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qu'à Ona, vingt-cinq bataillons carlistes se réunissaient en Biscaye et dans la vallée de Mena, prêts à tenter un coup de main sur Portugalette. L'offensive devait être désormais le rôle de l'armée de don Carlos. Le général Pardinas fut en effet attaqué, le 1er octobre au matin, à Maëlla, par les forces de Cabrera, de Llangostera et Cabanero. Après une lutte opiniâtre, les bandes aragonaises de don Carlos l'emportèrent. L'armée christine se débanda; plus de deux mille prisonniers tombèrent aux mains de l'ennemi, et le général Pardinas, demeuré seul, fut massacré par les soldats de Cabrera qui se répandirent dans le Haut- Aragon pour rejoindre le chef Tarragual ou le curé d'Allo et exercer leurs déprédations habituelles. Plusieurs exécutions de prisonniers furent connues à Sarragosse, où elles excitèrent une violente indignation contre Cabrera, à l'égard duquel une réunion populaire présidée par le commandant général en second, adopta diverses mesures de police et de répression. Le peuple voulait qu'on livrât les prisonniers carlistes à ses représailles, et le général San-Miguel ne serait jamais parvenu à apaiser la multitude, si l'arrivée de Negri aux portes d'Alagon, tout près de la cité, ne fût venu produire une diversion favorable au rétablissement de l'ordre.

Cependant une irritation profonde régnait toujours à Madrid. Un complot carliste avait été découvert et deux des conspirateurs avaient été exécutés, pour en imposer aux factieux. Un comité consultatif, composé de six membres, mais qui devait entraver plutôt que favoriser la marche des affaires, fut créé pour seconder le ministre de l'intérieur dans la direction de son département. Dans ces moments de crise, une pensée unique mais ferme, et un bras vigoureux, auraient mieux valu que les rivalités ténaces ou les hésitations intempestives d'une commission qui n'a ni la même origine, ni le même but, ni des intérêts égaux.

Le nouveau Cabinet, encore incomplet, s'adjoignit comme ministre de la guerre, le général Aldama en remplacement du général Latre; mais cette nouvelle administration ne tarda pas à éprouver, elle aussi, de graves embarras; C'était pour elle une épreuve difficile que d'être obligée de se passer un mois entier du concours des députés dans la pénible gestion des affaires du pays.

Néanmoins, quelques ressources pécuniaires lui vinrent en aide. Un contrat de 50 millions de réaux fut conclu avec la maison Rothschild, sur les bases précédemment fixées par M. Mon, et d'après lesquelles dix millions de réaux devaient être mensuellement versés au trésor durant quatre mois consécutifs. Le mercure à livrer en échange de cette somme, était évalué à soixante piastres le quintal. Sur cette somme, trois millions de réaux furent envoyées à Santander pour servir la solde de l'armée d'Espartero.

Mais la nouvelle des échecs éprouvés par les généraux constitutionnels jointe à la pénurie où se trouvait encore le trésor, ne fit que rallumer les éléments de désordre qui se manifestaient chaque jour d'une manière plus énergique. Le parti exalté ne manqua pas d'en accuser le ministère nouveau, et d'attribuer à son apathie les malheurs de la guerre. C'est dans ces circonstances critiques qu'on pensa à créer une police secrète, et que le général Alaix fut nommé ministre de la guerre, à la récommandation du comte de Luchana. M. Ponzea, soussecrétaire d'État au département de l'intérieur et ancien professeur d'économie politique, fut appelé au ministère de la marine, du commerce et des colonies; M. don Alberto Valdric, marquis de Valgmera, au ministère de l'intérieur; et au département des finances, don José Guinones de Léon. Enfin une ordonnance contresignée par le duc de Frias et datée du 9 octobre, reconnaissait le zéle avec lequel le général don Juan Aldama, avait rempli, ad interim, les fonctions de ministre de la guerre et de la marine.

Ainsi constitué, le Cabinet nomma M. le marquis de Miraflores ambassadeur près de la cour de France, en remplacement de M. d'Espeja; le général Van Halen eut ordre, pour prévenir des désastres pareils à ceux de Morella et de Maëlla, de se mettre en devoir de protéger avec l'armée du centre le pays dans le rayon immédiat de Morella, de Beccite et de Cantavieja. A cet effet, il divisa ses forces en trois corps destinés à opérer, l'un dans les plaines de Castellon, l'autre sur les confins de Segorbe et de Teruel, le dernier dans le Bas-Aragon, et à l'aide de sa cavalerie, supérieure à celle de don Carlos, il devait rétablir les communications importantes entre Alcaniz, Teruel, Torro-Segorbe et Valence.

Ce qui se passait en Aragon n'avait rien de régulier, et il était permis de croire que cette province, malgrc ses nombreux accidents de terrain, n'était pas l'ennemie de la liberté. Bien loin de là, les bandes aragonaises pouvaient être utilisées par le patriotisme et l'habileté du général Van Halen.

