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En résumé, si les armes de la reine n'avaient pas encore remporté de grands avantages, elles avaient du moins battu l'ennemi en plusieurs rencontres, et tout faisait espérer que la cause d'Isabelle II prendrait bientôt un meilleur aspect.

Les diverses expéditions lancées par le prétendant dans le cœur de la Péninsule n'avaient eu jusqu'alors que peu de succès. Ainsi, Basilio Garcia, d'abord menaçant, s'était vu réduit à éparpiller son monde et à fuir à son tour devant le général Pardinas. Negri, comme nous l'avons dit, après avoir déjoué la vigilance d'Iriarte, n'avait pu se maintenir à Ségovie ni opérer sa jonction avec Basilio.

Quant au prétendant, résidant toujours à Estella, son crédit déjà précaire en Espagne, reçut une forte atteinte en Angleterre. Le baron de Haber, agent carliste, n'ayant pu obtenir le paiement d'une somme qui lui était due, avait été autorisé par le jury à opérer, à Londres même, une saisie sur des valeurs appartenant à don Carlos. Cette décision était grave, en ce sens que tous ses créanciers pourraient désormais en agir de même, et amener ainsi la désorganisation totale de ses finances.

A cet événement plus que commercial venait se joindre l'arrestation, à Metz, du comte d'Espagne, retenu prisonnier à Lille et qui s'était évadé de cette dernière ville dans la nuit du 10 au 11 avril.

Si donc une pareille situation ne rassurait pas complètement pour l'avenir, elle donnait du moins au gouvernement le courage de résister aux orages des partis et au déchaînement sans cesse croissant des passions politiques.

La liberté de la presse avait en effet dégénéré en licence. Les ministres et la reine elle-même étaient tous les jours en butte aux insinuations et aux injures de toute espèce, à tel point qu'il avait été question de suspendre cette liberté ; mais le comte d'Ofalia s'y était formellement opposé. Les exaltés faisaient toujours courir le bruit d'une prétendue démission d'Espartero, afin d'exploiter cette rumeur à leur profit.

De leur côté, les sociétés secrètes exerçaient une influence dangereuse sur les esprits, et des correspondances empreintes d'une exaltation fanatique avaient été interceptées.

A tout événement, l'on travaillait activement aux fortifications pour la défense de la capitale.

Dans la séance du 28 avril, lors de la discussion du budjet des affaires étrangères, la chambre des députés, prévoyant l'hypothèse du rétablissement des relations diplomatiques de l'Espagne avec les puissances qui n'avaient point encore reconnu le gouvernement de la reine, vota un fonds éventuel d'un million de réaux, et elle stipula que les traitements auxquels cette somme serait affectée, seraient régis par la loi du 26 mai 1835.

Le gouvernement avait à peine pris cette résolution importante pour la diplomatie, que le soulèvement d'une partie de la Navarre en faveur de la reine produisit quelque changement dans la situation morale de l'Espagne.

Munagorri, chef des indépendants, à la tête d'une colonne de 400 hommes, se présenta le 18 sur les six heures du soir à Verastegui. Ses troupes prêtèrent un serment solennel de se séparer pour toujours de don Carlos qu'ils regardaient comme l'auteur de tous les maux dont le pays était affligé. C'est alors que le brigadier carliste Iturri fut attaqué et battu par les indépendants, et que le général christinos O'Donnell partit immédiatement de Saint-Sébastien pour surveiller ce mouvement et tirer parti de cette insurrection constitutionnelle des provinces basques.

CHAPITRE VIII.

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Réception - Invasion de

Fin du soulèvement de Munagorri. · - Départ de l'infant don Françoisde-Paule. se rendant en France. Nouvelles de Cabrera. - Victoire d'Espartero sur Negri. - Espartero nommé capitaine-général des armées espagnoles. Révoltes des carlistes à Estella, ete. — Emprunt Aguado. - Don Carlos, son armée, ses généraux, son ministère. de M. de Fésensac, ambassadenr de France à Madrid Puycerda, par les carlistes. - Rétablissement des dîmes. Elections et proclamations à Malaga. - Mouvement des armées. Adoption par la commission du projet d'emprunt Aguado. — Découverte d'une conspiration carliste. Don Carlos à Estella. - Clôture de la session de 1837 des cortès. Présence et succès d'Espartero à Estella.

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Expulsion de M. Misley de Madrid. — Opérations des armées. Saisie à la frontière des équipages du comte d'Espagne, - Prise de Salsona et de Morella. Crise ministérielle. Le baron de Meer en Catalogne. Munagorri. -Émeute à Sarragosse. — Oraa lève le siége de Morrella. Nouveau ministère. Convocation des Cortès au 8 novembre.

