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miral Roussin, ambassadeur de France à Constantinople, appuyées de la division navale sous les ordres de Pamiral Gallois, la Porte s'était abstenue de toute manifestation hostile. Toutefois, en cédant à ces représentations, Mahmoud insista auprès des puissances médiatrices pour que le pacha d'Égypte eût à réduire ses troupes et qu'il licenciat 10,000 hommes de son armée du Taurus. Son chargé d'affaires, à Paris, remit au gouvernement français une note sur la nécessité de contraindre le vice-roi de reconnaitre la suzeraineté de la Porte, note dans laquelle celle-ci se plaignait en outre d'un acte d'indépendance de Méhémet-Ali, qui avait frappé les monnaies turques d'une réduction de 12 pour cent, et réclamaît le paiement du tribut arrièré.

Tout en continuant la voie des négociations, le sultan ne ralentissait pas ses préparatifs de guerre. Au mois de juin, sept ou huit batiments sortirent de la mer de Marmara et trente autres furent également appareillés; les craintes des puissances se renouvelèrent alors en présence d'un aussi grand nombre de voiles à la veille d'entrer dans la Méditerranée; au moment où la flotte égyptienne allait partir.... Ces démonstrations n'amenèrent pourtant aucun résultat; grâce à une conférence entre le sultan et les ambassadeurs de France et d'Angleterre, où il fut convenu que l'escadre ottomane ne franchirait pas les Dardanelles....... De leur côté, les consuls obtinrent du vice-roi que sa flotte ne quitterait pas Alexandrie.

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Néanmoins, Mahmoud, ne voulant pas paraître avoir inutilement armé ses vaisseaux, donna l'assurance à l'amiral Roussin qu'il n'avait pour but que de faire visiter Smyrne et d'installer un nouveau bey à Tripoli. On mit donc à la voile, et la prétendue mission fut accomplie, non sans avoir été continuellement surveillée par l'escadre anglaise jusqu'au retour dans le port.

D'autre part, la flotte égyptienne ne resta pas oisive; elle entreprit une promenade d'observation pour mettre à l'abri

d'une surprise Alexandrie et le Caire, que défendaient de faibles garnisons.

Pendant ce temps, Ibrahim qui d'abord avait essuyé quelques échecs remporta une victoire signalée sur les Druses; ces derniers ayant évacué Balbec, il se dirigea sur le Mont-Liban pour assurer ses communications avec Damas et attaqua les rebelles. Malgré des efforts incroyables de bravoure, les Égyptiens furent d'abord repoussés, mais bientôt la fortune se déclarant pour eux, ils descendirent de leurs positions fortifiées, tombèrent sur les Druses et en firent un grand carnage; leurs blessés furent même étranglés par les Arnautes..... Ibrahim, en annonçant cette victoire à son père, terminait ainsi sa lettre : Ce champ de bataille est plus beau, plus glorieux que celui de Koniah; ensuite, pour rendre toute nouvelle révolte impossible, il divisa son armée en trois corps; le premier, placé sur le mont Taurus, fut mis sous le commandement de Mustapha-Pacha; le second à Alep, sous le commandement de Soliman-Pacha; le troisième, enfin, resta sous ses ordres, à Damas.

Méhémet-Ali, irrité des secours que Mahmoud avait prêtés aux Druses révoltés et des préparatifs que son ennemi ne cessait de faire contre lui, se disposait à déclarer son indépendance; cependant, sur les nouvelles instances des puissances européennes, et dans l'espoir que leur intervention finirait par vaincre la répugnance du sultan à reconnaître ses droits, le vice-roi se décida à tenter encore la voie de conciliation, et envoya à Constantinople un million de piastres pour acquitter le tribut qu'il avait consenti, en y joignant des présents pour le sultan.

Ainsi, les deux rivaux en étaient revenus à des dispositions plus pacifiques, mais la question principale, l'hérédité du gouvernement de l'Égypte et de la Syrie que le pacha réclamait toujours comme une condition sine qua non de sa soumission envers la Porte, demeurait entière, sans qu'on pût prévoir quelle en serait le dénouement. Ce qu'on pouvait conjecturer, c'est que les deux partis

s'épuiseraient en efforts infructueux, tout en conservant chacun ses prétentions.

Quant à Méhémet, son opiniâtreté s'appuyait sur ce long enfantement de la civilisation égyptienne due à son zèle infatigable qu'il prétendait lui mériter l'hérédité de l'Égypte; tandis que le sultan, jaloux de la puissance du vice-roi, qu'il regardait comme une usurpation, n'entendait pas légitimer la révolte d'un sujet rebelle; situation aussi difficile que précaire.

