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tages. Les Russes, dont la flotte composée de vingt vaisseaux de guerre, avaient effectué un débarquement sans éprouver aucune résistance, provoquèrent une conférence, en déclarant que leur intention était d'ériger un fort à Shushen; les Circassiens temporisèrent; mais à l'insu de leurs ennemis, ils appelèrent aux armes tous leurs guerriers, échauffèrent leur zèle, en exposant dans les villes le livre du Coran, et exigèrent d'eux le serment qu'ils ne rentreraient dans leurs foyers qu'après avoir chassé les Russes du territoire.

L'armée des Circassiens, forte de 7000 hommes, com duite par les chefs Ubesh-Hadjie, Berseck-Islam et Zelka, remporta une victoire signalée, et le champ de bataille et le rivage restèrent couverts de cadavres moscowites.

Tout concourut à rendre complète la défaite des Russes; la flotte nouvelle avait été assaillie par une tempête; un vaisseau à deux ponts, deux corvettes et deux petites embarcations avaient été jetées sur la côte. A Joaps et à Agovia deux grands bâtiments à vapeur et deux vaisseaux de ligne avaient péri corps et biens; onze autres vaisseaux de guerre avaient échoué; enfin, on évaluaît jusqu'à trente le nombre des navires désemparés; sinistre qui avait permis aux Circassiens de faire un butin im- /

mense.

La garnison du fort de Stocka elle-même qui avait fait une sortie pour défendre les débris des deux corvettes naufragées, fut battue, poursuivie, et sur 1100 hommes, 100, tout au plus, purent rentrer dans le fort, le reste ayant été passé par les armes.

Aussi, après ces désastres, le général russe adressa-t-il vainement aux Circassiens les propositions suivantes : 1o de cesser toute hostilité; 2° de fournir des otages à renouveler tous les quatre ans; 3° de ne recevoir des étrangers qu'avec l'autorisation du Gouvernement; 4° enfin, d'accepter un gouverneur nommé par l'empereur; ces pro

positions furent toutes rejetées avec énergie en termes qui prouvaient que ceux-ci connaissaient leurs avantages, et que leur intention était formelle de ne point se soumettre à l'autorité impériale.

D'un autre côté, les affaires de l'Inde préoccupaient également la Russie, qui avait à craindre qu'une collision entre elle et l'Angleterre n'éclatât; collision qui aurait réagi puissamment sur les intérêts européens déjà compromis par la question d'Orient.

Mahommed-Mirza avait été choisi d'un commun accord par la Russie et l'Angleterre, comme étant de tous ses compétiteurs le plus digne et le plus capable de régner sur la Perse, et surtout parce que chacune de ces puissances se promettait séparément de conserver sur ce souverain une influence favorable à sa politique.

Au commencement de l'année, Mahommed-Mirza vint assiéger Hérat, ville ancienne de la province de Khorassin, frontière de l'Afghanistan, et qui forme comme un lien entre la Tartarie et l'Indoustan. Le but apparent du Schah était d'obtenir par la force un tribut qu'on lui avait refusé; mais l'Angleterre croyait démêler dans cette expédition quelque intention secrète de la part de la Russie, et elle n'aurait assurément pas vu sans inquiétude la prise d'une ville tout influente dans l'Afghanistan dont les habitants lui étaient hostiles.

A cet effet, M. Marc-Niel fut dépêché auprès du Schah pour que celui-ci eût à lever le siége d'Hérat, et le Gouvernement de l'Inde se prépara à soutenir par les armes les réclamations de son délégué.

La Russie prétendit à son tour que la démarche de l'envoyé anglais n'était qu'un prétexte qu'aucun motif sérieux ne pouvait légitimer, et que le but réel de la GrandeBretagne était d'avoir sans partage le monopole du commerce de cette contrée. Le cabinet russe déclara donc qu'il ne souffrirait pas qu'on portât atteinte aux droits de son allié. De tels démêlés, qui pouvaient avoir des suites graves,

fixèrent bientôt les regards de l'Europe vers cette partie de l'Orient, où les deux puissances rivales s'observaient mutuellement et s'apprêtaient à soutenir leurs prétentions par la force.

Tandis que tous ces événements se passaient aux extrémités de la Russie, et réclamaient une sérieuse attention, le gouvernement s'occupait néanmoins sans relâche de multiplier au sein de l'empire les moyens de communications la reprise de canalisation du Wolga et du Don; l'établissement d'un chantier maritime à Odessa; les améliorations de la navigation du Dnieper; un chemin de fer de Saint-Pétersbourg à Moscou; enfin, la reconstruction du palais d'hiver détruit à la fin de décembre de l'année dernière par le funeste incendie dont nous avons donné les détails. (Voir l'Annuaire 1837, Chronique, page 254). Tous ces travaux d'utilité publique, exécutés simultanément, prouvaient que l'empereur, même dans des circonstances difficiles, ne négligeait rien pour assurer à l'intérieur la prospérité de la Russie ainsi que pour fonder sa prépondérance au dehors.

