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major-général de la marine. Cette manifestation prit le caractère d'une insurrection assez grave pour qu'elle se prolongeât durant les quinze premiers jours de mars. Cependant, dès le commencement des troubles, le nouveau ministère s'était retiré et l'ancien cabinet s'était reconstitué. L'insurrection était alors dans sa période ascendante. Un grand nombre de gardes nationaux des 15°, 17e et 19e bataillons, étaient allés se joindre aux ouvriers de l'inspecteur des chantiers, au bataillon dit de l'Arsenal. Ils s'étaient retranchés dans cet édifice et paraissaient décidés à opposer la plus vive résistance. En effet, le vicomte Reguengo et le baron de Bomfim étant venus les cerner avec les troupes de ligne; ils ne répondirent à la sommation qui leur fut faite de mettre bas les armes, qu'en faisant feu sur ceux qui les cernaient. Il eut été facile d'emporter l'Arsenal; mais poussé par des raisons qu'on a diversement interprêtées ; peut-être parce qu'il voulait s'assurer, en ménageant le bataillon de l'Arsenal un recours contre les chartistes, s'ils revenaient au pouvoir; Sada-Bandeira permit qu'on entrât en pourparler avec les insurgés: une convention fut conclue entre leur chef, Franza et le commandant de la troupe de ligne. Et, il faut le reconnaître à l'appui de l'opinion qui prêtait une ärrière-pensée à cette mesure, elle était tout à l'avantage des révoltés: elle leur accordait de se retirer; et leur retraite opérée, les portes de l'édifice devaient encore être gardées par des hommes pris dans leurs rangs; enfin il fut expressément déclaré qu'aucun d'eux ne pourrait être recherche pour la part qu'il avait prise à tout ce qui venait de se passer. Telle fut l'issue de cette première phase dé l'insurrection, qui devait bientôt renaître, grâce à l'imprudente convention qui venait d'être conclue.

La reine avait appris avec indignation qu'on avait traité avec des rebelles. Aussi le lendemain, parut un décret qui destituait l'inspecteur des chantiers, et licenciait

le bataillon de l'Arsenal. Ce bataillon ne tint pas compte de ce décret; il resta sous les armes, et les cortès, qui n'approuvaient pas la dissolution, ne craignirent pas de le remercier de sa conduite. La reine persista: dans la nuit du 12 mars, elle fit appeler le haron de Bomfim, et il fut décidé avec Reguengo et Sa-da-Bandeira, qu'on réduirait les mutins par les armes; le 17 régiment fut appelé aux Necessidades, pour protéger les jours de LL. MM. Le lendemain 13, la reine exposa aux cortès, convoquées à cet effet, les résolutions qu'elle avait adoptées, et dont l'exécution était, disait-elle, si nécessaire que, sans elle, il lui faudrait renoncer au libre exercice de son autorité. Cette communication fut assez froidement accueillie. Les cortès se retirèrent pour en délibérer. Dans l'intervalle, Franza avait déclaré au bataillon de l'Arsenal, qu'il croyait devoir se démettre du commandement. Il l'engageait au surplus, à se réunir aux autres bataillons : il comptait sans doute, en amenant cette réunion, ramener l'énergie de ce corps, si elle venait à défaillir. Cependant, le baron de Bomfim s'était dirigé d'Estrela sur le couvent de Jésus, où s'étaient venus retrancher le 15° bataillon de la garde nationale et 200 ouvriers de l'Arsenal. Le 10o de ligne les y cerna une sommation qui leur fut faite étant demeurée sans résultat, les portes furent enfoncées et la place emportée. Toutefois les ouvriers et quelques fractions des autres bataillons se retirèrent sur la place Gratia, l'une des hauteurs qui avoisinent la citadelle. Là ils auraient pu faire une assez longue résistance, si la ligne n'était venue les prendre en flanc; et le 13 mars au soir, force demeurait au Gouvernement de la reine.

Le nombre des victimes a été diversement rapporté. Il était également difficile de savoir ce qu'auraient fait les insurgés si la victoire leur fût restée. Des propos tenus dans les clubs pouvaient faire craindre que leur projet fût de forcer la reine à abdiquer en faveur de son fils, qui aurait régné

sous l'autorité d'une régence. Quoi qu'il en soit, cette tentative ne fut pas heureuse, et les ultrà-libéraux qui l'essayèrent, n'arrivèrent pas au pouvoir. Mais il en résulta que la présence aux affaires d'un ministère opposé aux chartistes et voué à la constitution devenait indispensable. M. Sada-Bandeira avait été rappelé. Il ne restait plus qu'à lui adjoindre des collègues animés de son esprit. Il eut la présidence du conseil, Leitao les affaires étrangères et la marine, Bomfim l'intérieur; la guerre fut confiée à M. Carvalho et M. Coelho fut appelé à la justice.