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Le soulèvement de Munagorri (en basque cerveau rouge), n'eut pas immédiatement les suites qu'on pouvait en espérer. Cet industriel, entrepreneur de routes, directeur d'usines à Guipuzcoa, avait fait proférer à ses ouvriers les cris de vive la paix, l'union des partis et les fueros de la province! Mais le commandant carliste Nébot étant survenu, avait enlevé onze hommes à Munagorri, qui s'était réfugié sur le territoire Français. Cependant cette défection du parti carliste quoiqu'incomplète, venait donner une nouvelle force morale au Gouvernement de la reine: aussi le ministre de l'intérieur enjoignait-il aux chefs politiques des provinces de procéder le plus tôt possible, à la levée des 40,000 hommes qui avait été décrétée par le sénat et la Chambre des députés.

Mais à Madrid, aux dangers des sociétés secrètes et de la licence de la presse se joignait encore un nouveau péril

pour la sécurité publique. L'autorité avait saisi des papiers établissant la preuve que plusieurs notables habitants de la capitale n'étaient pas étrangers à des machinations ayant pour but de corrompre l'esprit de l'armée. A la suite de ces investigations, le Gouvernement avait jugé prudent de signifier à l'infant don François de Paule, résidant à Madrid, un décret d'exil. Ce prince avec toute sa famille fut escorté jusqu'à douze lieues de la capitale par quelques compagnies de la garde nationale et cinq cents hommes de troupes de ligne commandés par le capitainegénéral Quiroga, afin que l'ordre ne vînt pas à être troublé sur son passage. Après avoir fait le trajet par mer, de Santander au Socoa, l'infant se rendit à Bayonne, vers la fin du mois d'avril.

Reprenons le récit de ces tristes discordes civiles, qui ne sont qu'une série de poursuites, d'escarmouches et de combats. La bande du comte Négri se trouvait à Villada et à Schagun, où elle avait demandé 6,000 rations; dans ce dernier bourg un détachement de cavalerie et d'infanterie christinos avait été surpris et enlevé. Quant à Cabrera et Forcadell, ils se dirigeaient vers l'Ebre et aux environs de Morella, et Basilio, de son côté, ayant divisé ses troupes en colonnes volantes, parcourait le territoire de Tolède, de la Jara à Sevilleja, s'efforçant de réunir à lui les guérillas de la montagne. Le dernier s'était même déjà emparé du point fortifié de Sancta - Barbara de Calanda, et était entré à Almaden. Cette prise d'Almaden, qui ne fut que momentanée, car le général Pardinas en chassa bientôt l'ennemi, avait néanmoins jeté un instant l'alarme dans les esprits et avait motivé dans la Chambre des députés des interpellations de M. Cevallos au ministre de la guerre. Mais le général Espartero devait réparer cet échec. En effet, il remporta sur Négri une victoire importante entre Burgos et Berviesca, le 26 avril, jour de l'anniversaire de la naissance de la reine-régente. L'expédition carliste pressée

Ann. hist. pour 1838.

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par Iriarte et Pardinas, affaiblie par de continuelles déser tions, fut complètement détruite, et 2,000 prisonniers, dont plus de 200 officiers, les bagages et l'artillerie tombèrent au pouvoir du général en chef. Le comte Negri, échappé comme par miracle, et contraint d'abandonner ses équipages aux mains des soldats d'Espartero, fuyait avec 1,500 hommes au plus dans la direction de Potès.

C'était par un temps épouvantable de pluie et de neige, après 31 jours de marche et après une charge exécutée hardiment par le général et son escorte seulement, que le combat avait pu s'engager et avait amené un aussi brillant résultat.

Espartero se trompait néanmoins sur la portée de cette victoire, lorsque, dans son rapport daté de Montès de Oca, le 27, il écrivait :

«Je laisserai apprécier à V. Exc. et au public les conséquences de ce mémorable fait d'armes : il garantit la consolidation du trône de notre reine et doit être le signe précurseur de la paix. »

De plus, deux compagnies carlistes cernées dans le château d'Oritta, près de Vich, par les troupes du baron de Meer, capitulaient, tandis que le 30 avril, atteint à Bejar par le général Pardinas, après 56 heures de marche, Basilio essuyait une déroute complète dans laquelle il perdit 35 hommes tués, 125 officiers, et 493 sous-officiers et soldats faits prisonniers. En même temps un autre détachement carliste était repoussé à Carbonera, par le brigadier Aspiroz.

La reine Christine, en reconnaissance de ces heureux faits d'armes, rendit le 1er mai un décret qui élevait le comte de Luchana au rang do capitaine-général des armées espagnoles.

Cependant, loin de perdre courage, on projetait encore, dans le camp légitimiste, une nouvelle expédition forte de seize bataillons et 800 chevaux, qui devait menacer Mendavia, tandis que Cabrera chercherait à agir contre Léon-elCondé. Cette expédition devait être commandée par le fils

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