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Ainsi, M. Roger (du Loiret) se plaignit de la destitution de M. Defaucamberge, médecin d'hospice, qu'il qualifiait d'illégale, et qui aurait été, de l'avis même du préfet, le résultat de son intervention dans les élections du conseil général du Loiret.

Cette attaque fut repoussée par le ministre de l'intérieur qui prétendit que l'administration avait eu le droit de révoquer un médecin qui ne lui offrait pas de garanties.

M. Roger posait en principe le respect dû aux ordonnances royales par les ministres, et persistait à regarder comme arbitraire la révocation de cet électeur.

La Chambre fut rappelée à la véritable question par M. Odillon - Barrot, qui cita à l'appui de l'amendement, et pour le remplacer, les expressions mêmes de la loi, laquelle fait consister la liberté électorale dans la non-intervention du Gouvernement et dans l'éloignement d'une influence administrative. Faisant une peinture énergique des désordres qui résultent de ces manœuvres impolitiques, il s'écriait :

• Qu'est-il arrivé? vous avez appelé dans la capitale un préfet pour justifier sa conduite. Savez-vous quel désordre vous avez causé dans les préfectures? Savez-vous dans quelle situation se trouvent les préfets le lendemain des élections? ils sont vainqueurs ou vaincus dans le combat; ils sont mêlés à la lutte personnellement. Et voulez-vous que le lendemain ils reprennent leur caractère de magistrats administratifs, la force morale dont ils ont besoin pour administrer ?

Mais, tout en partageant complétement les opinions libérales de M. de Saint-Albin, l'honorable député le priait de retirer son amendement.

Des marques de satisfaction accueillirent ce mode de raisonnement, dont l'ambiguité permit une réplique à M. le ministre de l'intérieur.

Celui-ci entrant dans les précédents de notre histoire parlementaire, rappelait qu'à l'égard même de M. OdillonBarrot, M. Dupont (de l'Eure), ministre en 1830, avait in

fluencé des électeurs par des circulaires, L'administration, selon lui, avait exercé, et avait toujours le droit d'exercer, une certaine action honorable et légale, et d'intervenir, comme cela se pratique toujours en Angleterre, en Amérique et dans tous les pays constitutionnels.

M. Dupont de l'Eure assura que son intention n'était pas de désavouer les éloges qu'il avait cru devoir accorder en 1830, au caractère éminent de M. Odillon-Barrot; mais qu'il avait usé, comme ministre, de son droit électoral, en écrivant à un de ses amis une lettre confidentielle à l'effet de recommander trois candidats.

Cette conduite de l'ancien ministre se trouvait justifiée par M. Passy, qui en avait profité, et, à ses yeux, M. Dupont de l'Eure n'avait que rempli ses devoirs d'électeur.

M. Mauguin entra dans la lice pour renverser le système de défense adopté par le ministre. Traitant la question de plus haut, il regardait cette volonté du ministre, pesant sur les élections, comme une similitude funeste avec les tendances de M. de Villèle. Il ne refusait pas toute action au Cabinet, mais les intrigues, les promesses et les menaces, lui semblaient des actes coupables. Argumentant avec cette vigueur qui lui est particulière, ce membre de l'opposition appelait une enquête au secours de ses assertions, et dénonçait à la France cette doctrine: « que les fonctions pu<«<bliques sont la propriété du pouvoir. »>

Satisfait de cette discussion de principes qu'il est si important de poser au début d'une session, M. Hortensius de Saint Albin retira son amendement.

Le système corrupteur auquel on reprochait d'avoir vicié ou cherché à vicier les élections dans plusieurs départéments, donna occasion à M. Gauguier de proposer un amendement qui devait être un avertissement pour le pouvoir. Cet amendement ne fut cependant pas appuyé. La Chambre, toute étonnée de sa hardiesse, voulait néanmoins laisser agir un ministère qui, dès son origine, était réduit à se défendre:

Plusieurs considérations, développées par ce dernier orateur, étaient du plus grand intérêt, en ce qu'elles intéressaient l'avenir de la Chambre.

« Je vous ai souvent parlé, disait-il, du danger d'avoir dans une assemblée nationale un trop grand nombre de fonctionnaires publics salariés. M. le ministre du commerce vous a démontré hier, beaucoup mieux que je ne l'aurais fait moi-même, l'importance des fonctions des ingénieurs en chef des ponts et chaussées; il n'a manqué à la puissance de sa logique que d'étendre sa démonstration à tous les autres membres de cette Chambre qui ont des emplois, soit comme militaires, soit comme magistrats, soit comme administrateurs, et dont certes les devoirs ne sont pas moins importants pour les intérêts généraux de la France.

C'était donc pour empêcher cette ambition démesurée de certains fonctionnaires publics qui veulent cumuler les honneurs de la députation avec les émoluments annuels de leurs places, bien qu'ils ne les remplissent que dans l'intervalle des sessions, que depuis sept ans j'ai cherché à amener une réforme, que le fait que je vous ai cité, relatif à la cour royale de Toulouse, rend indispensable, et cela dans l'intérêt du pouvoir comme des fonctionnaires eux-mêmes.

« En effet, sous la Restauration, aveuglé par la fausse puissance que lui donnaient de fausses majorités dans la Chambre, le pouvoir a péri.

