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par sir Charles Lemon, lord Leveson, M. Staney et sir Somerville.

Lord Stanley reprocha au ministère de flatter les deux opinions, sans oser en épouser franchement aucune; de dire à un parti: «< Je maintiens votre principe d'appropriation,»> et à l'autre « Vous faites une opposition factieuse à un projet >> qui ne renferme plus ce principe d'appropriation qui vous » a lant effrayé. » L'orateur tory s'attacha à mettre en contradiction les résolutions adoptées en 1835 sur la demande du ministère, avec ses déclarations actuelles. Alors il s'agissait purement et simplement d'affecter aux besoins de l'éducation publique, sans acception de croyances religieuses, le surplus des revenus de l'église, après avoir prélevé les sommes nécessaires à l'entretien des ministres protestants. Aujourd'hui c'est, au contraire, à des besoins généraux qu'on voudrait employer l'excédent du produit des dîmes. De deux choses l'une, dit en terminant lord Stanley: ou la nouvelle proposition maintient l'inique principe que les revenus de l'église peuvent avoir une destination profane, ou elle repousse ce principe, Dans le premier cas, lord Russell doit être parfaitement convaincu que le parti conservateur ne ratifiera jamais cette énormité, et qu'une transaction fondée sur une telle base ne saurait aboutir à la solution de la question des dimes. Dans le second cas, c'est-à-dire, si le projet ministériel ne renferme plus le principe d'appropriation, il est évident qu'il s'agit d'un système où l'on ne retrouve plus ce principe vital, hors duquel le Cabinet a déjà déclaré qu'il ne peut y avoir d'arrangement définitif et durable. Lord Stanley ajoute enfin, que cette fatale résolution ne peut rester plus long-temps suspendue, comme un épouvantail, sur la tête du clergé irlandais, et que, tant que durera cette incertitude sur la question des dimes, le Gouvernement ne doit point se flatter de faire passer le bill relatif à l'organisation municipale.

Lord Morpeth soutient que le clergé a mal-interprété les mesures proposées à la Chambre. On a paru croire que les

émoluments de l'église seraient payées désormais au moyen d'allocations annuellement votées par le parlement. Telles ne sont point, cependant, les intentions du pouvoir qui ne propose autre chose que de placer le clergé dans la position où se trouvent les juges, les grands officiers de l'État et la couronne elle-même, dont la liste civile est garantie par une loi. Or, dans cet arrangement, rien n'était de nature à blesser les droits ou la dignité du clergé irlandais.

Après une discussion longue et animée entre MM. Lascelles, Redington, Townley et Schaw, de laquelle il résulta que le produit des dîmes en Irlande était de 498,148 livres sterling (12,453,700 fr.) dont 486,784 revenaient au clergé des paroisses et le reste aux grands dignitaires de l'église, M. O'Connell prit la parole. « La véritable, la seule question, s'écria-t-il, est de savoir comment l'Irlande sera gouvernée. Depuis sept cents ans, on se demande si l'Irlande doit rester la proie d'une faction. (Violents murmures sur les bancs de l'opposition.)

• Je vous remercie de vos cris, repreud M. O'Connell. J'ai déjà entendu bien d'insolentes clameurs poussées contre mon pays; criez-donc encore; I'Irlande vous entendra; d'ailleurs c'est là l'esprit du parti qui vous a envoyés dans cette Chambre. Mais songez que vous pouvez avoir besoin de nous. Que fussiez-vous devenus à Waterloo si nous n'eussions été à vos côtés? Je ne fais point cette question dans l'intérêt de votre commandant en chef qui est lui-même un Irlandais; mais dans celui des braves soldats, mes compatriotes, qui gagnèrent la bataille pour tui (Murmures et interruptions). Encore une fois, voici la question : le peuple irlandais sera-t-il placé sur le même pied que la nation anglaise ? Si vous nous déniez cette communauté d'intérêts et de droits, prenez garde aux conséquences de ce refus (Nouvelles et plus violentes exclamations des bancs de l'opposition ). Vous souriez de pitié; soit, mais souvenez-vous que des millions d'hommes parlent aujourd'hui par ma bouche, et que les lâches insultes que vous m'adressez ce soir arriveront bientôt jusqu'à eux (A l'ordre!) »

M. O'Connell, se livrant ensuite à l'examen du projet ministériel, soutint qu'il n'allait pas assez loin et qu'il n'offrait à l'Irlande qu'une insuffisante réparation; mais il ajouta

que, pour arriver enfin à une transaction amicale, il était prêt à lui donner son assentiment.

Sir Robert Peel, pour qui ce débat était une occasion de triomphe, succéda à M. O'Connell. L'honorable baronnet récapitula toutes les phases de cette longue lutte; il rappela qu'arrivé aux affaires en 1834, il désirait si vivement la solution de la question des dimes, qu'au risque d'être accusé de plagiat, il adopta le plan de l'administration précédente. Mais on voulut ensuite y mêler un principe abstrait qu'il ne pouvait accepter. Aussi, dès ce moment, déclara-t-il à ses adversaires que leur triomphe ne serait pas de longue durée. Relativement aux négociations primitives, et au manque de foi dont son parti était accusé, sir Robert Peel voulut prouver que les plaintes de lord Russell étaient sans fondement. Il signala ensuite l'obscurité suspecte qui régnait dans les nouvelles propositions du Cabinet, dont le langage était si équivoque qu'il était impossible de décou→ vrir le but auquel il marchait.

