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rétablir dans la Prusse rhénane, et que S. M. n'avait d'autre but que de voir le pouvoir de l'état et de l'église renfermé dans les bornes qui lui étaient prescrites depuis plusieurs siècles. Il espérait enfin que la cour de Rome ferait succéder la prudence qui lui était habituelle à des sentiments d'irritation momentanée, et qu'elle ne donnerait pas lieu de se réjouir au parti qui dans son zèle dangereux et fanatique voulait élever ses autels, même au prix de l'abaissement et du renversement des trônes.

Dans le même temps que la ville de Cologne se prononçait si ouvertement en faveur de l'esprit catholique, la ville d'Erfurt rendait à la réforme religieuse du XVIe siècle un hommage solennel, en adoptant cinq descendants du célèbre Martin Luther, nés dans ses murs, tous très-jeunes, tous orphelins et pauvres. Cette décision du conseil municipal d'Er furt, remarquable à tous égards, empruntait un caractère d'opposition systématique des troubles religieux qui agitaient l'Allemagne.

Le bruit de l'enlèvement de l'évêque, M. de Ledehur, bruit qui s'était répandu à Paderborn, vint, à son tour, interrompre pendant quelques jours et plusieurs nuits la tranquillité publique. Les étudiants, mêlés à la multitude, parcouraient les rues en criant, vive notre Archevéque! quand ils furent à la fin dispersés par les soldats; M. Ledehur, suivant eux, ayant retracté son instruction sur les mariages mixtes, devait être enfermé dans une forteresse luthérienne. Les séditieux recrutèrent bientôt de nouveaux partisans, résolus de délivrer un de leurs chefs; ils avaient choisi la fête du président du tribunal supérieur de la province et devaient jeter à la rivière (le Pader), ceux qui se rendraient à la maison du président, notamment le général Wrangel, qui avait fait charger les habitants de Munster et le président de Winke, qui était devenu l'objet de la haine publique. Le peuple s'était dirigé vers le couvent des Franciscains, afin d'empêcher la prétendue arrestation du père Henry. « Si l'on emploie la violence, criait

» la foule, pour enlever le père Henry, nous n'épargne>> rons aucun luthérien ! » Les habitants de Cologne ont laissé >> enlever leur évêque, nous, nous ne permettrons pas qu'on » enlève un simple moine. >>

Apaisés à Paderborn par les mesures de l'autorité, les troubles religieux, qu'on croit incompatibles avec le XIX• siècle, allaient renaître à Coblentz, sous des prétextes et par des causes analogues.

Ici, c'était un prêtre séculier nommé Seidel, jouissant d'une réputation de grande piété, que le peuple avait voulu préserver de l'arrestation; arrestation qui n'avait pas été tentée. De là, des rassemblements qui avaient duré jusqu'au milieu de la nuit, malgré un froid glacial (9 janvier), et que l'attitude calme et modérée de la police avait insensiblement dissipée sans aucun événement fâcheux.

On avait espéré un moment dans la tournure que prendraient les négociations de M. le chevalier de Bunsen, ambassadeur du gouvernement prussien auprès du St.-Siége, mais cette réconciliation ne se réalisait pas. Bien au contraire, M. de Bunsen n'avait pas été reçu en audience par Sa Sainteté, et la brochure politique qu'il avait publiée devait être réfutée par le cardinal secrétaire d'état, et servir de document officiel dans cette affaire religieuse. Les efforts de M. Brüggemann, joints à ceux de M. de Bunsen, n'avaient encore produit aucun résultat, et la déclaration des évêques de Munster et de Paderborn, au sujet des mariages mixtes, vint ajouter aux difficultés de la situation En effet, d'après l'allocution du souverain pontife, et le bref daté du 25 mars 1830, les évêques s'étaient cru obligés de revenir sur la convention du 10 juin 1834 (voir l'Annuaire de 1837, p. 399), convention par laquelle le curé catholique s'engageait à ne pas s'enquérir dans quelle religion les enfants à naître devraient être élévés; ces ecclésiastiques n'avaient pas craint de diminuer leur autorité en renonçant à une conviction antérieure et fondée sur un long et mûr examen, par déférence à un discours du saint Père.

Le roi, voulant mettre un terme à ces longs dissentiments, rendit un ordre de cabinet qui résolvait définitivement la question des mariages mixtes. Sa Majesté déclarait à son tour qu'elle n'avait jamais eu d'autre intention que d'empêcher qu'on fit violence à la conscience de personne; qu'en conséquence, si l'époux catholique se réfusait à donner une déclaration au sujet de l'éducation de ses enfants, il ne devrait pas, pour cette raison, être soumis aux censures ecclésiastiques; mais que d'autre part, le prêtre catholique ne devrait pas être contraint à célébrer le mariage avec les cérémonies du rite catholique; enfin qu'il serait libre à la partie qui se croirait lésée, de s'adresser et de se plaindre à l'évêque, à la décision duquel devraient se conformer le prêtre ainsi que le fiancé.

