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répondent les rentiers. Oh! oh! mais ce n'est pas là mon compte, je vous eroyais plus accommodant. Eh bien, je vous paierai, mais il me faut le temps; je vais réaliser différentes valeurs : la réserve de l'amortissement, quoiqu'il en ait élé disposé déjà par la loi de 1836 pour des travaux publics; les bons du Trésor, qui ne sont guères destinés à cet usage; enfin toutes les ressources de la Banque, si toutefois ses statuts ne s'y opposent pas. Voilà pour le premier moment, nous verrons après; mais je vais d'abord vous diviser en séries que je tirerai au sort, et que je paierai suivant le mode, la forme et le délai qui me plairont; c'est le texte de l'article 3.

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M. de Laborde prévoyait aussi les manœuvres de l'agiotage, en cas d'un remboursement qui mettrait les rentiers à la merci des spéculateurs, et votait contre le projet de loi. La conversion des rentes n'était pas envisagée sous le même point de vue par M. Monier de la Sizeranne : selon lui, ce n'était pas une question nouvelle et alarmante; soulevée en 1824 par suite de combinaisons financières qui ne permettaient pas de la traiter sans préoccupation politique, discutée en 1832, réproduite en 1835 par M. Humann, et apportée deux fois à la tribune par l'honorable M. Gouin, et deux fois prise en considération par la Chambre, elle avait subi assez d'épreuves pour être enfin résolue.

M. Liadières rappelait qu'en 1824 toute l'opposition, M. Humann excepté, se prononçait contre la mesure du remboursement, et il se rangeait à l'avis de son honorable ami, M. le comte de Laborde.

Comme opération financière et non politique, M. Muret de Bort promettait son appui à la conversion, et, après de longues considérations pratiques tirées de l'exemple de l'Angleterre et de nos précédents sous la restauration et pendant le ministère Villèle, il engageait les ministres à entrer franchement dans la voie ouverte par la commission ou à lui retirer le secours de la majorité.

Abordant pour la quatrième fois cette grave question, M. de Lamartine se proposait de ne reproduire aucun des arguments qu'il avait employés contre le remboursement; il ne voulait l'examiner que dans son chiffre et sa portée politique. Il voyait le Gouvernement de 1830 consolidé sur

le terrain des intérêts; mais l'anarchie avait passé des faits dans les idées; aucune pensée gouvernementale ne ralliait un assez grand nombre de convictions pour entraîner le Gouvernement et le pays dans une mesure unanime, décisive, irrésistible, et d'ailleurs il ne croyait pas possible et prudent de donner à des ministres sans majorités réelles un mandat, un blanc-seing de 2 milliards à remuer à leur gré, à leur heure, dans le trésor et dans le pays.

M. Gauthier de Rumilly rappelait les promesses faites en 1836, et sans insister davantage sur le droit de remboursement, il croyait qu'il importait d'examiner si les fonds. des grandes puissances continentales ne présentaient pas plus de 4 pour cent, et il invitait le ministère à la conversion.

Selon M. Jouffroy, il fallait se placer non au point de vue du budget, mais à celui des rentiers pour apprécier la portée et les conséquences de cette loi. De quelque manière que choisit le rentier dans le rude dilemme qu'on lui proposait, il devait éprouver une perte positive, ou de 80 centimes sur son revenu ou de 8 francs sur son capital; voilà ce qui était certain. Or, le sophisme consistait à feindre que le rentier n'avait aujourd'hui que 100 francs de capital, tandis qu'il en avait bien réellement 108. Le Gouvernement, à peine affermi sur ses nouvelles bases, s'attirait ainsi la désaffection d'une notable partie des citoyens.

Admettant le principe de la conversion, M. Duchâtel n'y voyait pour résultat qu'une économie considérable et non la baisse de l'intérêt des capitaux avec lesquels le prêteur fait toujours la loi à l'emprunteur. Pour l'opportunité financière, il la trouvait dans le mode d'exécution qui serait adopté et dans l'état de la réserve de la Banque, qui se montait à 280 millions. L'orateur ne reconnaissait que deux systèmes : celui des rentes au pair, et celui des rentes avec augmentation du capital.

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M. Laplagne, ministre des finances, s'étant fait trans

porter, à cause de son indisposition grave, dans un fauteuil au pied de la tribune, conseillait à la Chambre d'attendre d'une part que la crise américaine eût reçu une solution, et d'autre part que la législation sur les sociétés en commandite fût améliorée et qu'on ait été en mesure d'apprécier les effets de la législation nouvelle.

Le rapporteur repoussant, au nom de la commission, les craintes suggérées par M. le ministre prévoyait non la tyrannie, mais la baisse des actions industrielles comme résultat de la conversion des rentes.

M. Berryer vint rendre à la Chambre l'aspect attentif et sérieux qu'elle avait perdu; il s'opposait tout d'abord à l'ajournement, et blåmait ce prétexte d'inopportunité apporté par chaque ministre dans chaque question. L'envoi de numéraire aux banques d'Amérique était un avantage pour la France et pour l'Angleterre, et la prudence des rentiers en face des spéculations de l'industrie était un garant de la réussite de l'opération.

19 Avril. Le meilleur moyen de fonder le crédit public, consistait pour M. Roul dans la liberté d'action du Gouvernement.

