Page images
PDF
EPUB

articles avec les intérêts nationaux. D'une autre part, ce grand changement politique devant nécessairement apporter des modifications dans le système financier de la Belgique, le ministre nomma une commission spéciale de finances, à l'effet de présenter un travail sur la dette à la charge de la Belgique et sur les questions que la séparation du Luxembourg devait soulever.

Dans cette intervalle, plusieurs chemins de fer avaient été achevés en Belgique, et ce fut au mois d'août qu'eut lieu l'inauguration de celui de Bruges à Gand. A cette occasion il y eut grande fête et banquet royal; bientôt après, le chemin de fer de Liége à Bruxelles amenait Reschid Pacha, ambassadeur de la Porte Ottomane, avec laquelle la Belgique avait récemment conclu un traité de commerce avantageux pour les deux peuples.

A cette phase industrielle succédèrent les travaux des Chambres, dont la session fut ouverte le 13 novembre. Le discours du trône vivement attendu devait être significatif. Aussi, après avoir annoncé les traités de commerce et de navigation avec la France et la Turquie, le roi déclarait que dans les différents de la Belgique avec la Hollande, il ne prendrait pour règle de sa politique que les droits et les intérêts du pays, droits qui seraient défendus avec persévérance et courage. Des applaudissements unanimes accueillirent ces dernières paroles, qui semblaient devoir relever l'espérance de la nation.

Les budgets généraux pour 1839 appelaient ensuite la sollicitude des représentants; il en était de même de l'état de l'armée, qui resterait ce qu'elle était, aussi long-temps que la force numérique et la position des troupes qui menaçaient les frontières du nord ne changeraient pas.

Le tableau de l'industrie, de l'agriculture et de la prospérité générale, qui avait été tracé dans le discours royal, et' répété avec une sorte de complaisance dans les deux Chambres, reçut bientôt un cruel démenti par la suspension des paiements de la banque de Belgique; cet établissement

fut obligée de soumettre au public son état de situation en demandant à ses créanciers un sursis de trois mois, sursis qui lui fut solennellement accordé le 19 décembre.

Les manifestations hostiles des populations, les protestations les plus énergiques des députés du Limbourg et du Luxembourg, l'esprit de résistance auquel on s'était habitué depuis sept ans, tout venait empreindre de sombres couleurs le tableau du malaise qui travaillait la nation.

Si la Belgique (et l'adresse de la Chambre des représentants le prouvait) avait consenti en 1831 à l'exécution immediate du traité des 24 articles, sous la garantie des cinq grandes puissances, afin de ne pas troubler le repos de l'Europe, elle ne voulait plus aujourd'hui, après les refus du roi Guillaume, refus qui avaient duré sept années, adhérer à des stipulations arrachées au pays par la force des choses et se séparer violemment des provinces que le temps, les mœurs et les lois avaient fondues dans son unité.

C'était là toute la question. De plus, la Belgique comptait sur l'appui de la France pour soutenir en elle des institutions semblables, des liens et des souvenirs antiques et le droit des gens. Elle était prète à supporter plus que sa part dans le fardeau de la dette qui pesait sur la Hollande; mais elle déclarait, par l'organe de ses mandataires, qu'elle ne reculerait devant aucun sacrifice pour défendre l'intégrité de son territoire.

Néanmoins, la suspension des paiements de la banque de Belgique était venue bien malencontreusement compliquer la situation politique du pays, mais le Gouvernement, en s'unissant à la Société générale de l'industrie pour garantir les sommes versées (1 million 1/2) à la caisse d'épargne par les classes ouvrières, apaisa l'alarme momentanée que cet événement avait fait naître.

D'autres mesures furent aussi prises pour amortir le coup que la population industrielle avait dû nécessairement ressentir. L'entreprise des terrassements et ouvrages d'art, du chemin de fer d'Ams à la Meuse fut aussitôt adjugée

pour la somme d'environ 1,200,000 fr. et put occuper presque immédiatement plus de 500 ouvriers. Le chemin de fer de Liége à Praisfont promettait aussi un immense atelier de travail aux portes mêmes de Liége.. Des commandes importantes furent faites par le Gouvernement, autant pour occuper les ouvriers que pour répondre à de véritables besoins, et le ministère vint proposer d'urgence à la Chambre des représentants un projet de loi accordant à la banque de Belgique une subvention de 2,400,000 fr. destinée à secourir les industries les plus nécessiteuses, et ajouter un crédit de 1,600,000 francs, à l'effet de solder les sommes déposées aux caisses d'épargne et l'autorisation de créer jusqu'à concurrence de 4 millions de bons du trésor, pour faire face aux crédits susmentionnés. Cette loi fut adoptée unanimement par la Chambre des représentants le 25 novembre et le 27 par le sénat.

