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furent consignées dans leurs casernes, armes chargées et prêtes à marcher au premier signal. Le marquis de Las Amarillas reçut l'ordre de s'approcher de Madrid avec sa brigade. Le général Alaix, Cordova, colonel du régiment de la reinerégente, le capitaine-général Quiroga avaient été également prévenus de se tenir sur leur garde.

Des rassemblements s'étant formés aux cris de : meurent les tyrans, vive la liberté, à bas les ministres! des coups de fusils ayant été tirés à la suite de ces premières manifestations, le capitaine-général Quiroga déclara Madrid en état de siége. Soutenu par la garde nationale et la garnison, il parvint à faire rentrer dans le devoir les exaltés que dirigeait un capitaine de la huitième compagnie de chasseurs de la garde nationale, nommé Montalvo, lequel fut arrêté avec une centaine de perturbateurs. La veille, le général Narvaez avait quitté Madrid. Il n'était plus le héros du jour, c'était M. de Campuzano qui jouissait en ce moment de la plus grande popularité et que l'on désignait comme futur présidentdu conseil.

Les séditieux avaient pour but de renverser le pouvoir et de dissoudre les cortès convoqués pour le 8 novembre; mais l'appareil imposant de la force-armée rétablit promptement l'ordre sur tous les points.

Il fut un moment question de changer le ministère, d'après le vœu émis par quelques membres de la députation provinciale et de la municipalité et présenté à la reine par le général Quiroga. Cependant, les députés s'opposèrent individuellement à cette mesure, et l'on résolut d'attendre la convocation des Chambres pour prendre une décision. De nouvelles arrestations furent opérées; un grand nombre de personnes compromises dans l'émeute du 3 novembre, furent conduites à Leganès; parmi elles figuraient le capitalisteCoviau, le général Linan, l'ex-conseiller Cavanillas, le marquis de Torrealta, d'autres hommes littéraires, des employés et des artisans. De pareils désordres, dont le prétexte était le mas

sacre des prisonniers de la division Pardinas, furent aussi réprimés à Sarragosse par le général San-Miguel, tandis qu'à Malaga, le général don José Rando avait été assassiné par des malfaiteurs soudoyés à cet effet, et qu'à Murcie et à Alicante, l'autorité s'était vu forcée de faire fusiller une partie des prisonniers carlistes, pour apaiser la fureur du peuple. C'est alors que les officiers de la division Pardinas, détenus au dépôt del Orcajo de Morella, adressèrent une représentation au capitaine-général de Valence, pour le prier de ne pas faire ni laisser par représailles verser le sang que Cabrera ferait retomber sur eux, assurant d'ailleurs que le général carliste s'était occupé d'améliorer leur pénible position.

Enfin, le 8 novem bre,eut lieu l'ouverture de la session extraordinaire des cortès. Les derniers événements lui imprimaient un caractère de solennité et un degré d'intérêt plus vif que de coutume.

Dans le discours du trône, la reine-régente, videmment émue, se félicitait de la continuation du traité de la quadruple alliance conclu le 22 avril 1834, entre la GrandeBretagne, la France, le Portugal et l'Espagne.

La reconnaissance des droits de son auguste fille Isabelle II, par la sublime Porte, était à ses yeux une nouvelle garantie de la justice de la cause constitutionnelle. Tout en avouant que la fortune avait trahi ses armes depuis l'affaire de Morella, S. M. espérait que la valeur, la constance et la discipline conduiraient de nouveau ses soldats à la victoire. Les cortès approuveraient sans doute la dernière levée de 40,000 hommes, décrétée sans leur concours, vu l'urgence des circonstances. La régente exprimait le désir que les députés examinassent mûrement la loi qui leur serait présentée sur la liberté de la presse.

Elle remerciait la garde nationale de son dévouement à la cause de l'ordre, et de son courage dans la poursuite des factieux; elle annonçait néanmoins qu'une nouvelle

loi pourvoirait à l'organisation définitive de la milice citoyenne.

Enfin, découvrant à demi la plaie financière de l'État, la reine ajoutait :

Les revenus publics sont de plus en plus insuffisants pour couvrir toutes les dépenses, et les ressources extraordinaires que la précédente législation accorda généreusement à mon gouvernement pour combler le déficit existant, n'ont pu être réalisées.