Un fait qu'il n'est pas inutile de mentionner ici en ce qu'il annonce une tendance vers les idées d'émancipation, ce fut la liberté que quelques seigneurs accordèrent cette année à leurs esclaves, moyennant une faible redevance pour les terres qui leur étaient concédées; nobles exemples qui, dans l'avenir, pouvaient avoir des conséquences importantes.

CHAPITRE IV.:

Turquie -et ÉgypTE, Négociations rompues entre le sultan et le vicePréparatifs de guerre. Mahmoud arme sa flotte.

roi.

-

des Druses.

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mement de la flotte turque.

-

Révolte

Représentations de l'amiral Roussin au sujet de l'arReprise des négociations entre Mahflotte turque sort de la mer de Mar

moud et Méhémet-Ali.- La

mara. Représentations nouvelles des ambassadeurs de France et 'd'Angleterre.. Assurance donnée par la Porte à l'amiral Rous

sin.

Départ et retour de l'escadre turque. Promenade d'obser→→ valion de la flotte égyptienne. Répression de la révolte des Dru

ses. Méhémet envoie le tribut au sultan,

ses projets de réforme.

Mahmoud continue Établissement d'un lazaret et d'un système de quarantaine. — Akif-Pacha est destitué et remplacé par Rauf Pacha. Suppression de la dignité de grand-visir. Creation d'un conseil délibérant. Reschid-Paeha. Traité de commerce entre

-

la Porte et l'Angleterre. — Refus provisoire de Méhémet. Firman du 'grand seigneur. »›

Les difficultés qui s'étaient élevées entre le sultan et le pacha d'Égypte, à l'occasion de l'hérédité offerte par la Porte en échange de la Syrie, loin de s'aplanir avaient pris un véritable caractère d'irritation par le refus positif de Méhémet-Ali. On se disposait donc à en venir aux mains, mais malgré le désir des deux rivaux de trancher par le sort des armes une question aussi longuement débattue, l'Europe avait trop à craindre les conséquences d'une pareille lutte pour souffrir qu'un champ de bataille ensanglanté par la chute de l'un ou de l'autre servit d'arène à un conflit de nature à compromettre le repos du monde.

En effet, si le Pacha eut été vainqueur et maître de Constantinople, la Russie, sous prétexte de protéger le plus faible, ne s'emparait-elle pas de cette capitale?... et qu'auAnn. hist. pour 1838.

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raient fait alors la France et l'Angleterre?... au contraire Méhémet-Ali vaincu, ces deux grandes puissances devaient elles abandonner un allié nécessaire et pouvaient-elles demeurer spectatrices indifférentes d'un tel événement?... Il importait donc à une haute politique de prévenir une collision aussi redoutable.

Cependant tous les efforts de la diplomatie ne parvinrent pas à ébranter les résolutions du sultan et du pacha, qui persistèrent réciproquement dans leur attitude hostile. Toutefois le statu quo n'était pas aussi défavorable à Méhémet qu'à Mahmoud, puisque le premier était par le fait en possession de la Syrie et qu'il ne s'agissait plus pour lui que de convertir ce fait en droit.

Mais le sultan ne voulant pas tolérer plus long-temps f'usurpation d'une des plus belles provinces de son empíre, se prépara à combattre. En conséquence au commencement de l'année, il ordonna d'armer sa flotte; et 10,000 hommes furent envoyés en Syrie.

Le moment, en effet, paraissait opportun: la province d'Arwan et les Druses, peuplade belliqueuse du Mont-Liban, s'étaient révoltés contre le vice-roi; leurs premières tentatives avaient été couronnées de succès, et après avoir battu les Égyptiens et s'être fortifiés à Heuran, ils menaçaient Homi et Damas, dont la population les appelait de leurs

vœux.

Contraint par ces circonstances de demander des secours à son père et de se rendre en toute hâte à Alep pour prévenir le soulèvement de la Syrie, Ibrahim avait laissé le commandement en chef de l'armée à Soliman Pacha, qui parvint à rétablir l'ordre à Damas, et à dégager la place. Ibrahim, convaincu que Mahmoud n'était pas étranger à ces événements, accusa le général turc d'avoir fait passer des armes aux révoltés, afin de mettre, à l'aide de cette diversion, la flotte Ottomane en état de débarquer des troupes en Syrie, et de tenter une descente sur quelques points dégarnis, ce qui paraissait probable; mais sur les représentations de l'a

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