22 Décembre. Dans la discussion du budget de la guerre qui, dans les circonstances actuelles, présentait un intérêt nouveau, M. de Puyot déclara voter pour les crédits demandés par le ministre de la guerre, tout en constatant que le discours du roi des Français abandonnait la Belgique à la diplomatie, comme la rumeur publique le lui avait fait déjà prévoir.

MM. Simons (du Limbourg), de Hoffschildt, Brabant, Dorgnon, Dumortier demandèrent qu'on organisât la défense du territoire.

« La France, disaient-ils, ne pouvait laisser immoler à ses portes un peuple qui lui avait tendu la main. Il était temps de prendre des allures plus énergiques avec la France et l'Angleterre et d'en appeler aux peuples; si tous les gouvernements les abandonnaient. >>

A la suite de pareilles protestations acueillies par le silence du ministère, les articles du budget furent adoptés sans donner lieu à beaucoup d'observations.

Le budget des voies et moyens voté par la Chambre des représentants, fournit dans le sénat à M, le comte de Beau

lieu, l'occasion de blamer l'augmentation des dépenses projetées pour maintenir l'armée sur le pied de guerre.

Bien que l'assemblée ne partageât pas complètement l'opinion du noble sénateur, son discours fit sensation, quand il rappela.

«Que la Pologne n'avait pas eu affaire à la diplomatie et que néanmoins ses valeureux enfants peuplaient les pays voisins ou la Sibérie. Tandis que la Belgique, grâce à la diplomatie, était fortement constituée et que son indépendance était garantie, et son avenir assuré. »

Au milieu de la discussion des autres budgets spéciaux qui n'offrirent rien de remarquable, il faut cependant signaler le rapport de nombreuses et nouvelles pétitions des villes et villages du Luxembourg, qui venaient sans cesse protester, dans cette situation critique, contre le démembrement, dont les opérations de la conférence, l'acceptation définitive du roi de Hollande et l'attitude des cinq puissances les menaçaient de jour en jour.

Il ne s'agissait plus d'exploiter la forêt de Grünenwald, comme en 1837, le roi Guillaume n'employait plus de prétextes pour marcher à son but; cette affaire touchait à sa fin; mais il n'était pas réservé à cette année de voir le dénouement de ce drame politique.

HOLLANDE.

L'enlèvement du drapeau belge dans le Luxembourg, considéré comme un signe révolutionnaire, succédait naturellement à l'essai d'exploitation de la forêt de Grünenwald, tenté l'année dernière par le roi de Hollande. Les nouvelles élections ajoutaient encore à l'agitation que cette tentative de la part de la garnison de Luxembourg avait produite, et qui annonçait, sinon une guerre prochaine, du moins une rupture du traité du 21 mai. On sait que ce traité interdisait au cabinet de la Haye toute manifestation hostile à l'égard de la Belgique.

L'ouverture de la session des États-Généraux, qui eut lieu le 15 octobre, devait donner à cet événement une grande signification politique.

Qualifiant d'insurrection la résistance de la Belgique à l'exécution des 24 articles, le roi Guillaume espérait que la réponse des cours de France, de la Grande Bretagne, de Russie, d'Autriche et de Prusse, juges dans ce conflit, serait `compatible avec l'honneur et les intérêts du peuple Néerlandais. Les traités de commerce conclus avec la Grande Bretagne et la Prusse, les négociations entamées avec les états de l'union des douanes allemandes, inspiraient de la confiance au Gouvernement hollandais; l'ordre et la régularité de l'administration intérieure, l'activité des principales fabriques, la circulation des capitaux, l'état satisfaisant des possessions d'outre-mer, état consolidé à Sumatra par la prise de Boujol, et par le courage de l'armée des Indes, tout semblait promettre à ce royaume un heureux avenir.

Le discours du trône annonçait que les dépenses étaient couvertes par les recettes et que le crédit public se maintenait, en même temps que l'extension donnée par le roi à la banque des Pays-Bas devait apporter une nouvelle vie au commerce en général.

Il était évident néanmoins que des charges extraordinaires pesaient sur le royaume; mais les circonstances rendaient ces charges aussi sacrées que nécessaires et leur diminution prochaine était plus que présumable dans la situation actuelle.

Malgré la réserve avec laquelle le roi de Hollande avait parlé des négociations suivies à Londres, il était facile de prévoir qu'une communication officielle ne tarderait pas à être faite à ce sujet aux États-Généraux.

Dans la séance du 23 octobre, la deuxième chambre des États-Généraux avait, à l'exemple de la première, voté l'adresse au roi à la presque unanimité, déjouantainsi par ce loyal concours les calculs de la diplomatie du cabinet de

« PreviousContinue »