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il les privait. La commission avait proposé l'ordre du jour qui fut adopté.

Dans la même séance, M. Perrégaux fit un rapport sur une grave question d'État.

Les époux Descampaux, beau-frère et belle-sœur, mariés en vertu de la loi du 16 avril 1832, priaient la Chambre de solliciter du Gouvernement une disposition complétive de cette loi, disposition d'où résulterait expressément le droit de reconnaître et de légitimer par le mariage subséquent les enfants nés de beaux-frères et de belles-sœurs, autorisés à contracter mariage entre eux.

Il s'agissait donc d'une question d'État; il s'agissait de savoir si la loi du 16 avril 1832 aurait un effet rétroactif. A ses yeux, la légitimation par mariage subséquent était un bienfait de la loi. C'était régulariser l'inconduite du passé par la moralité du présent et de l'avenir. De plus, pourquoi frapper d'interdiction éternelle les enfants nés de ces unions, quand ces mêmes unions sont rentrées en grâce devant la loi?

La commission doutait que l'on pût rigoureusement et même raisonnablement assimiler aux enfants incestueux les enfants issus d'un commerce de beaux-frères et de bellessœurs, qui étaient complétement libres au moment de leur intimité.

Tel, disait le rapporteur, ne doit pas rester enfant naturel incestueux par arrêt de justice, tandis que tel autre, placé dans la même position, jouira ailleurs de tous les droits d'enfant légitime. En résumé, il proposait le renvoi au ministre de la justice. Ce dernier s'y opposait, en alléguant que les tribunaux étaient saisis de cette question, et qu'il en fallait abandonner la solution à la jurisprudence.

Attendre que la jurisprudence ait décidé seule de ce cas, qui intéressait à un si haut degré la morale, c'était, suivant M. Roger (du Loiret), prolonger la situation déplorable des familles. D'ailleurs, quarante, cinquante ans se seraient écoulés avant que la cour suprême n'ait définitivemen Ann. hist. pour 1838.

fixé la législation à cet égard. I insistait donc pour le renvoi.

Le garde-des-sceaux répliquait que cette lenteur de la justice était salutaire dans une pareille question, et qu'il y aurait un grave embarras si la justice, qui est indépendante, venait à statuer entre le vœu du pétitionnaire et de la Chambre, qui plus tard pourrait faire une loi contraire.

Quittant le fauteuil, M. Dupin prit parti pour la légitimation des enfants, sans croire néanmoins à l'utilité du renvoi à M. le garde-des-sceaux. Invoquant le droit canonique, il démontra que l'Église avait, par ses dispenses, purifié le passé, comme pour réparer le scandale, en faisant monter les enfants au rang de la légitimité sous le sceau de la religion, et sous la bénédiction du prêtre. L'orateur demandait que cette pensée religieuse et morale descendit dans le droit civil.

M. le garde-des-sceaux pensait au contraire que cette espérance de légitimation encouragerait le désordre des mœurs et forcerait le Gouvernement à autoriser des fautes graves, en promettant soutenir le résultat de mauvaises passions. Cédant à ces dernières considérations, la Chambre passa à l'ordre du jour.

Le 10 mars elle eut à statuer sur deux pétitions remarquables: l'une était relative à l'autorisation du port de la Croix de Saint-Louis, qu'aucune loi ne défendait : M. Gobert, rapporteur, ayant établi qu'en 1830, le port de cette décoration n'avait pas été interdit, et qu'il n'y avait pas lieu à la restituer; on passa à l'ordre du jour.

L'autre pétition était celle d'Eioub-ben-Hussein, habitant de Tlemcen, qui révélait tardivement à la représentation nationale que la plainte portée par lui en 1836 contre les prétendues spoliations de l'administration française en Afrique, était mensongère: M. Muteau, au nom de la commission, flétrissait ces indignes manoeuvres, et demandait le renvoi de cette nouvelle pétition au ministre des finances et de la guerre.

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24 Mars. Une pétition du sieur Bocanide, relative à l'amélioration de nos hôpitaux en Afrique, souleva une discussion à laquelle prirent part MM. de Golbéry, Piscatory, Lanier, Fulchiron, Just de Chasseloup-Laubat, le ministre de l'intérieur; après des débats assez longs, la Chambre témoignant sa sollicitude pour nos troupes d'Algérie, décida que la pétition serait renvoyée comme avertissement à la commission des crédits d'Afrique et au ministre de la guerre.

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Vint une autre pétition qui intéressait spécialement la Chambre : elle était signée par MM. de Barie, comte de Saint-Sauvant, M. de Châteauport et M. de Lussac, à Paris, qui, convaincus du préjudice que causait au pays l'absence presque continuelle de plus d'un tiers des députés, croyaient qu'il était de leur devoir de prier la Chambre de créer une loi, en vertu de laquelle tout député qui aurait manqué à trois séances consécutives sans excuses légitimes, fût considéré comme démissionnaire.