« Qu'en est-il résulté pour les fonctionnaires? c'est que ceux d'entre eux qui secondaient le Gouvernement dans ses actes anti-nationaux pour conserver à perpétuité leurs emplois, les ont perdus lors de la révolution de 1830. Maintenant, MM. les fonctionnaires publics voudront-ils bien comprendre que, loin d'être leur ennemi, je suis leur plus zélé défenseur? »>

Le paragraphe 3, relatif à la paix du monde et à nos relations extérieures, donna lieu à M. Fulchiron de se plaindre, comme à la précédente session, de la manière dont les Français étaient traités en Suisse ; l'orateur réclamait de ce pays les mêmes avantages que ceux que lui accordait la France. C'était à M. le ministre des affaires étrangères à régulariser les rapports internationaux.

Le président du Conseil promit de s'occuper sérieusement de cette matière et d'en conférer avec le ministre du commerce.

Profitant de la position que lui avait faite le préopinant, M. Chapuys de Montlaville était d'avis que la Chambre flétrit dans l'Adresse l'atteinte portée par le roi de Hanovre

aux droits de son peuple et à ceux des nations. Il ne craignait pas de comparer la conduite de ce prince en 1837, celle de Charles X en 1830.

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L'orateur ne parvint pas à entraîner la Chambre, et quelques paroles du président du Conseil, tendant à prouver que la France ne devait et ne pouvait s'occuper directement ou indirectement des affaires d'un autre pays, et que la question était posée entre le Hanovre et la diête germanique, satisfirent pleinement les esprits.

Un paragraphe additionnel de M. de Mornay remet tait encore cette année la question de la nationalité polonaise sous la sauve-garde du droit public et de l'opinion de la France. On se rappelle qu'en 1837, le président du Conseil ne s'opposa pas à l'expression d'une pareille sympathie introduite dans l'Adresse, par M. Odillon-Barrot. Cette fois, le vœu de M. de Mornay: « de voir fidêlement exécuter « les traités et de rappeler sans cesse à l'Europe les ga<< ranties qu'elle avait solennellement données à l'antique << liberté polonaise, » rencontra un adversaire dans M. le comte Molé.

Était-on sûr que cet amendement serait toujours maintenu dans l'Adresse? n'entraînerait-il pas, pour l'avenir, des conséquences fâcheuses? enfin, s'il devait être de quelque poids, n'aggraverait-il pas encore la position des Polonais? Telles étaient les craintes du Gouvernement, craintes que la Chambre ne partagea pas, car l'argumentation chaleureuse de M. Odillon-Barrot décida l'adoption du paragraphe à une grande majorité.

Rappelant la liberté de Cracovie anéantie, ce dernier échantillon du droit distinc t de la nationalité polonaise, l'honorable député s'exprima it en ces termes :

« Oui, il y a lutte entre la force matérielle et le droit, et dans cette lutte qu'apportons-nous? la reconnaissance, la proclamation du droit. Est-ce à nous à nous lasser, à nous retirer de la lutte, à déserter le faible contingent moral que nous y apportons tous les ans ? On a reproché quelquefois

à notre nation d'être légère et oublieuse; elle ne l'a que trop été lorsque le partage de la Pologne s'est fait en 1772. Elle n'a pas apporté à ce fait une attention assez sérieuse. Mais si quelque chose doit laver notre nation de la honte que ce partage lui a imprimée, c'est qu'elle n'avait pas alors de représentation nationale.

« Je conçois très-bien que, dans une autre Chambre, on ait regardé comme un acte important une protestation qui était nouvelle, qui engageait l'avenir; je conçois qu'on se soit eru dispensé de le faire, qu'un corps qui est permanent, qui engage plus ou moins la solidarité du Gouvernement, se soit abstenu d'une protestation pareille, par la seule raison qu'elle n'avait pas encore eu lieu et qu'il n'y avait pas à continuer ce qui était fait. Mais dans cette Chambre, c'est l'inverse; il ne s'agit pas de commencer, mais de savoir si nous interromprons cette série de protestations. Ne craignez pas cette protestation; elle ne vous engage pas, elle ne vous gêne pas, elle vous fortifie, car elle vous donne l'accession des sympathies publiques. S'il y avait rupture de cette protestation, si le silence venait couvrir toutes ces usurpations et toutes ces violations des traités, ah! craignez qu'alors no dise avec vérité : Depuis ce jour, la nationalité polonaise est véritablement morte; car elle est morte de fait et de droit et n'existe plus même dans le souvenir de la représentation française.

Le ministère se sentait donc emporté par l'opinion de la Chambre, mais la question espagnole devait bientôt arrêter des protestations aussi liberales ou entraîner la retraite du cabinet.

Le 4o paragraphe, qui déplorait la guerre civile désolant l'Espagne et parlait de l'exécution fidèle du traité de la quadruple alliance, allait mettre en présence le système du 6 septembre et celui du 22 février.

M. Hébert proposa de substituer à ces mots : en exécutant fidèlement; ceux-ci: en continuant à exécuter fidèlement le traité.

Il soutenait, avec M. St.-Marc-Girardin, que le gouvernement avait fait ce qu'il s'était engagé de faire par le traité de la quadruple alliance, et que la France devait rester libre d'intervenir ou non en Espagne, selon les circonstances.

Suivant M. Thiers, le salut de la question d'Espagne intéressait la France et l'Europe; il y avait deux politiques à cet égard: l'une qui consacrait l'indifférence envers l'Espagne, l'autre qui voulait faire les affaires de l'Espagne sans Ann. hist. pour 1833 .

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