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CHAPITRE XIII.

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Discussion dans la Chambre des communes, sur la validité des élections parlementaires et sur la corruption en matière électorale. Idem sur la formation des listes électorales en Irlande. - Opinion de MM. Charles Débat orageux. Buller et O'Connell à cet égard. Incident. M. O'Connell admonesté par la Chambre. — Bill électoral, adopté par les communes et rejeté par le Chambre des lords. - Débat sur le vote au scrutin secret. - MM. Grote, Ward et Bulwer appuient la mesure. Lord John Russell et sir Robert Peel la combattent. - Elle est rejetée. -Un membre demande l'autorisation de présenter un bill pour la protection des électeurs. Attaque personnelle contre lord Glenelg à propos des affaires du Canada. - Sir W. Malesworth demande aux communes qu'une adresse soit présentée à la reine, contre l'administration de ce ministre. Vive discussion à cet égard. Les deux partis essaient leurs forces. Lord Palmerston, lord London, lord Stanley, sir G. Grey et le chancelier de l'échiquier, sir Robert Peel, lord John Russell prennent part au débat. Les efforts pour renverser le ministère échouent. Débat sur le bill de manumision des esclaves, à la Chambre des lords.Idem à la Chambre des communes.

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Un sentiment général prévalait depuis long-temps en Angleterre ; c'est que le mode prescrit par le Grenville-Act, pour la vérification des pouvoirs législatifs et le jugement des questions électorales, réclamait un prompt changement. Les abus étaient au comble et de nombreux procès avaient révélé des faits de corruption d'une nature si scandaleuse, que la dignité du parlement et l'opinion publique ne permettaient plus d'ajournement. Enfin, cette modification de la loi était rendue plus importante encore par la situation numérique des partis parlementaires qui, se balançant presque dans la Chambre, avaient, chacun, un immense intérêt à l'admission ou à l'exclusion de tels ou tels membres. D'un autre côté, la formation des listes électorales pour l'Irlande,

appelait aussi un remaniement; et, dès le commencement de novembre, ces deux questions avaient été agitées devant la Chambre des communes, par MM. C. Buller et O'Connell. Ce dernier avait proposé un bill qui transférait à la cour du banc de la reine, une grande partie de la juridiction actuellement exercée par la Chambre des communes, relativement à la validité des opérations électorales. Dans le système de M. O'Connell un comité de cinq membres choisis par le président de la Chambre des communes, aurait été chargé de lui faire un rapport sur chaque élection contestée, après quoi la procédure aurait été transmise à la cour du banc de la reine, pour y être définitivement jugée par un jury spécial, dont la décision eût été souveraine. M. C. Buller demandait, lui, que trois assesseurs, exerçant depuis sept ans au moins la profession d'avocat, et nommés, pour chaque session, par le président de la Chambre des communes, exerçassent les fonctions de présidents des comités électoraux, et formassent une cour d'appel qui connaîtrait en dernier ressort, des réclamations élevées contre les décisions des fonctionnaires chargés de la formation des listes électorales. La nomination de ces trois assesseurs devait être confirmée par la Chambre des communes et un revenu de 2,500 livres sterling (62,000 fr.) par an, être attaché à leur emploi. De ces deux propositions, celle de M. Buller, seulement, devint l'objet d'une longue discussion à laquelle prirent successivement part les principaux orateurs de la Chambre, et qui, appuyée par le Cabinet, se termina par un vote d'adoption, avec cet amendement, toutefois, que les trois nouveaux fonctionnaires électoraux conserveraient leur charge aussi long-temps qu'ils ne seraient point révoqués par la couronne, sur la demande du parlement. Cette discussion avait donné lieu à de si violents débats dans la Chambre, que le président avait cru devoir déclarer à ses collégues, que si un pareil exemple de confusion et de désordre se renouvelait, il ne balancerait pas à donner sa démission.

Un autre incident avait produit une vive agitation dans les esprits. M. O'Connell ayant, dans un dîner public, accusé de parjure et de corruption les tories qui faisaient partie des commissions électorales, lord Maidstone le somma de déclarer devant la Chambre, s'il avait réellement tenu le langage qu'on lui prêtait.

« Messieurs, répondit le député de Dublin, j'ai tenu mot pour mot, ce langage et je maintiens qu'il est fondé en tout point; j'ajoute même qu'il n'est pas un seul de vous qui, la main sur la conscience, oserait dire qu'il doute de la sincérité de mes accusations. On lui rirait au nez. »

A ces mots, lord Maidstone annonça à la Chambre que le lendemain il appellerait de nouveau son attention sur ce sujet; mais lord Russell déclara, à son tour, que s'il en était ainsi, dans la même séance, il entretiendrait la Chambre d'une imputation de parjure publiquement dirigée contre ses membres par l'évêque d'Exeter.