Mon Gouvernement s'occupe sans cesse des moyens de surmonter ces difficultés. Ce n'est qu'en relevant le crédit que l'on pourra parvenir à satisfaire aux dépenses les plus urgentes de l'État, et pourvoir aux besoins de cette vaillante armée, qui combat avec tant de gloire pour la noble cause que défend la nation. >>

La noble franchise du discours de la couronne, produisit une vive sensation; seulement, on s'étonna du silence absolu, gardé sur les troublesqui avaient eu lieu récemment. La présidence de la Chambre des dépntés fut déférée à M. Isturitz, à la majorité de 68 voix. Si elle était un hommage rendu au parti modéré, cette nomination n'en était pas moins contraire au Cabinet. Le projet d'adresse en réponse au discours du trône fut le premier pas fait par les cortès vers le renversement du ministère qu'abandonnait la majorité. Les députés exprimèrent le regret de ce que l'on n'avait pas tiré du traité de la quadruple alliance tout le parti désirable; ils déclarèrent que l'on ne devait désormais chercher des ressources que dans le patriotisme national.

Dans ce document, on loua beaucoup l'Angleterre de son intervention dans la reconnaissance du gouvernement espagnol par la sublime Porte, et MM. Olozaga et Seoane obtinrent qu'on joignît à l'adresse un vote particulier par lequel ils demandaient qu'à la suite du paragraphe relatif à la guerre, on ajoutât : « Que l'on ne pourrait jamais transiger avec le rebelle don Carlos, ni avec sa famille. »

Dans la séance du 17 novembre, le général Seoane, connu pour la violence de ses discours, qualifia de voleurs

et de dilapidateurs tous les employés de l'administration, les menaçant de formuler contre eux une plainte en concussions. Le même orateur attaqua sans ménagement le gouvernement français, à l'occasion du traité de la quadruple alliance.

Des interpellations furent ensuite adressées aux ministres par M. Martin. Il leur reprochait d'avoir laissé la province de Tolède en proie à l'anarchie et aux ravages des bandes carlistes, et d'avoir retenu dans la capitale les bataillons de l'armée de réserve organisée par le général Narvaez, et qu'il aurait mieux valu employer à la pacification de cette malheureuse province.

A cette incrimination du député de Tolède, le président du conseil répondit que le rappel de Narvaez avait été nécessaire pour protéger la capitale; mais que sur ce point, et sur tout ce qui avait trait à la guerre, le Gouvernement ne pouvait livrer à la publicité le secret de ses moyens d'action, et que la plus stricte réserve lui était imposée à cet égard.

Quelques mots furent échangés, dans la Chambre, sur la mise de Madrid en état de siége; mais le lendemain, comme l'avait annoncé le ministre de l'intérieur, la levée de cet état de siége fut ordonnée, mais celui des provinces de Catalogne, Valence, Murcie, Alicante, Aragon, Cadix, Malaga, la Manche et Tolède, fut maintenu. Le 15 novembre, une proposition avait été prise en considération à l'unanimité par la Chambre des députés; cette proposition tendait à faire nommer une commission chargée de visiter les administrations publiques, d'examiner l'état du paiement des traitements et pensions sur le trésor public dans chaque ministère, et d'en faire un rapport détaillé aux cortès; enfin, de veiller à l'économie financière du royaume si gravement compromise.

On comprendra aisément que le Cabinet ne pouvait résister à tant d'attaques, tenir tête à tant d'échecs; il se

débattait péniblement entre les accusations des exaltés et l'indifférence de la majorité parlementaire. Aussi était-il encore question de la formation d'un nouveau ministère. Tantôt c'était le duc de Frias, tantôt le général Bacon que l'opinion désignait comme devant composer le Gouvernement sous l'ombrageux contrôle du général en chef Espartero.

Après une séance très-orageuse, dans laquelle le général Seoane porta une accusation contre M. de Torreno, à raison de certains actes de son ministère, et où M. Mon fut réduit à se défendre, et M. Mendizabale à expliquer sa conduite passée au milieu des applaudissements et des murmures, tous les ministres déposèrent leur portefeuille entre les mains de la reine-régente.

Le 28 novembre, un nouveau ministère était à peu près constitué. La reine avait signé, le 27, la nomination ad interim de MM. le duc de Gor, ministre des affaires étrangères; Arnondariz, à l'intérieur; Govanter, à la justice; le général Alaix, à la guerre, et le prince de Rivera, à la marine; le ministre des finances n'était pas nommé, le général Alaix était attendu. Enfin, après s'être assurée de l'opinion de la majorité de la Chambre des députés, la reine rendit définitivo la nomination des membres du nouveau Cabinet, qui fut composé, le 10 décembre, de la manière suivante :

Présidence du conseil et affaires étrangères, Evariste Perez de Castro, homme capable, vieilli dans l'étude de la diplomatie, et actuellement ambassadeur à Lisbonne, où sa nomination lui fut expédiée par un courrier extraordinaire. La présidence fut confiée (ad interim) au général Alaix, ministre de la guerre; le ministre des finances fut M. Pirazzo; M. Hompaneia, député, était appelé au ministère de l'intérieur; le ministère de la justice était donné à M. Asrazala, député; la marine, à M. Chacon, le général Alaix était ainsi chargé ( ad interim ) de ce

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