M. Gouin, relativement à la masse de capitaux, que les sociétés par actions semblaient devoir absorber, répondait que si l'on voulait préserver les rentiers de cet écueil, on devait se presser de fixer leur sort, et que l'incertitude était on ne peut plus propre à les jeter dans les entreprises hasardeuses.

M. Beudin accusait la commission de travailler à détruire la force du crédit et de la confiance dans l'État, et de vouloir mettre la légalité à la place de la justice. Il y avait en outre un danger à opérer la conversion; la faisait-on en 1836? On éprouvait en 1837 le contre-coup d'une crise financière américaine, que personne ne pouvait prévoir. Enfin, quel ministre des finances oserait se charger d'une pareille responsabilité?

Un système tout entier était présenté par M. Garnier

Pagès, il était modifiable en ce que l'on pouvait réduire à 4112, au lieu de réduire à 4, et laisser le 4 172 exister plus long-temps, mais son application lui paraissait d'une grande nécessité.

M. Berryer, à son tour, soutenait que le rentier ne devait pas prétendre se soustraire aux chances du progrès social et aux causes naturelles de la dépréciation de l'argent et de l'abaissement du cours des intérêts. Il repoussait la conversion avec le 4 ou le 4 112 pour cent, c'està-dire, avec un fonds ayant atteint ou dépassé le pair, ce qu'avait proposé M. Garnier- Pagès. La commission, ajoutait-il, proposait un 3 112 pour cent, combiné de cette façon, que les rentiers auraient à subir une réduction d'au moins 70 cent. ; mais cette réduction de 70 centimes pour le contribuable, n'était pas un avantage suffisant, et ne devait pas décider la Chambre à porter la perturbation dans l'existence de 120 mille rentiers que l'on comptait en France. L'orateur déposait enfin sur le bureau un amendement, par lequel il adoptait l'échange des rentes 5 pour cent contre des rentes 3 112 pour cent, à la condition que le fardeau de l'amortissement, pesant sur les contribuables, ne serait pas maintenu.

Cette demande en réduction de l'amortissement fut combattue succinctement par M. Thiers, qui exprima le désir qu'une discussion vraiment générale mit tous les systèmes en présence, afin que la Chambre pût se décider entre celui du 4 172, celui du 4, et celui du 3 122.

20 Avril. — M. Salverte n'admettait pas la conclusion de M. Garnier-Pagès, qui serait, d'après ses calculs, de rembourser sur le champ l'accroissement consenti du capital, pour y perdre le moins possible; mais, après de hautes considérations sur l'utilité de l'amortissement, il votait pour le projet amendé de la Commission.

M. Laffitte, apportant dans cette question l'autorité de sa longue expérience, rappelait les vicissitudes de ce projet de loi depuis 1824.

Arrivant à l'amortissement :

« Ce n'est pas sérieusement, disait-il, sans doute, qu'on a prétendu qu'en fondant un amortissement, l'État avait renoncé au droit de se libérer par voie de remboursement. Loin que l'idée d'amortissement exclue celle de remboursement, il est plus vrai de dire que celle-ci est le complément rationnel et la conséquence forcée de la première. On conçoit très-bien, en effet, le remboursement sans l'amortissement; c'est, peu s'en faut, le système qui prévaut maintenant en Angleterre, système que j'ai déjà présenté moi-même, et auquel, je l'espère, nous arriverons à notre tour; mais on ne conçoit pas l'amortissement sans remboursement, car il aboutirait à des conséquences désastreuses.

« On en viendrait ainsi, après avoir racheté la moitié, les trois quarts de Ja dette, à des prix beaucoup plus élevés, parce que dans ce système il n'y a pas de limite à la hausse; on en viendrait, dis-je, à la nécessité de racheter le reste au prix que voudraient y mettre ceux des rentiers qui auraient tenu bon les derniers. On peut bien ordonner par une loi que l'on rachètera la dette jusqu'à extinction; mais comme il faut être deux pour traiter, et que l'on ne peut contraindre les rentiers à porter leurs titres à la Bourse, il pourrait arriver que le porteur du dernier coupon de rente exigeât pour le céder à l'amortissement une année entière du revenu de l'État. L'absurde, Messieurs, ne se suppose pas.

Je n'ai pas besoin d'en dire davantage, je pense, pour prouver que le remboursement de la dette au pair est le complément nécessaire du système de crédit fondé sur l'amortissement, et que ce système est conforme à la loi, à la justice, au bon sens.

« Vaincus sur le terrain du droit, nos adversaires se retranchent dans une question d'humanité. Il y a, suivant eux, quelque chose de sauvage et de cruel à troubler une classe paisible et intéressante de citoyens dans la jouissance d'un revenu auquel elle est accoutumée, sur lequel se sont arrangées tant d'existences dont on veut réduire le nécessaire. »

Ici l'honorable député mettait en présence l'infortune du rentier avec la misère du cultivateur, sur qui l'impôt était un des plus grands soucis annuels. Selon lui, un état ne devait consulter que ia justice qui répare et améliore tout. La réduction de l'intérêt de la dette était un fait tenant au phénomène universel de l'abaissement du prix des capitaux. Ainsi le prix des terres était descendu de 5 à 3, et serait bientôt à 2; la propriété bâtie de 6 à 4; le commerce de 6 à 5. Les banquiers trouvaient des fonds à 3 pour cent, et la banque n'escompterait plus long-temps à 4. Les rentiers avaient seuls été exceptés jusqu'à ce jour de cette

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