Le 26, lord Maidstone demanda en effet un vote de censure contre M. O'Connell qui, après lecture faite du discours incriminé, en justifia victorieusement toutes les parties.

« Vos commissions, s'écria-t-il, me rappellent ce juge dont parle Rabelais et qui décida une cause en jetant trois dés pour le demandeur et deux pour le défendeur; quant à moi, j'aimerais tout autant que mon sort fût entre les mains du juge de Rabelais qu'entre celles des commissaires tories. »

Toutefois, et malgré l'appui que le ministère prêta, dans cette circonstance, à M. O'connell, la Chambre déclara, à une majorité de 226 voix contre 197, le député de Dublin coupable d'une violation de ses privilèges, et ordonna qu'il serait admonesté par son président; ce qui eut lieu à l'ouverture de la séance suivante.

Après cette censure qu'il entendit debout, M. O'Connell ajouta :

« Je n'ai rien à rétracter; mon devoir est même d'affirmer de nouveau ce que j'ai avancé, parce que votre vote ne change rien à mes convictions. »

La Chambre des communes consacra plusieurs séances consécutives à la vérification des pouvoirs, et à l'examen des élections contestées. On remarqua que sur les vingt-six commissions d'examen, six seulement conclurent contre des membres appartenant au parti tory, dont se composait leur majorité. Quoi qu'il en soit, un bill tendant à accorder aux électeurs plus de latitude pour le paiement des taxes qui leur conféraient cette qualité, et à affranchir leur inscription sur les listes électorales, du droit de timbre auquel elle était précédemment soumise; ce bill, disonsnous, fut adopté par la Chambre des communes, mais rejeté par celle des lords.

Le 15 février, M. Grote, député de la cité de Londres, reproduisit la proposition qu'il fait tous les ans à la Chambre des communes, relativement au vote au scrutin secret. Nous avons trop souvent, dans nos précédents volumes, entretenu nos lecteurs de cette importante question, pour qu'il soit besoin d'en rappeler ici la nature. Ce débat, qui se rattache au principe même de la réforme parlementaire, était attendu avec une vive impatience, parce qu'on le considérait comme un terrain sur lequel le parti réformiste devait nécessairement se diviser. De leur côté, les tories appelaient de tous leurs vœux une lutte devant laquelle devait se briser la fragile majorité qui maintenait leurs adversaires au pouvoir. Quoi qu'il en soit, la motion de M. Grote fut énergiquement appuyée par M. Ward qui, après avoir préludé par quelques observations sur l'importance que cette discussion, empruntait à la déclaration de lord John Russell (1), contre le vote au scrutin secret, l'extension du suffrage électoral et les parlements annuels, déclara que le peuple était impatient de savoir si l'opinion des autres membres du

Voir l'Annuaire 1837.

Cabinet était, sous ce rapport, conforme à celle du noble lord. Parmi les membres de l'administration, il en était qui, comme M. John Hobhouse, M. Poulett Thomson, sir Hussey Vivian et sir Henry Parnell, s'étaient montrés les partisans ardents du vote au scrutin secret. Or, il importait que leurs commettants sussent jusqu'à quel point ils pouvaient compter sur la foi de leurs promesses. L'orateur était convaincu d'ailleurs que si le Gouvernement s'opposait à cette mesure, une transformation des partis parlementaires, et surtout de celui qui appuyait le Cabinet, était inévitable, M. L. Bulwer adjura, à son tour, les ministres de considérer le nombre, l'énergie et le talent, des hommes qui, tout en leur prêtant leur appui, voulaient néanmoins le triomphe de cette grande mesure. Le Cabinet pouvait-t-il se tourner vers ses amis et leur dire :

· J'accepte votre "concours, mais je repousse vos principes, et vous n'entrerez jamais dans le sanctuaire du pouvoir, à moins que vous ne laissiez vos opinions à la porte ? »

Cependant, lord John Russell s'opposa de nouveau auchangement désiré. Le ministre admettait l'existence du mal auquel on voulait remédier, mais il pensait qu'il était possible de trouver le remède ailleurs que dans le vote au scrutin secret. Toutefois, aussi long-temps qu'on s'obstinerait à vouloir emporter cette mesure, il s'abstiendrait même de proposer une autre combinaison pour laquelle on n'aurait que du mépris. Sur ce point, la résistance du Cabinet fut chaudement secondée par les bancs aristocratiques de la Chambre. Dans un discours habilement élaboré, sir Robert Peel attaqua par tous ses côtés vulnérables le système du vote au scrutin secret, que la Chambre rejetta à l'imposante majorité de 315 voix contre 198. Cependant, ainsi que l'avait prévu M. Ward, la conduite de plusieurs députés étroitement liés à l'administration, fut digne de remarque. Quoique quatre membres du Cabinet, lord Howick, lord Palmerston,

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