Ces événements, qui semblaient devoir refroidir le zèle novateur du sultan, ne l'empêchèrent pas de poursuivre avec la même persévérance ses projets de réformes; et cette année fut signalée encore par des améliorations notables. Dans le mois de février, la Porte adopta l'institution sanitaire européenne; un conseil extraordinaire, composé des hauts fonctionnaires de l'empire et des Ulémas décida qu'on organiserait un système de quarantaine. M. Brulard, médecin français, que le sultan avait autorisé à publier un journal intitulé la Peste, et qui avait guéri l'un de ses fils d'une maladie grave, fut choisi pour présider à la réalisation de ce projet. Par ses soins, et avec l'appui d'une commission d'utilité pu blique, instituée par Reschid-Pacha, un lazaret fut établi, et on put espérer que la peste, qui tant de fois avait désolé ces contrées, ne décimerait plus ce peuple si longtemps indifférent aux bienfaits de la civilisation.

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Divers changements eurent aussi lieu dans l'administration de l'empire; Akif Pacha, premier ministre et grandvisir, qui succéda à l'infortuné Portew-Pacha, dont la fin tragique suivit de près la destitution (voir l'Annuaire de 1837, page 455), soupçonné de favoriser le vice-roi et de subir l'influence russe, fut démis lui-même de ses fonctions et remplacé par Rauf-Pacha dans la charge de premier ministre; la dignité de grand-visir fut supprimée, ainsi que la cour de justice qu'il présidait un nouveau conseil

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Réformes diverses

- Application de la loi sur la conscription. -- A Athènes, à Agition, à Scopolo, elle est accueillie avec enthousiasme. Adoption de l'uniforme européen. - Renvoi d'une partie des troupes bavaroises. — Rẻvoltes des Hydriotes au sujet de la nouvelle loi - Amnistie accordée aux coupables à l'occasion de la fête du roi. Institution d'une fête nationale.-Changements opérés dans diverses branches de l'administration. Réduction du budget de la guerre. Création d'une banque nationale. Constructions nouvelles à Athènes et au port du Pirée. Emprunt grec; paiement de la troisième série. — Contestations à ce sujet. Note des puissances concernant le versement de la troisième série. Voyage du roi Othon en Roumélie. Révolte en Messénie. Dispersion des rebelles.

Les changements importants qui avaient signalé l'année précédente prouvaient que l'administration voulait réellement constituer un gouvernement national. En effet, la création d'une armée toute composée de Grecs, et surtout la ferme volonté du jeune roi, qui n'hésita pas à prendre la direction des affaires, semblaient faire présager que les causes de désordres dont ce malheureux pays avait été affligé depuis si long-temps allaient enfin avoir un terme.

Entré dans cette voie, le roi Othon commença à régner véritablement ; et si quelques troubles étaient venus encore compromettre la tranquillité publique, l'énergie avec laquelle ils avaient été réprimés lui avait donné de nouveaux titres à l'affection et à la confiance de ses sujets. En se déclarant ainsi lui-même son premier ministre, en se confiant sans réserve à l'amour des Grecs, le roi résolut de tenter les réformes les plus utiles, et de réduire des

dépenses nécessitées jusqu'à ce jour autant par la présence des Bavarois que par les abus qui en furent la suite. Une tâche semblable était sans doute difficile; mais l'activité du jeune prince purent faire naître l'espérance qu'il aurait la force de l'accomplir.

La nouvelle loi sur la conscription fut partout appliquée sans opposition; dans quelques localités, on l'accueillit même avec enthousiasme. A Athènes, par exemple, plus de cent cinquante volontaires, appartenant tous aux premières familles, s' nrôlèrent. A Agition et à Scopolo, la jeunesse montra le même empressement à entrer dans une armée devenue réellement nationale. Et, malgré la vieille répugnance que les Grecs avaient manifestée jusqu'alors pour la discipline et l'uniforme européens, tous demandérent à l'envi-a revêtir le costume militaire des peuples civilisés et à se soumettre aux exigences d'un service régulier. L'organisation d'une milice toute composée d'indigènes étant effectuée, le gouvernement put faire embarquer une partie des troupes bavaroises, afin de dégrêver sensiblement par là le budget de la guerre, et d'effacer ces motifs de défiance qui, dans l'origine, avaient mis en état d'hostilité le roi avec ses sujets.

Cependant, à Hydra, l'exécution de la loi sur la conscription rencontra une opposition opiniâtre de la part des habitants; le gouverneur, M. Backmer, malgré l'intrépidité et le sang-froid dont il fit preuve, fut insulté, assailli, et courut même les plus grands dangers.

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A la première nouvelle de ces troubles, le ministre de la marine, Kriesis, se transporta à Hydra avec la phalange qui était sous ses ordres; il entra sans résistance dans la ville, et menaça d'employer la force si dans quatre jours les habitants n'avaient fait leur soumission. Les Hydriotes demandèrent l'autorisation d'envoyer une députation au roi,, qui refusa de la recevoir. Quelques jours après, une division de l'armée navale fit son entrée dans la ville, aux cris ré

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