3° Discours prononcé par le Prince Louis-Napoléon après avoir posé la première pierre de la nouvelle cathédrale de Marseille, le 26 septembre 1852.

Messieurs,

Je suis heureux que cette occasion particulière me permette de laisser dans cette grande ville une trace de mon passage, et que la pose de la première pierre de la cathédrale soit l'un des souvenirs qui se rattachent à ma présence parmi vous. Partout en effet où je le puis, je m'efforce de soutenir et de propager les idées religieuses, les plus sublimes de toutes, puisqu'elles guident dans la fortune et consolent dans l'adversité. Mon Gouvernement, je le dis avec orgueil, est un des seuls qui aient soutenu la religion pour elle-même; il la soutient non comme instrument politique, non pour plaire à un parti, mais uniquement par conviction, et par amour du bien qu'elle inspire comme des vérités qu'elle enseigne.

Lorsque vous irez dans ce temple appeler la protection du Ciel sur les têtes qui vous sont chères, sur les entreprises que vous avez commencées, rappelez-vous celui qui a posé la première pierre de cet édifice, et croyez que, s'identifiant à l'avenir de cette grande cité, il entre par la pensée dans vos prières et dans vos espérances.

40 Discours prononcé par le Prince Louis-Napoléon à Bordeaux, le 9 octobre 1852.

Messieurs,

L'invitation de la Chambre et du Tribunal de commerce de Bordeaux, que j'ai acceptée avec empressement, me fournit l'occasion de remercier votre grande cité de son accueil si cordial, de son hospitalité si pleine de magnificence, et je suis bien aise aussi, vers la fin de mon voyage, de vous faire part des impressions qu'il m'a laissées.

Le but de ce voyage, vous le savez, était de connaître par moi-même nos belles provinces du Midi, d'approfondir leurs besoins. Il a, toutefois, donné lieu à un résultat beaucoup plus important.

En effet, je le dis avec une franchise aussi éloignée de l'orgueil que d'une fausse modestie, jamais Peuple n'a témoigné d'une manière plus directe, plus spontanée, plus unanime, la volonté de s'affranchir des préoccupations de l'avenir, en consolidant dans la même main un pouvoir qui lui est sympathique. C'est qu'il connait, à cette heure, et les trompeuses espérances dont on le berçait et les dangers dont il était menacé. Il sait qu'en 1852 la société cóurait à sa perte, parce que chaque parti se consolait d'avance du naufrage général par l'espoir de planter son drapeau sur les débris qui pourraient surnager. II me sait gré d'avoir sauvé le vaisseau en arborant seulement le drapeau de la France.

Désabusé d'absurdes théories, le Peuple a acquis la conviction que les réformateurs prétendus n'étaient que des rêveurs, car il y avait toujours inconséquence, disproportion entre leurs moyens et les résultats promis.

Aujourd'hui la France m'entoure de ses sympathies, parce que je ne suis pas de la famille des idéologues. Pour faire le bien du pays, il n'est pas besoin d'appliquer de nouveaux sys

tèmes; mais de donner, avant tout, confiance dans le présent, sécurité dans l'avenir. Voilà pourquoi la France semble vouloir revenir à l'Empire.

Il est néanmoins une crainte à laquelle je dois répondre. Par esprit de défiance, certaines personnes se disent: L'Empire, c'est la guerre. Moi je dis : L'Empire, c'est la paix.

C'est la paix, car la France le désire, et lorsque la France est satisfaite, le monde est tranquille. La gloire se lègue bien à titre d'héritage, mais non la guerre. Est-ce que les princes qui s'honoraient justement d'être les petits-fils de Louis XIV ont recommencé ses luttes? La guerre ne se fait pas par plaisir, elle se fait par nécessité; et à ces époques de transition où partout, à côté de tant d'éléments de prospérité, germent tant de causes de mort, on peut dire avec vérité: Malheur à celui qui, le premier, donnerait en Europe le signal d'une collision dont les conséquences seraient incalculables!

J'en conviens, cependant, j'ai, comme l'Empereur, bien des conquêtes à faire. Je veux, comme lui, conquérir à la conciliation les partis dissidents et ramener dans le courant du grand fleuve populaire les dérivations hostiles qui vont se perdre sans profit pour personne.

Je veux conquérir à la religion, à la morale, à l'aisance, cette partie encore si nombreuse de la population qui, au milieu d'un pays de foi et de croyance, connaît à peine les préceptes du Christ; qui, au sein de la terre la plus fertile du monde, peut à peine jouir de ses produits de première nécessité.

Nous avons d'immenses territoires incultes à défricher, des routes à ouvrir, des ports à creuser, des rivières à rendre navigables, des canaux à terminer, notre réseau de chemins de fer à compléter. Nous avons, en face de Marseille, un vaste royaume à assimiler à la France. Nous avons tous nos grands ports de l'Ouest à rapprocher du continent américain par la rapidité de ces communications qui nous manquent encore. Nous avons

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