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courut rançonner les riches contrées de Ribera del Incar, pendant que le chef carliste Balmaseda se montrait dans l'Aragon, où il exerçait des brigandages.

Quant à l'armée christinos du centre, elle se replia sur Alcaniz, Ternel, Castellon et Valence, et reprit ses anciennes positions.

Dès ce moment, le général en chef Espartero surveillé par Maroto, dut renoncer à surprendre Estella; il dirigea son artillerie sur Pampelune et repassa l'Ebre avec le gros de son armée, en lui annonçant qu'il allait la mener en Castille.

Cependant, l'agitation était à son comble dans la capitale. M. Misley, agent de plusieurs maisons de banque, reçut de la part du chef Palingeau, l'injonction de sortir de Madrid dans un délai de vingt-quatre heures; à peine eut-il le temps d'écrire au capitaine-général Quiroga, et au général Luis Fernandez de Cordova, dont on ne lui permit pas de prendre congé. Aucune machination n'ayant été tramée contre l'ordre public et l'autorité, rien ne pouvait motiver une mesure aussi arbitraire, si ce n'est l'opposition de M. Misley contre le ministère qui bannit encore M. Prato, éditeur et directeur des journaux le Patriote et el Hablador, en même temps qu'il faisait arrêter à la frontière, et au moment où ils allaient être introduits en Catalogne, les équipages du comte d'Espagne, suspect au parti de la reine.

Mais ce qui devait amener une véritable crise ministérielle, c'était le dissentiment sérieux survenu entre le général Espartero et MM. Castro et Mon, ministre de la justice et des finances.

En effet, le comte de Luchana envoya sa démission.dans le cas où S. M. n'éloignerait pas de son conseil ces deux ministres, qu'il regardait comme ses ennemis personnels et au mauvais vouloir desquels il attribuait l'insuffisance des secours qu'il recevait. De plus, quelques observations de ces personnages sur son plan de campagne étaient venus aigrir ses premiers griefs. A cette nouvelle, grave pour l'armée et pour le gouvernement, apportée par le général Van Halen, chef d'état

major d'Espartero, le comte d'Ofalia déclara à la reine-régente qu'une pareille concession ne pouvait être faite aux exigences du général, et que le Cabinet ne se retirerait que devant la volonté royale. Cependant la reine écrivit ellemême au comte de Luchana; on tenta de transiger, de gagner du temps; mais la presse exaltée exploitait à son profit ces indécisions et ces difficultés, et le parti du prétendant se réjouissait de ces embarras politiques et de ces questions de personnes qu'une victoire même ne pouvait terminer ni résoudre.

Le ministère en butte à tant d'attaques, accusé de toutes parts et en hostilité avec le comte de Luchana, donna enfin sa démission, et devant les agressions des exaltés se retira en entier, circonstance qui fit pourvoir à son renouvellement par des nominations ad interim; le duc de Frias remplaça M. le comte d'Ofalia comme président du conseil, M. Ruiz de la Véga fut nommé ministre de la justice, le marquis de Montevirgen, député, ministre des finances; le marquis de Valgornera,sénateur, ministre de l'intérieur ; le général Aldama, ministre de la guerre et de la marine.

En conséquence de la démission du général Latre, comme ministre de ia guerre, le général Van Halen prit łe commandement de l'armée du centre en remplacement du général Oraa, et le général Narvaez, après avoir apaisé une émeute à Sarragosse, partit pour Tolède, afin de pacifier la Manche.

Ce fut dans ces moments critiques que la reine envoya de sa cassette particulière, à l'armée du comte de Luchana, quatre millions de réaux, deux millions à celle du centre, et deux à celle de réserve.

Le ministère qui venait de se retirer appartenait à l'opinion modérée; celui qui lui succédait, également contraire au parti exalté, ne devait pas avoir moins de peine à gouverner et à sauver le pays; car on lui demanderait comme à l'autre, de subvenir à l'entretien des troupes, et malgré l'espoir qu'on avait d'obtenir une avance de dix millions de

réaux de la maison Rothschild, il ne devait pas non plus trouver d'argent dans les caisses. On l'accuserait à son tour. de dissiper en intrigues politiques les trésors de l'état ; il tenterait alors la voie des emprunts; mais les prêteurs exigeant des garanties non illusoires, on trouverait leurs prétentions inadmissibles.

Malgré les échecs multipliés essuyés par le parti de la reine, la situation s'était néanmoins améliorée. Il ne s'agissait plus en Espagne d'une question de liberté, mais d'une question de moyens; en d'autres termes, d'une question d'argent. Le dénuement seul avait amené des revers militaires, que quelques ressources opportunes et une administration plus vigilante auraient assurément prévenues.