M. Salverte soutint qu'il n'était pas dans le domaine de la pétition, ni même dans celui de la Chambre, de prononcer une démission contre un de ses membres, et que par conséquent la question ne pouvait être mise en délibération. On passa à l'ordre du jour.

21 Avril. M. Barillon fit un rapport sur une pétition des pasteurs et anciens du consistoire de Crest, qui réclamait l'établissement, à Paris, d'une faculté de théologie protestante. Déjà la Chambre à plusieurs reprises avait entendu traiter devant elle la question de convenance et d'utilité d'une faculté de théologie à Paris, pour la religion réformée.

Cette pétition fut appuyée par MM. de Gasparin et Léon de Malleville. Le ministre de l'instruction publique assura que cette question recevrait une solution prochaine, que le Gouvernement en était saisi, et que, pour lui, il consentait volontiers au renvoi de la pétition qu'il examinerait avec le soin que méritait l'enseignement théologique.

CHAPITRE IV.

PENSIONS des veuves des généraux de Damrémont, Daumesnil.- Rejet de la pension Combes.-Projet de M. Passy sur l'abolition de l'esclavage des Nègres.-Appel de quatre-vingt mille hommes sur la classe de 1837. Attributions des Conseils généraux et des Conseils d'arrondissements.

Un événement malheureux s'était mêlé au triomphe de nos armes en Afrique. L'armée avait perdu son chef, la France un de ses plus courageux et un de ses plus dévoués serviteurs.

A cette occasion, le général Bernard, ministre de la guerre, vint, le 5 févriér,combattre les conclusions de la commission au sujet de la pension à allouer à la veuve du général Denis de Damrémont, tué sous les murs de Constantine. Le chiffre de 10,000 fr. devait, selon le ministre, être substitué à celui de 6,000. La France ne pouvait pas atténuer par une semblable parcimonie les sentiments de gratitude que le pays avait montrés en apprenant la prise de Constantine et la mort du général en chef de l'expédition. Il s'agissait de récompenser l'héroïsme et de donner un grand témoignage d'estime à l'armée d'Afrique.

L'ajournement de cette pension à accorder à la veuve et aux enfants du général Damrémont était réclamé par M. Gauguier, jusqu'à ce que la Chambre eut fait droit aux projets de loi relatifs à la pension due par la Nation à la veuve du lieutenant général Daumesnil.

A la dernière législature, le maréchal Soult, ministre de la guerre, et M. Dupin avaient vainement appuyé cette généreuse proposition; on avait refusé également d'acquitter la dette sacrée de la Légion-d'Honneur, on avait mis en ou

bli les droits de dix mille vieux légionnaires; il fallait cette fois payer cet arriéré de la dette nationale, et alors la veuve du général Damrémont serait comprise dans cette grande mesure de justice.

Se renfermant dans la question soumise à la Chambre, le général Lamy venait, en sa qualité de militaire et de député, raconter ce qu'il avait vu et éprouvé avec toute l'armée; il voulait que l'on laissât au Gouvernement le soin d'apprécier le prix du sang versé pour le pays, et à ses yeux ce n'était pas le chiffre de la pension qu'il importait de déterminer, c'était la récompense nationale qu'il était urgent de décréter.

Ici M. Guizot prit la parole pour faire maintenir la pension de 10,000 francs reversible sur la tête de deux enfants. Il invoquait l'exemple de l'empereur et du gouvernement anglais, et il avait la confiance qu'on ne descendrait pas à de vains calculs indignes de la France, de la Chambre, de la commission et de son rapporteur.

Le général Jacqueminot, comme rapporteur, assura que ce n'étaient pas les 4,000 francs d'économie qui avaient entraîné la réduction proposée par la commission, mais bien la comparaison. En effet, la veuve d'un lieutenantgénéral n'avait droit qu'à une pension de 1,500 francs, et la commission en voulait accorder 6,000, à cause des circonstances et d'un grand acte d'héroïsme.

Mais, d'après le président du Conseil, ce n'était pas parce que la veuve d'un maréchal de France avait 6,000 francs, que la veuve du général de Damrémont devait avoir 6,000 fr. Il n'y avait aucune assimilation à faire entre les deux positions; il ne s'agissait pas seulement du général de Damrémont lui-même, il s'agissait de la gloire nationale à laquelle il appartenait désormais, et, en conséquence, le ministre maintenait le chiffre du Gouvernement.

M. Larabit, tout en approuvant la pensée du Gouvernement, exprimait le désir de voir accorder en même temps une récompense nationale à la veuve du brave colonel

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