Les actes d'un ministère appelé en de telles circonstances, étaient tracés à l'avance par l'état des choses. Le bataillon de l'Arsenal avait été le principal foyer de l'insurrection; il fut licencié. Des fonctionnaires s'étaient mis à la tête; ils furent destitués. La troupe avait répondu à l'appel du gouvernement, elle fut récompensée; on lui paya une grande partie de l'arriéré de sa solde. La banque avança pour cet objet, une somme de 25 contos de reis. On n'oublia pas non plus, les employés civils; ils reçurent l'arriéré de leur traitement. Enfin l'on songea à remettre à la couronne le droit de composer les corps municipaux, en même temps que l'on commençait un travail d'épuration de la garde nationale. Ces réactions de détails, suite ordinaire des luttes et des triomphes politiques, amenèrent bientôt la démission du conseil municipal de Lisbonne.

Le Gouvernement avait encore à faire face aux besoins du trésor; pour atteindre ce but, il conclut un emprunt de 24,000 contos de reis, et afferma le sete cazas, ou octroi de la ville, moyennant 946 contos à payer annuellement.

Rien ne devait plus, ce semble, empêcher la reine de sanctionner la constitution. En effet, les députés après avoir apposé leur signature, chacun individuellement, à cet acte de souveraineté nationale, vinrent en présenter une copie à dona Maria en la priant de fixer le jour où elle croirait devoir le revêtir de sa sanction. Il n'est pas sans intérêt de citer ici quelques passages de l'adresse des cortès : ils pei

gnent l'esprit de cette assemblée et caractérisent parfaitement la nouvelle constitution.

« Les cortès, y disait-on, croient avoir fidèlement rempli les devoirs de leur mandat, ayant consacré leurs soins à la rédaction d'une constitution digne de V. M. et d'une nation brave et loyale, qui a fait tant de sacrifices pénibles pour sa liberté. V. M. trouvera dans ce pacte la liberté et l'indépendance de la nation, conciliées avec les attributs et les prérogatives du pouvoir royal, et les droits du peuple avec le respect et l'obéissance dûs au monarque comme chefde L'État. »

Remarquons ici que les cortès n'avaient rien négligé pour mettre le surplus de la législation en harmonie avec le pacte fondamental. Et récemment encore elles avaient décidé que la reconnaissance du prince héréditaire de Portugal n'aurait plus lieu dans les formes anciennes, mais qu'elle devrait s'accorder avec l'esprit des nouvelles institutions.

Enfin, le jour où la reine devait prêter serment à la constitution arriva; c'était le 4 avril; S. M. venait en même temps clore la session des cortès constituantes. Il y eut de la joie dans la population, mais peu d'enthousiasme tant de vicissitudes n'étaient point de nature à en inspirer.

• En ce moment, dit la reine, où Dieu m'en étant témoin, je vais m'attacher irrévocablement à la loi fondamentale que vous avez discutée et que j'ai acceptée, j'éprouve le besoin de vous annoncer que je commencerai à l'exécuter, en exerçant l'une des plus précieuses prérogatives. qu'elle m'attribue; j'ordonnerai l'oubli de toutes les funestes dissensions qui ont affligé le pays. »

La reine annonçait par ces paroles l'amnistie qui devait être publiée quelques jours plus tard. Le président lui ayant alors présenté une Bible, elle prêta serment sur les saintes Écritures, et le prince, son mari, suivit immédiatement son exemple. Cet acte solennel accompli, la reine déclara close

la session des cortès constituantes, et finit en les remerciant de l'appui qu'elles avaient prêté à son Gouvernement, dont elles avaient définitivement fixé la forme.

Le 10 avril, parut l'amnistie annoncée par la reine, lors de sa prestation de serment. Cette mesure, qui s'appliquait aux délits politiques commis depuis septembre 1836, rendait à leur pays les chefs chartistes, Saldanha, Palmella et autres, et à leurs grades, les officiers qui prêteraient serment à la constitution.

Onavu, qu'à la suite de l'insurrection de mars, une partie de la garde nationale avait été dissoute; mais une nouvelle tentative, moins grave, il est vrai, que celle qui venait d'avoir lieu, dut faire étendre encore cette mesure. On sait que la fête du Corpus Christi est une des plus solennelles en Portugal. Comptant sans doute sur la présence des fonctionnaires qu'ils voulaient frapper et peut-être, sur moins de précaution qu'en temps ordinaire, les auteurs du complot choisirent ce jour pour le mettre à exécution. Les ministres furent insultés, des pierres lancées contre eux et Sa-da-Bandeira reçut même un coup de poignard, que les insignes dont il était revêtu amortirent heureusement. Toutefois, ce mouvement n'eut point d'autre suite; seulement, un M. Quadros, major de la garde nationale et quelques autres furent arrêtés. Mais quelle avait été l'attitude de la garde nationale? Qu'avait-elle fait pour empêcher ou réprimer cette tentative? On lui reprocha tout à la fois d'avoir souffert ce mouvement et coopéré à sa perpétration. Le document suivant, publié dans le Diario di Governo, du 15 juin, articule ces reproches et se fonde sur eux pour dissoudre encore plusieurs autres bataillons.

« Secrétaire d'État des affaires intérieures. »

« Considérant que les circonstances actuelles imposent au Gouvernement le devoir impérieux d'user des pouvoir que lui confère le 28 articlé du décrêt du 29 mars 1834, pour dissoudre tout corps de la garde nationale, lorsque la preuve aura été acquise que ce corps ne répond pas au but de son

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