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Une Chambre, qui prend le titre de Corps législatif, vote les lois et l'impôt. Elle est élue par le suffrage universel, sans scrutin de liste. Le Peuple, choisissant isolément chaque candidat, peut plus facilement apprécier le mérite de chacun d'eux.

La Chambre n'est plus composée que d'environ deux cent soixante membres. C'est là une première garantie du calme des délibérations, car trop souvent on a vu dans les assemblées la mobilité et l'ardeur des passions croître en raison du nombre.

Le compte rendu des séances qui doit instruire la nation n'est plus livré, comme autrefois, à l'esprit de parti de chaque journal; une publication officielle, rédigée par les soins du président de la Chambre, en est seule permise.

Le Corps législatif discute librement la loi, l'adopte ou la repousse, mais il n'y introduit pas à l'improviste de ces amendements qui dérangent souvent toute l'économie d'un système et l'ensemble du projet primitif. A plus forte raison n'a-t-il pas cette initiative parlementaire qui était la source de si graves. abus, et qui permettait à chaque député de se substituer à tout propos au Gouvernement en présentant les projets les moins. étudiés, les moins approfondis.

La Chambre n'étant plus en présence des ministres, et les projets de loi étant soutenus par les orateurs du Conseil d'État, le temps ne se perd pas en vaines interpellations, en accusations frivoles, en luttes passionnées dont l'unique but était de renverser les ministres pour les remplacer.

Ainsi donc, les délibérations du Corps législatif seront indépendantes; mais les causes d'agitations stériles auront été supprimées, des lenteurs salutaires apportées à toute modification de la loi. Les mandataires de la Nation feront mûrement les choses sérieuses.

Une autre assemblée prend le nom de Sénat. Elle sera composée des éléments qui, dans tout pays, créent les influences. légitimes le nom illustre, la fortune, le talent et les services rendus.

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Le Sénat n'est plus, comme la Chambre des pairs, le pâle reflet de la Chambre des députés, répétant, à quelques jours d'intervalle, les mêmes discussions sur un autre ton. Il est le dépositaire du pacte fondamental et des libertés compatibles avec la Constitution; et c'est uniquement sous le rapport des grands principes sur lesquels repose notre société, qu'il examine toutes les lois et qu'il en propose de nouvelles au Pouvoir exécutif. Il intervient, soit pour résoudre toute difficulté grave qui pourrait s'élever pendant l'absence du Corps législatif, soit pour expliquer le texte de la Constitution et assurer ce qui est nécessaire à sa marche. Il a le droit d'annuler tout acte arbitraire et illégal, et, jouissant ainsi de cette considération qui s'attache à un corps exclusivement occupé de l'examen de grands intérêts ou de l'application de grands principes, il remplit dans l'État le rôle indépendant, salutaire, conservateur, des anciens parlements.

Le Sénat ne sera pas, comme la Chambre des pairs, transformée en cour de justice: il conservera son caractère de modérateur suprême, car la défaveur atteint toujours les corps politiques lorsque le sanctuaire des législateurs devient un tribunal criminel. L'impartialité du juge est trop souvent mise en doute, et il perd de son prestige devant l'opinion, qui va quelquefois jusqu'à l'accuser d'être l'instrument de la passion ou de la haine.

Une haute cour de justice, choisie dans la haute magistrature, ayant pour jurés des membres des conseils généraux de toute la France, réprimera seule les attentats contre le Chef de l'Etat et la sûreté publique.

L'Empereur disait au Conseil d'État : « Une constitution est l'œuvre du temps; on ne saurait laisser une trop large voie aux améliorations. » Aussi la Constitution présente n'a-t-elle fixé que ce qu'il était impossible de laisser incertain. Elle n'a pas enfermé dans un cercle infranchissable les destinées d'un grand peuple; elle a laissé aux changements une assez large

voie pour qu'il y ait, dans les grandes crises, d'autres moyens de salut que l'expédient désastreux des révolutions.

Le Sénat peut, de concert avec le Gouvernement, modifier tout ce qui n'est pas fondamental dans la Constitution; mais quant aux modifications à apporter aux bases premières, sanctionnées par vos suffrages, elles ne peuvent devenir définitives qu'après avoir reçu votre ratification.

Ainsi, le Peuple reste toujours maître de sa destinée. Rien de fondamental ne se fait en dehors de sa volonté.

Telles sont les idées, tels sont les principes dont vous m'avez autorisé à faire l'application. Puisse cette Constitution donner à notre patrie des jours calmes et prospères! Puisse-t-elle prévenir le retour de ces luttes intestines où la victoire, quelque légitime qu'elle soit, est toujours chèrement achetée! Puisse la sanction que vous avez donnée à mes efforts être bénie du Ciel! Alors la paix sera assurée au dedans et au dehors, mes vœux seront comblés, ma mission sera accomplie!

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Palais des Tuileries, le 14 janvier 1852.

LOUIS-NAPOLÉON BONAPARTE.

20 Constitution.

LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE,

Considérant que le Peuple français a été appelé à se prononcer sur la résolution suivante :

« Le Peuple veut le maintien de l'autorité de Louis-Napoléon » Bonaparte, et lui donne les pouvoirs nécessaires pour faire une » Constitution d'après les bases établies dans sa proclamation » du 2 décembre; >>

Considérant que les bases proposées à l'acceptation du Peuple étaient:

« 10 Un chef responsable nommé pour dix ans ;

» 2o Des ministres dépendant du pouvoir exécutif seul;

>> 3° Un Conseil d'État formé des hommes les plus distingués, » préparant les lois et en soutenant la discussion devant le >> Corps législatif;

» 4o Un Corps législatif discutant et votant les lois, nommé » par le suffrage universel, sans scrutin de liste qui fausse >> l'élection;

» 5o Une seconde Assemblée formée de toutes les illustrations » du pays, pouvoir pondérateur, gardien du pacte fondamen»tal et des libertés publiques; »>

Considérant que le Peuple a répondu affirmativement par sept millions cinq cent mille suffrages,

Promulgue la Constitution dont la teneur suit:

TITRE Ier.

ARTICLE PREMIER.

La Constitution reconnaît, confirme et garantit les grands principes proclamés en 1789, et qui sont la base du droit public des Français.

TITRE II.

Formes du Gouvernement de la République.

ART. 2.

Le Gouvernement de la République française est confié pour

dix ans au Prince Louis-Napoléon Bonaparte, Président actuel de la République.

ART. 3.

Le Président de la République gouverne au moyen des ministres, du Conseil d'Etat, du Sénat et du Corps législatif.

ART. 4.

La puissance législative s'exerce collectivement par le Président de la République, le Sénat et le Corps législatif.

TITRE III.

Du Président de la République,

ART. 5.

Le Président de la République est responsable devant le Peuple français, auquel il a toujours le droit de faire appel.

ART. 6.

Le Président de la République est le Chef de l'Etat; il commande les forces de terre et de mer, déclare la guerre, fait les traités de paix, d'alliance et de commerce, nomme à tous les emplois, fait les règlements et décrets nécessaires pour l'exécution des lois.

ART. 7.

La justice se rend en son nom.

ART. 8.

Ila seul l'initiative des lois.

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