Telle fut l'instruction de S. M., instruction qui était d'une tolérance extrême, et dont l'application n'était de nature à ne blesser aucun intérêt et aucune croyance. Néanmoins l'effet de la lettre pastorale, sur les mariages mixtes, s'était fait sentir jusque dans le grand-duché de Posen, et dans le mois d'avril, les autorités locales en avaient interdit la circulation, malgré les protestations des curés, leurs prédications fanatiques et leurs efforts pour abuser les habitants des campagnes, auxquels ils persuadaient qu'ils seraient forcés d'embrasser la religion protestante, ou d'épouser des femmes hérétiques, après avoir été contraints de répudier leurs épouses catholiques. Afin de faire cesser ces insinuations dangereuses, le roi Frédéric Guillaume publia un document qu'il adressa à ses sujets catholiques de Posen. Ce document témoignait du vif désir de S. M. de voir partout dans son royaume la liberté de croyance et de conscience respectée et invitait les populations à repousser les suggestions perfides de ceux qui s'efforçaient à troubler la concorde qui régnait depuis si long-temps entre les diverses religions de ses états.

Cette sage mesure, que conseillait la situation, ramena le calme et la confiance dans les esprits égarés par la malveillance et le fanatisme.

Sur ces entrefaites, l'empereur et l'impératrice de Russie, avec leur famille, arrivèrent, le 19 mai, à Berlin, où ils étaient attendus. Le grand-duc héréditaire, la grande-duchesse Alexandra, et les grand-ducs Nicolas et Michel accompagnaient leurs Majestés. Ce voyage n'avait aucun brt politique. L'empereur se proposait seulement de visiter l'Allemagne et l'Italie, cette terre des souvenirs classiques.

Les fêtes, les banquets splendides furent prodigués aux augustes voyageurs. Il y eut à Berlin, pendant leur séjour, de brillantes sérénades et des évolutions militaires, et S. M. le roi Guillaume nomma S. A. I. le grand-duc Constantin de Russie membre de l'ordre du grand-aigle-noir.

L'empereur Nicolas poursuivit son voyage par la Silésie, et après avoir inspecté les fortifications de Moddlin, il se rendit à Postdam, et partit le 2 octobre pour retourner à St.-Pétersbourg. Vers le même temps arrivèrent à Berlin, MM. Sauzet et Dubois de Nantes, membres de la Chambre des députés de France, dans l'intention d'étudier, l'un, l'organisation administrative, le second, les institutions scientifiques de la Prusse.

Cependant, une nouvelle circulaire ministérielle relative aux mariages mixtes, avait été adressée au clergé du grand duché de Posen. Le refus des évêques de s'y soumettre avait déjà produit une certaine fermentation dans les esprits. De là l'émeute qui éclata à Cologne, à propos d'un sermon prétendu séditieux du curé Butler, prononcé le 21 octobre, fête de Ste-Ursule. Le peuple ayant été informé qu'une instruction avait été ordonnée contre le curé, et que le chanoine Filz en était le provocateur, pénétra dans ses appartements, et brisa tous les meubles, avec une fureur inspirée par le fanatisme. La troupe avait dissipé la foule des factieux, mais quelques-uns avaient été blessés, et plusieurs autres arrêtés. Quelques personnes de la haute société furent en outre compromises dans ces troubles, qui inquiétaient vivement le gouvernement prussien.

Néanmoins le progrès de l'instruction et de l'industrie

pénétrait de plus en plus dans les classes populaires, et d'après le dernier récensement fait en Prusse en 1837, et qui portait la population à 14,098,125 âmes, il fut constaté que peu ou point d'enfants n'étaient privés d'instruction; quant à l'industrie, elle recevait une vaste et nouvelle impulsion par l'ouverture de toute la ligne du chemin de fer de Berlin à Postdam. Le prince royal, les princes Charles et Guillaume et nombre de personnages distingués avaient honoré de leur présence cette utile et populaire solennité, en faisant partie du premier convoi d'inauguration. Le trajet de Berlin à Postdam, qui est de six lieues de France, avait été accompli en 38 minutes 1/2.

Bientôt après, 3 novembre, le cabinet prussien publia une loi très-importante sur les chemins de fer, vint fixer les principes de la législation en cette matière et mit fin à l'incertitude où l'on était au sujet des intentions du Gouvernement relativement aux chemins de fer, ainsi qu'aux abus et à l'agiotage que l'absence d'une loi spéciale avait facilités. Cette loi contenait entre autres prescriptions fondamentales, l'obligation pour une compagnie de soumettre son plan au ministre du commerce et faire connaître son capital social; la défense formelle d'émettre des promesses d'actions au porteur et des reconnaissances provisoires. En outre tout souscripteur était personnellement engagé sans exception, au paiement de 40 pour cent du capital nominal souscrit par lui, et il ne pourrait être dégagé de cette obligation ni par voie de cession au profit d'un tiers, ni par la compagnie elle-même.

Si, après le versement des premiers 40 pour cent, les autres paiements n'étaient pas effectués, la compagnie pourrait poursuivre le débiteur ou bien le déclarer déchu de ses droits et dépossédé des fonds déjà versés. Elle pourrait aussi recevoir de nouvelles souscriptions jusqu'à concurence du montant des actions qui auraient appartenu aux actionnaires exclus.

Cette loi portait également qu'il ne pourrait être émis de

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