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Telle était la situation déplorable de nos colonies mise sous les yeux du roi par l'adresse du 11 août, qui portait aux pieds du trône les doléances de tout un pays.

La taxe sur les sucres était la mesure dont la population coloniale se plaignait avant toutes choses et la cause de la ruine de son crédit. Le conseil demandait donc, comme un adoucissement à ses maux, un dégrevement de 20 fr. par 100 kil. de sucres et l'autorisation d'en exporter par tous pavillons 30,000 bariques à l'étranger. Enfin les affranchissements prononcés dans les colonies du 1er décembre 1837 au 30 septembre 1838, s'élevaient pour la Martinique à 562, pour la Guadeloupe à 504, pour la Guyane Française à 74, et pour Bourbon (du 31 août 1837 au 30 juin 1838) à 260. Mais cette marche naturelle de l'affranchissement ne pouvait compenser l'état critique de nos possessions d'outre-mer, et le mal devait aller chaque jour en s'aggravant avec le régime provisoire et incertain des ordonnances.

FRANCE.

Le 17 décembre, le roi fit l'ouverture de la session législative de 1839.

A la Chambre des pairs, les secrétaires furent MM. le marquis de Louvois, le comte Durosnel, le vice-amiral Halgan et le comte Turgot.

Le 19 décembre, à la Chambre des députés, il y eut, pour la nomination du président, un scrutin de ballottage entre M. Dupin et M. Passy. Sur 365 votants, M. Dupin réunit 183 voix, M. Hippolyte Passy 178; en conséquence M. Dupin fut proclamé président de la Chambre.

MM. Calmon, Passy, Duchâtel et Cunin-Gridaine furent nommés vice-présidents, il y eut néanmoins encore un scrutin de ballottage entre ce dernier et M. Odillon-Barrot.

Les secrétaires furent MM. Félix Réal, Boissy-d'Anglas, Dubois et Bignon.

Ce résultat des votes et ces premières difficultés dans l'organisation du bureau pouvaient passer pour les symptômes d'une division prochaine et laissaient à prévoir dès-lors une coalition dans la Chambre représentative.

DEUXIÈME PARTIE.

HISTOIRE ÉTRANGÈRE.

CHAPITRE PREMIER.

BELGIQUE. Modification du tarif des douanes de ce royaume.-Interpellations au ministère relatives au Luxembourg. Troubles à Liège.- Présentation au roi d'une adresse des représentants de Belgique sur le Limbourg et le Luxembourg. Clôture de la session 1837-1838 de la Chambre des représentants. — Inauguration du chemin de fer de Bruges à Gand. Ouverture de la session des Chambres. - Conventions de commerce et de navigation conclues entre la France et la Belgique.Suspension des paiements de la Banque de Belgique. -Budgets divers.Pétitions des villes et villages du Luxembourg.

HOLLANDE. Enlèvement du drapeau belge dans le Luxembourg. Ouverture de la session des États-Généraux.-Décision de la conférence de Londres dans l'affaire Hollando - Belge. - Mariage du prince d'Orange avec la fille du roi de Wurtemberg.

BELGIQUE.

L'importante question des douanes qui, malgré de longs et minutieux débats, était restée indécise, fut enfin résolue cette année après une courte discussion. Le temps avait modifié les opinions, et si la loi qui fut adoptée n'était pas encore libérale, du moins on n'y trouvait plus ces prohibitions hostiles que la Hollande y avait introduites. Le tarif de la Belgique reposait désormais sur des bases qui pouvaient satisfaire à ses propres intérêts sans blesser d'une manière réelle ceux des autres nations. Ainsi le progrès matériel suivait le progrès politique et ces faibles concesAnn. hist. pour 1838.

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sions pouvaient être regardées comme un premier pas vers un meilleur système.

Mais la véritable préoccupation du gouvernement belge était son démêlé avec la Hollande au sujet du grand duché de Luxembourg. Bien que le statu quo territorial fût une des clauses du traité du 21 mai 1833, l'acceptation des 24 articles éludée depuis si long-temps, laissait toujours planer une grande incertitude sur cette affaire internationale.

Aussi, le 20 mars, dans la Chambre des représentants, M. d'Hoffschmidt adressa-t-il une interpellation au ministère, à l'effet de savoir, si le roi Guillaume avait accepté les 24 articles et si le Gouvernement avait reçu des communications à cet égard.

Le ministre des affaires étrangères et de l'intérieur répondit, que l'adhésion du roi n'était pas encore connue officiellement, et que néanmoins elle paraissait certaine.

Dans cette même séance, M. Dumortier faisait remarquer que ce traité des 24 articles, né de circonstances difficiles et dont le 25° article n'avait pas été exécuté par les puissances contractantes, cessait, par cela même, d'être obligatoire pour la Belgique et ne devait plus être considéré que comme un projet. Suivant l'orateur, le Gouvernement belge, en signant la convention du 21 mai, avait épuisé son mandat et il lui en fallait un nouveau pour conclure un nouveau traité.

Cependant, on avait toujours conservé quelques espérances d'un arrangement amiable avec la Hollande; mais lorsqu'elles furent tout-à-fait déçues par la connaissance de l'acceptation définitive des 24 articles, l'alarme se répandit dans les provinces du Limbourg et du Luxembourg. Des troubles graves éclatèrent à Liége à cette occasion, et la multitude manifesta son mécontentement par des actes de violence envers les hauts fonctionnaires. A la nouvelle de l'enlèvement du drapeau belge dans le Luxembourg par un régiment d'infanterie prussienne, on vit redoubler encore l'exaspération des provinces déterminées à ré

sister aux décisions de la diplomatie de la conférence de Londres pour demeurer Belges.

C'est dans ces circonstances (28 avril), que M. Metz, député. du Luxembourg, protestant énergiquement à la Chambre des représentants contre cette violation du drapeau national, demanda, de concert avec M. d'Hoffschmidt, qu'une adresse fut présentée au roi, à l'effet de prévenir l'exécution du traité des 24 articles, la séparation du Limbourg et du Luxembourg, et le morcellement du territoire belge. Cette adresse, adoptée à l'unanimité, et qui résumait parfaitement la répugnance des Belges à subir la domination d'un souverain qu'ils avaient naguère expulsé, et dont ils devaient craindre les rancunes, était conçue en ces termes :

Sire, en 1831, des circonstances malheureuses menaçaient la Belgique du douloureux sacrifice de nos frères du Luxembourg et du Limbourg; peut-il se consommer encore aujourd'hui que sept années d'existence commune les ont attachés à la Belgique ? La Chambre, Sire, ose espérer que, dans les négociations à ouvrir pour le traité avec la Hollande, l'intégrité du territoire Belge sera maintenue. »

La réponse du roi à cette adresse était embarrassante; aussi fut-elle évasive, tandis que dans le même temps uno proclamation des députés du Limbourg et du Luxembourg assurait ces provinces de la constance qu'ils mettraient à repousser l'exécution d'un traité que les revers et la violence leur avaient arraché.

Le 16 mai, le sénat s'était associé à la Chambre des représentants par une adresse au roi Léopold, afin d'obtenir de la reprise des négociations près de la conférence de Londres la conservation de l'intégralité du territoire belge.

C'est dans cette affligeante situation que le roi des Belges, par un arrêté en date du 14 juin, crut devoir clôre la session de 1837-1838, sans doute pour mettre un terme aux agitations politiques et aviser aux moyens, sinon d'arrêter, du moins de concilier l'exécution des 24

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