D'autre part, le général Oraa fut remplacé à l'armée du centre, en même temps qu'on rappelait le général Narvaez de la Manche, qu'il avait purifiée avec le sang des coupables, selon son énergique expression; et l'armée de réserve faisait, le 13 octobre, son entrée dans la capitale. Le général Nogueras, succédant à Narvaez dans cette mission importante, paraissait disposé à suivre l'exemple de son prédécesseur, et à en finir avec les bandes dévastatrices qui avaient désolé si long-temps la Manche, où 5,500 hommes étaient sous ses ordres.

Cependant, après les succès obtenus par le prétendant, et qui venaient de nécessiter de la part du gouvernement constitutionnel un redoublement d'activité, le parti carliste, de son côté, s'occupait de consolider les bases de l'absolutisme. Obéissant à la politique intolérante et étroite des évêques espagnols qui entouraient don Carlos, la princesse de Beira, sœur de don Miguel et de don Pédro, quitta la France, dont elle franchit la frontière, །

accompagnée seulement du prince des Asturies (fils ainé du prétendant); elle arriva à Tolosa, puis à Azcoitia, où son mariage avec don Carlos fut célébré par des fêtes et des combats de taureaux.

La défaite de Castor, celle de Luqui, et la prise du fort d'Udella, vinrent faire diversion à ces réjouissances. La garnison carliste fut faite prisonnière, et l'ennemi débusqué de Caspe par le général en chef de l'armée du centre, Van Halen. Ce dernier était décidé à user de représailles et à venger la mort de Pardinas, après avoir puni les chefs, officiers et sergents des différents corps battus à Maëlla, pour avoir toléré dans leurs rangs l'indiscipline militaire et imprimé une tache au drapeau espagnol.

Le 23 octobre, des troubles sérieux éclatèrent à Valence, à la nouvelle du massacre des quatre-vingt dix sergents de la division de l'infortuné don Ramon Pardinas, par l'ordre de Cabrera. Ces braves avaient donné l'exemple d'un héroïsme admirable, en aimant mieux mourir que de servir dans l'armée du prétendant et de manquer à leurs devoirs et à leurs serments.

Insultée par les prisonniers carlistes de la tour de Cuarte, qui demandaient aux factionnaires s'ils avaient des nouvelles de Pardinas, la population de Valence proféra des cris menaçants et voulut qu'on en vint à des représailles. Le capitaine-général Mendez Vigo ayant eu l'imprudence de tirer l'épée contre les groupes qui s'étaient formés, fut frappé d'une balle et mourut au bout de quelques minutes. Le chef politique et les autorités se retirèrent alors dans la citadelle, et leur frayeur ayant enhardi les révoltés, quatorze officiers carlistes furent fusillés, le 24, à dix heures du soir. Après quoi, tout rentra dans l'ordre, grâce au zèle du colonel Casimiro Valdés, à qui le peuple avait déféré le commandement de la place. Une junte s'étant ensuite constituée, 53 prisonniers 'carlistes renfermés dans la tour du château de Valence furent

mis à mort, à l'issue d'une proclamation énergique du général Lopez.

Sur ces entrefaites, le chef carliste Garcia entra dans la ville de Calatayud et se dirigea vers les Pinarès de Soria, pour rejoindre Mérino, qui était parvenu à passer l'Ebre avec trois bataillons et trois escadrons que poursuivait un fort détachement de l'armée de réserve.

Dans la crainte que des désordres semblables à ceux de Valence n'éclatassent à Sarragosse, où les massacres auraient été plus affreux qu'à Valence, le général Narvaez, qui grandissait chaque jour dans l'opinion publique, reçut l'ordre du gouvernement de ne pas s'éloigner de la capitale, d'où il pourrait plus facilement se porter sur les points où l'autorité de la reine serait méconnue. De plus, un décret royal prononçait l'expulsion des femmes et enfants des personnes attachées au service de don Carlos. Ils devaient sortir de Madrid sous huit jours, et s'en tenir éloignés à la distance de huit lieues; toute correspondance quelle qu'en fût l'objet était interdite aux exilés, sous peine de mort.

Le général Van Halen fut chargé de sévir contre les meurtriers de Valence, qui avaient interrompu violemment la marche régulière de la justice. Ces rigoureuses mesures n'étaient cependant que trop motivées par l'effervescence générale des esprits.

Cependant de sourdes rumeurs circulaient dans la capitale. On annonçait que la tranquillité devait être troublée et l'on désignait les victimes à immoler. Parmi elles figurait le général Narvaez, accusé par les ennemis du Gouvernement de mesures réactionnaires. On lui reprochait aussi d'avoir douté du zèle de la garde nationale, en faisant stationner ses troupes aux portes de Madrid. Le général avait cru devoir répondre à ces bruits par les protestations du plus franc et du plus ardent patriotisme.

Le 2 novembre, les symptômes d'agitations redoublèrent. Le conseil des ministres resta réuni toute la nuit. Les troupes

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