Cependant, l'effet moral de la levée du siége de Morella avait encore aggravé la crise financière, et il n'appartenait qu'à la représentation nationale de rassurer le pays. Aussi la reine régente s'empressa-t-elle, dans ces circonstances difficiles, de convoquer extraordinairement les Cortés pour le 8 novembre.

CHAPITRE IX.

Position des deux armées christine et carliste.

Convoi de 3 millions de

Ouverture

réaux pour l'armée d'Espartero. — Conjuration carliste. - Progrès de Munagorri. Affaire de Maëlla. Cabrera bat le général Pardinas. Mouvement à Sarragosse. Le général Alaix ministre de la guerre.' - M. de Miraflores, ambassadeur en France. Proclamation de Narvaez dans la Manche. — Mariage de la princesse de Beira avec don Carlos. Prise du fort d'Udella. — Troubles à Valence. Passage de l'Ebre, par Mérino. Massacre de 90 sergents christinos, par l'ordre de Cabrera. Agitation et mise en état de siége de Madrid. de la session extraordinaire des cortès. — Mise en état de siége des royaumes de Valence, d'Aragon, de Murcie et de Sarragosse. Difficulté de la formation du Cabinet. — Levée du siége de Madrid. — Interpellations faites au ministère, dans la Chambre des députés. - Proclamation du général Espartero. — Dissolution du ministère. — Clonard Cordova à Séville. Passage de la Bidaossa par Munagorri. Nouveau ministère.— L'île de Mayorque en état de siége - Installation d'Alaix, ministre de la guerre. - Défaite d'une division de Cabrera. Désarmement de Séville. - Intrigues à la cour de don Carlos. — Adresse des deux Chambres. Espartero, général en chef de la garde nationale. Retraite des carlistes. Nouvelles des armées. Résultats de la campagne.

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L'intérêt constitutionnel et les destinées de l'Espagne étaient donc entièrement remis au sort des armes. En attendant l'époque de la convocation des cortès, qui avait été fixée au 8 novembre, examinons un moment la position, les mouvements et les chances des armées belligérantes. L'armée christine du centre, sous les ordres de Van Halen nouvellement accordé à l'influence d'Espartero et à l'opinion exaltée, s'avançait vers le Bas-Aragon, et faisait pressentir une seconde attaque contre Morella. Le comte de Luchana qui venait de traverser l'Ebre à Lodosa,

se dirigea sur Miranda, avec six bataillons, après en avoir détaché huit à la poursuite des chefs légitimistes Balmaseda et le curé Mérino dans la province de Soria.

Le général Alaix, dénué de ressources et harassé de fatigue, était à Pampelune,le 15 septembre,avec douze bataillons.Ses troupes occupaient encore Pesalta et les environs, et faisaient face à dix bataillons carlistes cantonnés au sud d'Estella, et commandés par Garcia. Le général Narvaez, le pacificateur de la Manche, à qui l'opinion publique accordait alors un pouvoir dictatorial, était à quelques journées de Madrid, prêt à accourir pour réprimer l'émeute qui grondait toujours dans la capitale.

D'un autre côté, l'ordre donné à l'armée de réserve de passer dans la Vieille-Castille, fut retiré, de sorte que Narvaez pût continuer son œuvre de pacification. Après avoir fait fusiller à Mouzanarès, deux officiers convaincus de rapines et de trahison, ce général se rendit à Tolède, et de là dans l'Andalousie, où il remporta quelques avantages sur la bande du carliste Orejita, tandis qu'Alaix, moins heureux, détaché à Montréal par Espartero, se faisait battre par Garcia.

A la même époque, Maroto, général en chef de don Carlos, se trouvait à Durango avec cinq bataillons; il en avait envoyé cinq autres à Arrigorriaga, village situé à deux lieues au sud-ouest de Bilbao, sur le chemin d'Orduna et à la gauche de Nervion. Son projet était d'attaquer Bilbao et de tenter une invasion décisive.

Quant à Munagorri, un grand nombre de déserteurs des deux camps continuait à venir grossir ses rangs. PAZ Y FUEROS, paix et franchises, telle était la devise de tous ces transfuges, et cette devise, conforme à l'esprit de la proclamation du capitaine-général de la Catalogne, baron de Meer, ne laissait pas d'inquiéter vivement le prétendant.

Cependant, tandis qu'Espartero se tenait à Haro, échelonnant ses troupes depuis Santa-Maria de Cuba jusAnn. hist. pour 1838.

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