Après un discours du chancelier de l'échiquier, la Chambre étant passée aux voix, l'amendement de sir Thomas Ackland, tendant à la suppression de la clause d'appropriation, fut rejeté par 317 votes contre 298,- majorité mi nistérielle 19.

Le 29 mai, lord John Russell ayant demandé que la Chambre se formât en comité, pour s'occuper du bill sur les corporations municipales d'Irlande, sir Robert Peel expliqua les intentions et les vues des tories relativement aux grandes questions irlandaises. Ce parti consentirait à ce que les dimes fussent converties en une redevance annuelle (rent-charge); mais le rachat de cette redevance lui paraissait hérissé de difficultés. Il en était de même de l'emploi qu'on voulait faire des fonds provenant de cette opération. Sir Robert Peel voyait de graves inconvénients à faire de l'Eglise une espèce de grand tenancier. Rien de mieux que d'abolir les abus réellement existants dans la constitution temporelle de l'Eglise d'Irlande. Aussi consentait-il volon

tiers à la réduction des bénéfices là où ils n'étaient point en harmonie avec les ressources du revenu, à la suppression complète des sinécures et à l'entretien de ministres résidants dans les paroisses qui en étaient privées,

L'orateur abordant ensuite la question des corporations municipales, déclara que si l'on admettait cette institution, elle devait avoir pour base l'élection populaire. Cependant il ne la croyait applicable qu'aux villes dont la population était de 15,000 âmes et au-dessus, et il demandait que, dans ces localités, nul ne pût être électeur s'il n'était taxé à 10 livres sterling, dans la répartition de l'impôt des pauvres. Quant aux localités qui ne comptaient qu'une population inférieure au chiffre précédemment indiqué, l'orateur pensait que la majorité des contribuables devait être libre de demander une charte municipale, mais qu'il ne fallait point la lui împoser.

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Lord Russell reconnut que les vues exprimées par le préopinant, n'étaient point de nature à mettre obstacle à la solution des questions importantes qui se débattaient. Quant au cens électoral proposé par sir Robert Peel, le ministre n'était point préparé à en discuter le chiffre; mais il en acceptait le principe, et il ne s'agissait plus que d'une fixation plus ou moins élevée.

Ce débat ne fut pas alors poussé plus avant; mais les com→ munes l'ayant repris le 21 juin, lord Russell combattit le cens de 10 livres sterling que le Gouvernement considérait comme excessif. C'est sur ce terrain que les deux fractions de la Chambre se divisèrent définitivement. Le parti ministériel voulait que le cens fût gradué de 5 à 10 livr. st., suivant l'importance des localités; les conservateurs insistaient, au contraire, sur un cens absolu de 10 livr. sterling. Les ministres voyant l'obstination de leurs adversaires, et voulant cependant arriver à un arrangement, prirent l'avis de leur parti convoqué à cet effet à l'hôtel des affaires étrangères; mais la réunion se prononça énergiquement

contre toute concession nouvelle, et, le 11 juin, sir Robert Peel ayant demandé que la Chambre substituât le cens de 10 livr., à celui de 5 livr. proposé par le Cabinet, cet amendement fut rejeté par 286 voix contre 266; — majorité pour le ministère 20. Enfin le 25 juin l'ensemble de la loi fut voté par 169 voix contre 134.

Le 12 juillet, le bill des corporations municipales fut envoyé à la Chambre des lords, où il rencontra une formidable opposition. Lord Lyndhurst demanda la suppression de la clause qui fixait, dans certains cas, le cens électoral à 5 liv. sterling; amendement qui fut voté par 96 voix contre 36 :majorité contre le ministère 60. Cet échec sembla ébranler la confiance du Cabinet. Le 27 juillet, lord Melbourne proposa à la Chambre haute de passer à la troisième lecture du bill, déclarant que, quoique le Gouvernement n'adhérât point aux divers amendements qu'elle y avait introduits, il demanderait qu'il fût renvoyé aux communes. En conséquence le bill fut lu une troisième fois et transmis, amendé, à l'autre Chambre où la discussion s'ouvrit de nouveau le 2 août. Alors lord John Russell combattit une à une les modifications apportées par la pairie, dans le but évident de conserver aux membres des corporations actuelles les droits, emplois et priviléges que les communes avaient voulu transférer aux corporations nouvellement constituées. En effet, dans le système de la pairie, les principaux officiers des anciennes corporations irlandaises devaient conserver leurs places, tandis que, en Angleterre, la loi municipale transmettait tous les pouvoirs des anciennes corporations, aux corporations nouvelles. Enfin, lord Russell n'hésitait point à déclarer que les amendements votés par la Chambre des pairs tendaient à maintenir tous les abus que les communes avaient voulu déraciner,

« C'est au parlement, disait en terminant Sa Seigneurie, à voir si cette politique est propre à pacifier l'Irlande et à procurer un bon système de gouvernement à ce malheureux pays. »

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